Lac-Mégantic, 3 mois plus tard... Depuis la tragédie qui a - TopicsExpress



          

Lac-Mégantic, 3 mois plus tard... Depuis la tragédie qui a frappé ma ville, on me demande souvent « Comment allez-vous les gens à Lac-Mégantic ? » …Je ne peux évidemment pas répondre pour les autres, alors je répondrai pour moi… Complètement chamboulée! J’avais choisi mon appartement à quelques minutes du centre-ville, question de pouvoir faire mes commissions sans avoir à me servir d’un véhicule. J’avais donc accès à tout ce dont j’avais besoin à proximité, et j’étais à environ 5 minutes de marche avant d’avoir les pieds dans le lac. Le centre-ville était un peu mon deuxième chez moi. J’y étais pratiquement sept jours sur sept, et c’était un environnement dans lequel je me sentais extrêmement bien ! Un endroit où je côtoyais des gens que j’aimais, et/ou appréciais grandement, tous les jours. Il peut sembler étrange de vous décrire une place publique telle une personne. Mais ayant vécu pratiquement toute ma vie à Montréal, je peux vous certifier que le centre-ville d’une petite ville comme Lac-Mégantic n’a rien à voir avec l’individualisme et l’indépendance que l’on retrouve dans les grandes villes. Et je ne le dis aucunement de façon péjorative, c’est une réalité. Ici, la proximité des gens fait en sorte que tout un chacun se connaît et s’entraide. C’est un peu comme une grande famille. Et le centre-ville était l’endroit où l’on se retrouvait et partageait des sourires, de la bonne humeur et du bonheur pur et simple ! Oui, c’était réellement le cœur de notre ville ! Il y a presque 3 mois maintenant qu’il est dévasté, et pas un seul jour ne passe sans que je n’aie encore le sentiment que c’est irréel. Je n’ai pas le répit d’une journée sans y penser. Chaque fois que je viens pour sortir de chez moi, c’est là que j’ai envie d’aller. Ça me fait parfois tellement mal émotionnellement, que la douleur devient physique. Parce que la tragédie va évidemment bien au-delà des endroits, des bâtiments, des maisons, du parc, des lieux physiques que nous avons perdus… Cette perte représente en tout premier lieu tous ceux et celles qui ne sont plus parmi nous… Et ça, ça fait cruellement mal, tous les jours ! Personnellement, j’ai beaucoup de difficulté à sortir de chez moi. Mes pieds veulent se rendre dans le centre-ville, et mon cœur et ma tête veulent que tout soit exactement comme avant. Qu’il n’y ait jamais eu de tragédie, et que le bonheur qui existait revienne ! … Je me suis rendue près des barrières qui contournent ce qui était jadis notre beau centre-ville. Il me semblait que je devais voir de mes yeux afin de peut-être « accepter l’inacceptable ». Alors, une journée, j’ai fait le tour au complet de la zone dévastée en marchant. J’y ai vu beaucoup de touristes, certain m’ont parlé et posé des questions. Ils étaient tous très gentils ! … Mais alors qu’eux voient ce qui reste du centre-ville… moi je vois ce qui n’y est plus… Alors qu’eux voient des montagnes de débris… moi je vois du feu partout et j’entends des hurlements atroces… Juste l’écrire me fait verser des larmes… J’ai beaucoup pleuré en voyant l’ampleur de la dévastation… Alors qu’eux pensent à 47 « victimes »…, moi je pense à des amis, des connaissances, des gens que je côtoyais… des frères, sœurs, enfants, parents, famille proche et/ou meilleurs amis de ceux et celles qui m’entourent. Ils ne sont pas seulement des noms et une photo inconnus, ils sont des gens qui partageaient mon petit coin de paradis et que j’étais amenée à rencontrer à moment ou un autre dans mon quotidien. Je suis une personne ultrasensible. Je capte de façon exponentielle les émotions et les vibrations énergétiques autour de moi. Mais, là… c’est bien pire! En ce moment, ma sensibilité est exacerbée, et je me sens bien