Question : Ce livre est le troisième que vous publiez sur la - TopicsExpress



          

Question : Ce livre est le troisième que vous publiez sur la situation internationale. Quel en est le thème principal ? Louis Dalmas : Le thème central est l’état de notre Occident. Le terme “d’Occident” est assez flou, mais il évoque un ensemble dans l’esprit des gens. Un ensemble plus culturel que géographique, un espace technologiquement “avancé”, empreint d’une “modernité” individualiste et consommatrice dont le souffle vital est l’argent. Il comprend l’Amérique, l’Europe, une partie du Proche-Orient, l’Australie, et les pays d’Asie sous influence comme le Japon. Il est dominé par l’impérialisme anglo-saxon où les Etats-Unis ont pris la relève de l’Angleterre. Ce nouvel empire est fondé sur un système économique de capitalisme libéral qui privilégie la liberté de marché et une hégémonie politico-militaire qui défend exclusivement les intérêts américains. Dans ce cadre, et suivant la logique du système, beaucoup d’événements se sont déroulés ces derniers temps. Des guerres de contrôle ou de mainmise néocolonialiste, le remplacement du pouvoir des Etats par celui des banques, la crise économique mondiale, l’effritement de l’Europe des grands patrons et des technocrates, l’érosion des nations indépendantes, le rôle croissant d’un islam auquel les Occidentaux n’ont rien compris, la transformation de l’OTAN en shérif international, l’organisation de subversions “de couleur” dans les pays “indésirables”. Ce sont les détails de ces événements qui sont la matière du livre. Avec l’accent porté sur un phénomène fondamental : le gouffre qui s’est creusé entre les dominants isolés dans leur bulle de puissance et de richesse, et les dominés qui ne se reconnaissent plus dans ces maîtres d’une autre planète. Entre les gouvernants astreints à multiplier les méfaits du système dans lequel ils se sont enfermés, et les gouvernés victimes d’une société ou s’accroissent les injustices et les inégalités. Le divorce est complet entre le “haut” et le “bas”. Pour résumer en une image : la société s’est partagée entre un couvercle de nantis et la marmite d’une masse de démunis, et les rapports se sont dégradés entre les deux au point de passer d’une différence de degré à une différence de nature. L’univers où circulent des milliards et où se prennent les décisions n’est pas le même que celui où un euro compte et où on n’est pas écouté. Q. : Qu’est-ce qui est à l’origine de ce clivage ? R. : Un mélange de cynisme et d’aveuglement humains. Les effets des choix et des engrenages. Les choix correspondent aux moments où les hommes ou femmes qui sont en situation de le faire, peuvent influer sur le cours des événements. C’est ce que Sartre appelait l’introduction de la subjectivité dans l’histoire. Les instants où une volonté humaine s’exprime en une bonne ou une mauvaise décision. A ces instants, les grands politiques se séparent des petits politiciens, quelquefois pour le meilleur, souvent pour le pire. On pense à de Gaulle gagnant l’Angleterre ou sortant de l’OTAN, à Tito mobilisant ses partisans, à Hitler initiant l’holocauste, à Rabin et Sadate se résolvant à s’entendre, à Bush envahissant l’Irak, à Sarkozy détruisant la Libye. Et bien sûr à la foule de responsables qui se soumettent ou qui laissent faire. L’absence de décision a autant d’effets que la décision elle-même. Là interviennent les engrenages. Les conséquences s’enchaînent, en bien ou en mal, surtout en mal, rendant les solutions difficiles ou impossibles. Le discours du 18 juin a lancé la Résistance, c’était un succès. Mais le démembrement de la Yougoslavie a attisé les haines dans les Balkans ; Pompidou et Giscard ont enfanté la crise actuelle avec leur sinistre loi de janvier 1973 ; les guerres aux Etats arabes laïques ont laminé les barrages à l’intégrisme musulman ; les intransigeances israélo-palestiniennes ont créé d’insolubles problèmes au Proche-Orient. Ca, ce sont quelques uns des engrenages désastreux. Choix et engrenages relèvent de nos dirigeants. Certains poursuivent cyniquement des buts précis, d’autres sont tout bonnement aveugles. Les deux creusent la tombe de l’Occident. Q. : Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser à la politique étrangère ? R. : Ma formation intellectuelle – agnostique, matérialiste, fortement teintée de marxisme et par nature non-conformiste – m’a poussé vers un rationalisme à base d’humanisme internationaliste. Donc à me préoccuper de ce qui se passait dans le monde, et à dénoncer ce qui opposait entre eux les êtres humains. Or aujourd’hui, cette ouverture sur l’humanité, cette internationale de fraternité des peuples, sont remplacées par une internationale maléfique, qui en est directement l’inverse : celle de la grande industrie et de la haute finance. A l’union classique des prolétaires s’est substituée la complicité des banquiers. J’ai voulu