Le piège de l’instabilité au Moyen-Orient Traduit de - TopicsExpress



          

Le piège de l’instabilité au Moyen-Orient Traduit de l’anglais par Julia Gallin – L’instabilité continue à gagner du terrain au Moyen-Orient, le coup d’État militaire en Égypte étant le dernier épisode à l’origine de répercussions politiques dans l’ensemble de la région. L’Égypte, qui compte 85 millions d’habitants et occupe une position cruciale au plan stratégique, est le pays le plus important de la rive sud de la Méditerranée. Poursuivre le processus de démocratisation entamé dans ce pays en 2011 est fondamental. Le gouvernement islamiste des Frères musulmans, dirigé par Mohamed Morsi, a démontré sans équivoque son incompétence et son incapacité à garantir une transition démocratique inclusive. Mais la solution que propose l’armée égyptienne est loin d’être idéale. Les coups d’État ont tendance à exacerber les problèmes au lieu de les résoudre et celui-ci ne fait pas exception. La première conséquence de ce coup d’État est que la société égyptienne est plus que jamais divisée sur la question de la légitimité politique. Les partisans de Morsi avancent la légitimité de sa victoire dans le cadre d’une élection démocratique il y a un an – et dénoncent l’illégitimité du coup d’État militaire et de la détention du président déchu – tandis que ses opposants défendent la légitimité de la contestation populaire qui s’est étendue à tout le pays. Les Frères musulmans ont tenté d’aller trop loin, trop vite. Leur programme islamiste a entraîné une défiance des institutions centrales de l’État, à savoir l’armée et le pouvoir judiciaire, et est entré en conflit avec les demandes progressistes de modernisation de ses opposants. La campagne Tamarod (rébellion), qui a organisé les manifestations conduisant à la destitution de Morsi, a accueilli avec enthousiasme l’intervention de l’armée. Ce précédent est indéniablement dangereux pour cette jeune démocratie. Les islamistes doivent être représentés pour s’assurer qu’ils ne renoncent pas aux urnes comme moyen pour faire valoir leurs objectifs. Ni les islamistes, ni les militaires ne peuvent mettre en place un nouveau régime contre la volonté d’une grande partie de la population. Malgré les piètres résultats de la présidence de Morsi – une année durant laquelle la situation économique s’est nettement dégradée – une solution favorable à la stabilité nationale et régionale aurait été préférable. Le coup d’État, qui est intervenu un an à peine après la formation d’un gouvernement élu – et quelques mois après la rencontre entre l’ancienne secrétaire d’État américaine Hillary Clinton et le président Morsi pour marquer la fin des hostilités entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza – pourrait au contraire donner lieu à une frustration accrue au sein des islamistes de la région. En fait, la situation géostratégique régionale a de nouveau évolué depuis la rencontre entre Clinton et Morsi, et la réaction tant des Etats-Unis que de l’Union européenne (pour laquelle la Méditerranée est vitale) a été tardive et inconsistante. Qui sont des alliés ou non est incertain. L’UE en particulier doit nouer un dialogue plus clair, coordonné et efficace avec les pays de la région. Outre la situation politique intérieure, l’Égypte doit affronter un autre problème urgent. Les Égyptiens dépendent du Nil, et l’Éthiopie a commencé à construire en amont du fleuve ce qui sera le plus grand barrage hydroélectrique d’Afrique. Ce projet va de l’avant malgré les vives protestations de l’Égypte – une intervention militaire a été évoquée. Si ce barrage voit le jour, le volume d’eau du Nil pourrait baisser de 20 pour cent, mettant en péril l’agriculture égyptienne et les moyens de subsistance de millions de personnes. Le coup d’État en Égypte pourrait également avoir de graves conséquences régionales. La Syrie reste engluée dans une guerre civile qui a déjà fait plus de 100.000 morts. Le régime du président syrien Bachar el-Assad s’est félicité de la chute du gouvernement des Frères musulmans et cherche à utiliser les échecs et la destitution de Morsi comme justification de la répression qu’il exerce en Syrie, compliquant d’autant la possibilité de trouver une solution politique permettant de mettre fin à la guerre. L’opposition syrienne, qui regroupe un large éventail de groupes et de courants politiques – dont al Qaïda – se radicalisera sans doute en réaction à la destitution de Morsi. Pour le Hamas, étroitement lié aux Frères musulmans, le coup d’État signifie qu’il perd le soutien de l’Égypte et implique également qu’Israël est l’un des pays qui en bénéficiera le plus. Le Qatar, qui était le principal soutien de Morsi (en lui octroyant une généreuse ligne de crédit), est aux prises avec sa propre transition politique et s’est distancé des troubles en Égypte. Le clivage entre les monarchies du Golfe devient de plus en plus apparent, manifesté par l’empressement de l’Arabie saoudite et des Émirats unis à financer le gouvernement de transition égyptien. La Turquie, qui a souvent présenté son système de démocratie islamiste comme un modèle pour d’autres pays à majorité musulmane cherchant à effectuer une transition démocratique, est également un grand perdant du coup d’État en Égypte. La politique étrangère turque a cherché à créer un ordre régional englobant d’autres régimes sunnites, conformément aux intérêts du pays. L’Égypte était clairement un élément fondamental de cette stratégie et son instabilité actuelle met en cause non seulement le modèle politique turc, mais également la sécurité de ses intérêts économiques. L’avenir de l’Iran est une autre question qui revêt une importance régionale considérable. Elle reste en suspens jusqu’à ce que le nouveau président, Hassan Rohani, entre en fonction. Que ni les Etats-Unis, ni l’UE n’ait fait un geste en direction de l’Iran depuis la victoire électorale de Rohani en juin n’est guère encourageant. En bref, le Moyen-Orient s’enfonce tous les jours davantage dans la tourmente et les perspectives de trouver une solution en Syrie, en Égypte et à d’autres sources d’instabilité régionale s’éloignent d’autant. Les lamentations vont bon train, aux dépens d’une réflexion approfondie sur la manière de renforcer la sécurité, l’économie et le modèle social de la région.
Posted on: Wed, 24 Jul 2013 16:52:37 +0000

Trending Topics



Recently Viewed Topics




© 2015