souvent submergée d’une peine immense. Je suis incapable de voir la dévastation du centre-ville sans me mettre chaudement à pleurer. Alors, je l’évite le plus possible. J’ai malheureusement une forte tendance à m’isoler. J’ai beau savoir de manière « logique » que je ne pouvais physiquement rien faire pour sauver ces vies humaines prises dans le feu, que j’entendais hurler « Au secours » à tout rompre… Je reste tout de même avec un profond sentiment de culpabilité… Je les entends encore dans ma tête. Tous les soirs, je rêve à ceux et celles qui sont morts… et parfois, je meurs aussi… Chaque fois que j’entends des sirènes de pompiers, d’ambulance et/ou de police, une peur m’envahit. Le soir, lorsque le lampadaire s’éteint tout à coup et qu’il fait plus noir, une panique monte en l’espace d’une fraction de seconde, et y reste le temps de quelques-unes. Un coup de tonnerre ? Même chose ! Quelqu’un qui cri dehors ? Pareil! …Hier, j’ai manqué d’Internet, c’est on ne peut plus banal! Pourtant, alors que normalement, je me serais dit « bah, ça va ben finir par revenir. », sans en ressentir le moindre stress. Là, je me suis retrouvée avec une angoisse intense de perdre toutes communications… Toutes ces choses me ramènent directement à la nuit du 6 juillet 2013. Tout ce que mon cerveau a enregistré à ce moment me fait réagir, et ce, même si cela se reproduit sous une forme différente et avec une ampleur moindre. Ma mémoire, elle, l’a associé à des évènements tragiques, et me met instantanément en mode de « survie ». Je deviens hyper vigilante et analytique. Je suis assez lunatique de nature, mais là, ça va au-delà d’une simple maladresse. Je me sens souvent confuse. Mon « disque dur interne » est saturé. Les informations simples telles que de mettre le lait dans le frigidaire au lieu de dans l’armoire par exemple, devient le genre d’informations que mon esprit ne capte plus… Parce qu’il est en mode d’alerte. Alors, ces temps-ci, la concentration est on ne peut plus difficile ! …Je me sens à fleur de peau, mais je me sens aussi énormément agressive. Ce qui d’ordinaire m’aurait fait suer un tantinet me met carrément en beau criss. Je me sens impatiente, et totalement vulnérable… Je sais que tout ça fait partie du choc post-traumatique, mais j’ai beau le savoir et avoir de l’aide professionnel pour m’aider, reste que c’est déstabilisant et inquiétant. J’éprouve une profonde tristesse. J’ai perdu tous mes repères et plusieurs personnes du même coup. C’est une multitude de deuils en même temps. C’est colossal ! …Il y a quelques jours, je suis allée me promener sur les sentiers que j’empruntais auparavant, qui longent la rivière… J’y ai vu un arc-en-ciel huileux flottant sur l’eau, caractéristique du pétrole. Alors que d’ordinaire, c’est un endroit qui m’apaise et où j’aime respirer à pleins poumons la fraîcheur de la forêt… là, une fois de plus, c’est le pétrole que ça sent… Ça me rend triste et me rappelle toujours et encore ce qui s’est passé dans ma petite ville… Et lorsqu’en me promenant, je vois et sent le pétrole, et qu’en même temps j’entends sonner les cloches de l’église pour un enterrement… Les larmes me montent aux yeux et se déversent sur mon visage… Bien sûr, il m’arrive encore d’avoir des moments de bonheur, et je m’y accroche. Les premières semaines, le premier mois, j’étais sous l’effet de l’adrénaline. Là, je suis dans le « après », une fois le choc initial passé. Cependant, je sais que le temps fera son œuvre, et qu’après une gigantesque tempête, le soleil finit par revenir un jour ou l’autre. Alors, je garde espoir en des jours meilleurs. Mais bon, voilà comment moi je vais presque 3 mois après la tragédie… Merci de m’avoir lu! xxx
Posted on: Sat, 05 Oct 2013 23:27:30 +0000

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