• POLITIQUE • Parti pris MEDIAPART - François Hollande - TopicsExpress



          

• POLITIQUE • Parti pris MEDIAPART - François Hollande contaminé par le syndrome Guy Mollet 21 octobre 2013 | Par Laurent Mauduit Dans l’histoire récente, lancien président du Conseil, Guy Mollet, incarne ce que le socialisme français a produit de pire. François Hollande semble contaminé par le même syndrome et conduit la gauche, sinon même la République, vers de gravissimes ébranlements. Dans le courant de sa campagne présidentielle ou dans les mois qui ont suivi son accession à lÉlysée, on a pu, par moments, sinterroger sur la filiation dans laquelle voulait s’inscrire François Hollande. Allait-il être un réformiste de gauche, à la manière du Lionel Jospin des années 1995-1997 ? Un instant, on a pu le croire, puisqu’il a fait comprendre que son ennemi, c’était la finance. Ou alors, allait-il être un social-libéral et suivre la voie ouverte en France à la fin des années 1990 par Dominique Strauss-Kahn ou Laurent Fabius ? Peu après l’alternance, on a pu tout aussi bien le penser puisque, oubliant derechef toutes ses promesses des mois passés, il a conduit avec zèle une politique pro-patronale, déréglementant un jour le marché du travail, dynamitant le lendemain l’impôt sur les sociétés pour offrir aux chefs d’entreprise un « choc de compétitivité »… S’il faut inscrire François Hollande dans une filiation historique, ce n’est pourtant pas à celles-ci qu’il faut en réalité se référer. Après que le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, eut pendant de longs mois, et avec l’assentiment du chef de l’État, mené une campagne de stigmatisation contre les Roms sur un registre xénophobe assez proche de celui de Brice Hortefeux ou de Claude Guéant sous le quinquennat précédent ; et après que le même François Hollande eut lui-même embourbé les socialistes dans un formidable discrédit, celui de la cafouilleuse et honteuse affaire Leonarda, on y voit maintenant un peu plus clair : s’il y a une filiation à établir, c’est plus vraisemblablement avec le molletisme. Pourquoi appeler Guy Mollet (1905- 1975) à la rescousse pour décrypter le quinquennat de François Hollande ? La réponse coule de source. L’ancien président du Conseil incarne dans l’histoire récente ce que le socialisme français a produit de pire. Dans le personnage, il y avait en effet les facettes de la mollesse, de l’indécision ou de la versatilité – un peu à la manière de ce que fut juste avant lui le petit Père Queuille (1884-1970), dont il fut d’ailleurs le bras droit en 1951, en qualité de vice-président du Conseil. Adepte des accords de circonstances dont la IVe République était friande, il a donc fluctué au fil des ans, dans un parcours sinueux, dont la démocratie a finalement failli périr. Tout comme la SFIO dont il a longtemps été la tête de proue. Mais sous ces airs ronds ou un tantinet bonhomme, il y avait surtout un socialiste d’un type très particulier. Un socialiste sans valeur ni principe, un socialiste très profondément réactionnaire. Guy Mollet a ainsi été de tous les mauvais combats, jusqu’aux plus honteux, dont la gauche a failli ne pas se relever, et la République avec elle. De la torture en Algérie alors qu’il était président du Conseil, jusqu’au coup d’État à froid du général de Gaulle en 1958, auquel il s’est rallié et qui a conduit à une véritable implosion de son propre parti, la SFIO, avec à la clef l’apparition de forces nouvelles autour notamment du Parti socialiste autonome (PSA), l’ancêtre du PSU. C’est donc un peu à tout cela que fait tristement penser aujourd’hui François Hollande. Lui aussi est souvent taxé de mollesse ou d’indécision. Mais la vérité est autrement plus inquiétante que cela : au fil des mois, on mesure de plus en plus nettement que c’est une équipe profondément réactionnaire qui est aux commandes depuis l’alternance. Une équipe brouillonne, à la limite parfois de l’incompétence – l’affaire Leonarda l’a illustré ces derniers jours jusqu’à la caricature, avec en bout de course le sidérant arbitrage du chef de l’État autorisant la jeune-fille à rentrer en France, mais sans sa famille. Mais surtout une équipe qui a perdu ses racines et ses valeurs, et qui amène le pays vers une catastrophe annoncée. Sous les éloges de Serge Dassault Dans les premiers mois du quinquennat, ce n’est certes pas le sentiment qui s’est dabord imposé. Oubliant toutes ses promesses de campagne un tantinet ancrée à gauche, de la « révolution fiscale » jusqu’à la promesse faite aux ouvriers de Florange de sauver leur site industriel, François Hollande a donné l’impression d’une Étrange capitulation – selon la formule que j’ai prise en titre d’un livre dressant le bilan de la première année de son action (voir la boîte noire sous cet article). Mais comme, après tout, ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement de gauche conduit une politique économique et sociale radicalement orientée à droite, on a observé François Hollande, sans trop de surprise, emprunter cette voie périlleuse. Tout juste a-t-on pu alors remarquer que François Hollande n’avait pas le moindre souci déquilibre. Délaissant l’électorat qui l’avait porté au pouvoir, il n’a eu de cesse que de faire des cadeaux au camp d’en face. Tout pour les entreprises! Et rien pour les ménages ni pour les salariés! Avec comme énorme cerise sur le gâteau, ces 20 milliards d’euros offerts aux patrons sous forme de crédit d’impôt, financé par un plan d’austérité imposé aux Français. Dans les premiers mois du quinquennat, le cap suivi par François Hollande a donc légitimement nourri un procès grave mais, somme toute, assez classique : un procès en reniement ou en promesses bafouées. Et parfois même un procès en tromperie, tant il est vrai que durant la campagne présidentielle François Hollande s’était bien gardé d’avouer à l’avance que la première de ses priorités économiques serait de conduire une politique de l’offre, favorable aux entreprises et défavorable aux salariés. Mais ce que l’on a mal vu ou mal interprété, tout au long de ces mêmes premiers mois du quinquennat, c’est que cette politique économique ultra conservatrice était en phase avec les accents réactionnaires que faisaient entendre au même moment le nouveau ministre socialiste de l’Intérieur. Que l’on se souvienne de ce que l’on disait durant l’été 2012, juste au lendemain de l’élection présidentielle : Manuel Valls joue une partition solitaire, voilà tout ! Et rien ne dit qu’il ait le plein soutien de l’Élysée. Sans doute a-t-on été candide, mais c’était effectivement cela le sentiment dominant : tôt ou tard, l’Élysée rappellera, disait-on, le ministre socialiste aux valeurs de solidarité de la gauche. Erreur ! Tout cela était en réalité cousu de fil blanc : la petite musique xénophobe du ministre de l’intérieur s’est fait entendre dès l’alternance en plein accord avec l’Élysée. À peine promu, Manuel Valls reprend donc la chasse aux Roms, qui était jusque-là la spécialité de Claude Guéant. Affligeant spectacle ! Dans les jours mêmes qui suivent l’alternance, comme dans un geste de défi ou même d’insulte à l’égard de ceux qui viennent de voter François Hollande, le nouveau ministre de l’intérieur reprend les expulsions, au point que cela devient le feuilleton de l’été 2012. À la télévision, à la radio, il n’est, de nouveau, question que de cela. Comme s’il n’y avait pas eu d’alternance. Comme si la droite était toujours au pouvoir. Comme si lhystérie sarkozyste ne sétait jamais interrompue. Et, pour bien montrer son engagement total dans cette politique de stigmatisation, Manuel Valls fait même en sorte que dans sa propre ville, celle d’Évry, où il a été maire jusqu’à la présidentielle avant de passer la main à un proche collaborateur, un arrêté municipal d’expulsion soit pris, à la fin de ce mois d’août 2012, à l’encontre d’une centaine de Roms, avant même qu’une décision de justice n’intervienne. Se glorifiant de son action, faisant en sorte durant tout cet été que la France, stupéfaite, n’entende parler que de cela, Manuel Valls se délecte à répéter durant tout ce mois d’août 2012 la formule malencontreuse de Michel Rocard « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde » sans même prendre le soin de poursuivre jusqu’au bout la phrase de l’ancien premier ministre socialiste « … mais elle doit en prendre sa part ». Sur le champ, c’est donc un concert de louanges. De la droite, s’entend ! Lors de l’inauguration de la 64e Foire de Corbeil-Essonnes, au début du mois de septembre 2012, le très conservateur sénateur UMP Serge Dassault, par ailleurs propriétaire du groupe éponyme et du Figaro, multiplie les éloges à l’adresse de celui qui lui a succédé à la mairie d’Évry, avant de passer Place Beauvau : « Je veux dire un mot à Manuel. Pour moi, pour nous, la sécurité nest ni de gauche ni de droite. Et je dois vous dire que nous sommes très heureux de son action (…) Cest pour ça quil a lappui dun journal bien connu (…) Mais, sil fait des bêtises, on en reparle. Actuellement, cest très bien. Pour les Roms et tous les autres, cest formidable. Donc, bravo, Manuel, et continue ! » Les fortes paroles de Jean Jaurès Dans le courant du mois d’octobre suivant, sans que l’Élysée ou Matignon n’aient jugé utile de le rappeler à l’ordre – c’est-à-dire en clair, avec leur assentiment tacite-, Manuel Valls franchit même cran de plus et, pointant l’islamisme radical, va jusqu’à dénoncer « les ennemis de l’intérieur ». Formule honteuse ! Elle suggère qu’une sorte de « cinquième colonne » serait à l’œuvre pour déstabiliser de l’intérieur la République ; que des Français sont un peu moins Français que les autres puisque sous couvert de leur nationalité, ils joueraient en fait secrètement la carte de l’anti-France. Formule honteuse, oui ! On en viendrait à penser ce jour-là que le détenteur du portefeuille de l’Intérieur n’est pas un ministre socialiste, attaché aux valeurs de la République, soucieux de combattre le terrorisme dans les règles de l’État de droit, mais un ministre de la droite radicale, à la manière d’un Raymond Marcellin, sinon pire ! À la manière de l’extrême droite de l’entre-deux-guerres qui pourchassaient également « l’ennemi intérieur » qu’était le bolchevisme, et par association, tout ce qui était de près ou de loin de gauche… Le 12 octobre 2012, à l’occasion d’un déplacement à Marseille pour assister à la clôture du syndicat de police Alliance, le ministre de l’intérieur appelle à « la mobilisation de toute la société » contre les nouvelles formes que prend l’islamisme : « mélange du processus de radicalisation qui va de la petite délinquance en passant par le crime organisé, la rencontre avec lislamisme radical en prison, le passage dans cet islamisme radical». Et d’ajouter : « La menace terroriste est en mutation. Elle est désormais le fait de Français nés sur notre sol parfois convertis à lislam et qui ont versé dans lislamisme radical » mêlant, selon lui, « délinquance, criminalité, antisémitisme virulent et soif dun absolu de haine et de violence ». Comme en écho à ces propos détestable de stigmatisation, suggérant par leur répétition délibérée que derrière chaque musulman se cache un islamiste intégriste, on se souvient des fortes paroles prononcées par Jean Jaurès, le 27 mars 1908, devant la Chambre des députés : « Vous savez bien que ce monde musulman prend conscience de son unité et de sa dignité. Deux mouvements, deux tendances inverses se le disputent : Il y a les fanatiques qui veulent en finir par la crainte, le fer et le feu avec la civilisation européenne et chrétienne, et il y a les hommes modernes, les hommes nouveaux... Il y a toute une élite qui dit : lislam ne se sauvera quen se renouvelant, quen interprétant son vieux lire religieux selon un esprit nouveau de liberté, de fraternité, de paix. Cest à lheure où ce mouvement se dessine que vous fournissez aux fanatiques de lIslam le prétexte, loccasion de dire : comment se réconcilier avec cette Europe brutale ? Voilà la France, la France de justice et de liberté qui na contre le Maroc dautre geste que les obus, les canons, les fusils. » Et comme de juste, sitôt après ces nouveaux anathèmes lancés par Manuel Valls, les applaudissements reprennent de plus belle. Toujours à droite, bien sûr. Cette fois, c’est le xénophobe Claude Guéant en personne qui s’y met. Le 23 du même mois d’octobre 2012, au micro de France Info, il ne tarit pas d’éloges sur son successeur : « [C’est] quelquun qui a un discours auquel je ne saurais reprocher grand chose dans le domaine de la sécurité (…) Il a un discours très républicain, très volontariste. Je ne doute pas un instant de la sincérité de ses propos », s’enthousiasme-t-il. Et ce n’est toujours pas tout. Même sur la question du droit de vote des étrangers non-communautaires aux élections locales, Manuel Valls se distingue. Aux universités dété du Parti socialiste, à La Rochelle, il se fait applaudir, à la fin du mois d’août 2012, par les militants en martelant que le droit de vote des étrangers n’est pas une priorité. Et dans Le Monde, le 17 septembre suivant, il prend le contre-pied de 75 députés socialistes qui viennent de publier une tribune exhortant François Hollande de tenir ses engagements en ce domaine. Ce droit de vote n’est pas une « revendication forte » de la société, a le front de dire le ministre de l’intérieur. La menace dun ébranlement de la République Car tout est là ! Ce droit de vote est l’un des soixante engagements de François Hollande, qui auraient du avoir valeur de pacte avec le pays – pour être précis, c’est même le cinquantième. Battant les estrades pour dénoncer l’éventuel droit de vote des étrangers aux élections locales, Manuel Valls ne se borne donc pas à faire échos aux campagnes de la droite et de l’extrême droite ; il signifie aussi aux pays que l’engagement pris par François Hollande n’en est pas vraiment un ; que le changement, ce n’est en tout cas pas maintenant. En clair, et toujours sans être rappelé à l’ordre par l’Elysée, le ministre de l’intérieur donne à voir de la politique, sitôt les élections passées, le pire visage qui soit. Le visage du manquement à la parole donnée et même du mensonge, celui du cynisme et du calcul… Aux lendemains des élections présidentielle et législatives de 2012, le nouveau gouvernement copie donc en de nombreux points – et c’est cela, qui est sidérant – les travers de l’ancien qui lui même fait de la surenchère avec lextrême droite. Car, après tout, on aurait pu imaginer à l’avance que les socialistes, instruits des leçons du passé, conduisent une politique économique modérée, pour ne pas dire libérale ou franchement libérale, mais qu’ils se distinguent de la droite en conduisant sur d’autres fronts des politiques plus progressistes. Notamment en matière d’immigration ou de libertés publiques. Or, non ! Si la politique économique impulsée par François Hollande est très enracinée à droite, les campagnes engagées par le ministre de l’intérieur le sont tout autant : à peine en fonction, Manuel Valls chasse sur les terres de Claude Guéant, qui lui même braconnait sur celles du… Front national ! Les prolongements ultimes de ces dérives, on les connaît donc désormais. Pour finir, le ministre de l’intérieur a même fini par contrevenir jusqu’à l’article 1er de notre Constitution qui garantit « légalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction dorigine, de race ou de religion », en déclarant que seule une minorité de Roms souhaitait s’intégrer en France. Propos honteux, qui ont été prononcés le lundi 23 septembre sur France Inter : « Oui, il faut dire la vérité aux Français », a donc eu le front de dire Manuel Valls, avant d’ajouter : « Ces populations ont des modes de vie extrêmement différents des nôtres, et qui sont évidemment en confrontation, il faut tenir compte de cela, cela veut bien dire que les roms ont vocation à revenir en Roumanie ou en Bulgarie ». Il faut donc bien analyser cette calamiteuse affaire Leonarda pour ce qu’elle est. Ce n’est pas seulement la boulette stupide d’un président cafouilleux qui ne sait jamais bien quoi décider et qui en bout de course coupe la poire en deux, en acceptant le retour en France de la jeune Rom – pour calmer la colère des lycéens –, mais sans que sa famille soit autorisée à la suivre – pour calmer les critiques de la droite et de l’extrême droite. Non ! C’est surtout l’épilogue calamiteux d’une gauche qui, perdant toutes ses racines et sa valeurs, croit trouver sa survie en mimant les travers les plus détestables d’une droite qui elle-même est devenue poreuse aux idées de l’extrême droite. Il faut donc sûrement manier la comparaison entre Guy Mollet et François Hollande avec beaucoup de précaution. Le premier a, par exemple, eu une politique sociale très progressiste, avec loctroi de la troisième semaine de congés payés et linstauration de la vignette automobile pour financer les aides aux personnes agées tandis que lactuel chef de lEtat a donné de violents coups de boutoir dans les acquis sociaux, avec la récente réforme des retraites ou celle du marché du travail. Mais la comparaison avec le mollétisme nen garde pas moins une forte pertinence : c’est dans une course folle que se sont engagés les hiérarques socialistes, autour de François Hollande, comme le furent leurs prédécesseurs de la SFIO dans les années conduisant à 1958. Car ils n’ont pas seulement engagé une politique économique qui désespère leur électorat et alimente une colère sociale imprévisible, grosse de possibles explosions ; ils ont aussi accepté de faire du Front national le maître d’oeuvre principal du débat public. Et au lieu de combattre l’extrême droite, ils laissent leur ministre de l’intérieur chevaucher certaines de ses thématiques préférées. Car cest dabord cela, le mollétisme: cest limpuissance face à la montée de périls extrêmes. Limpuissance et, pour finir, la complicité avec les forces adverses qui y contribuent. Oui, une course folle… vers l’abîme ! Car au bout de la route, il y a des débâcles électorales gravissimes en perspective pour la gauche qe chacun préssent à lavance, et peut-être des fractures à lintérieur même du Parti socialiste même si celui-ci a été déserté depuis longtemps par la grande foule des militants. Mais, et c’est beaucoup plus grave, il y a surtout la menace terrible dun ébranlement de la République. Avec Guy Mollet, la République a même bel et bien failli être enterrée… mediapart.fr/journal/france/211013/francois-hollande-contamine-par-le-syndrome-guy-mollet?page_article=1
Posted on: Mon, 21 Oct 2013 17:24:46 +0000

Trending Topics



Recently Viewed Topics




© 2015