savoir pourquoi et comment. De plus, ayant connu la Seconde guerre mondiale comme pilote d’avion militaire d’abord, puis comme résistant, et étant vacciné contre les aventures belliqueuses, j’ai été choqué par l’éclatement d’un nouveau conflit en Europe, dans les Balkans. Là aussi, comme journaliste, j’ai voulu en connaître les raisons et m’informer. Q. : C’est là que se sont formées vos opinions politiques ? R. : Non, je me situais depuis longtemps dans une gauche progressiste et radicale, critique de la social-démocratie. Mais sans sectarisme, sans exclusives. Ce qui s’est passé, c’est que rétif aux slogans de propagande et convaincu du devoir d’être le plus objectif possible dans mon métier, j’ai voulu m’en tenir aux faits. Et là j’ai constaté une extraordinaire distorsion de la réalité, entretenue dans tous les grands médias sous la forme d’une diabolisation incessante des Serbes. Les amis de deux guerres mondiales étaient soudain devenus des barbares sauvages, ivrognes et violeurs de femmes. Tous les médias disaient la même chose, la plupart du temps sans rapport avec la réalité. On n’avait plus affaire à des moyens d’expression indépendants, mais à des relais serviles d’approximations et de mensonges. Manifestant une véritable haine raciste d’un seul côté du conflit. Cette partialité n’a pas cessé depuis. Les campagnes de propagande fonctionnent toujours de la même façon. Que ce soit en Irak, en Afghanistan, en Libye, en Côte d’Ivoire ou en Syrie, il y a toujours les méchants d’un côté, les blanche colombes de l’autre. D’où la création de notre journal B. I. conçu non pas pour défendre aveuglément l’adversaire maltraité, mais pour rétablir l’équilibre de l’information. Ce qu’il essaie de faire sans préjugés depuis presque vingt ans. Q. : Revenons à votre livre. Vous utilisez les formules “sans sectarisme”, “sans préjugés”, “sans exclusives”. Qu’est-ce que cela veut dire ? R. : Le comité de rédaction de B. I. est pluraliste, composé de membres d’opinions différentes. Ses rédacteurs s’expriment comme ils veulent, et ses lecteurs bénéficient d’une tribune libre. Ce qui les unit est la volonté commune d’échapper au conformisme de la “pensée unique” et de rechercher la vérité. C’est cet esprit qui inspire mes livres. Je me dis à gauche par facilité de langage traditionnel et pour me situer en gros plan, mais je ne crois pas aux étiquettes dont la France est si friande. Il y a des choses intéressantes à prendre de tous les côtés, quand elles se démarquent du lavage de cerveau général. Il faut savoir les saisir. L’ostracisme est une faiblesse de l’intelligence. Il est aussi absurde de faire de Marine Le Pen une lépreuse facho au contact infectieux que de décrire Melenchon comme un coupe-jarret gaucho au couteau entre les dents. Elle dit des choses justes, lui aussi. J’en parle dans mon livre en traçant leur portrait à tous les deux. Q. : Quel genre de choses ? R. : Leurs rapports avec les deux tentations diaboliques que les bien-pensants vouent aux gémonies : le nationalisme et le populisme. Ils sont intéressants. Je consacre d’ailleurs un chapitre à ces deux affreux dangers qui font transpirer d’effroi les sirupeux bobos de la presse et de la télé. ll n’y a de nationalisme tolérable qu’américain. Les USA sont les seuls habilités à brandir leur drapeau. Les autres pays doivent s’asseoir dessus. Ils sont à contrôler s’ils sont dociles, à combattre s’ils se prétendent souverains. Les Etats qui se veulent indépendants de l’empire, s’ils ne se diluent pas dans la soupe européenne en se laissant piétiner à Bruxelles, sont des grumeaux dangereux ; ailleurs sur la planète, ils sont à détruire par tous les moyens. Le populisme, lui, présenté comme la porte ouverte au déchaînement des instincts bestiaux de la plèbe, terrifie la bouillie UMPS, ce métissage centriste droite-gauche que j’appelle “la drauche”. Il menace d’ébranler le pesant édifice de l’oligarchie atlantique. Donc il est un péril majeur. Mais quand on l’analyse sérieusement, comme j’essaie de le faire, le populisme se révèle ce qu’il est : beaucoup plus une écoute du peuple, de ses souffrances et de ses besoins, que le tintamarre de matamores en mal de publicité. Là aussi, les minoritaires qui se placent en dehors du système – à la soi-disant extrême-droite ou à la prétendue extrême-gauche, ou simplement dans la liberté de parler vrai en dehors de l’appartenance aux partis traditionnels – font des contributions utiles. Alain de Benoist, Jacques Cheminade, François Asselineau, Michel Collon, Jean Bricmont, Fabrice Garniron ou Diana Johnstone, sont par exemple mille fois plus importants que tous les éditorialistes ou commentateurs de nos grands médias audiovisuels ou imprimés. Q. : Vous citez des gens qui vous inspirent. Mais vous avez des têtes de turc... R. : Oui. Les tartarins qui se veulent des leaders d’opinion et qui sont des guignols. Les vedettes de notre société du spectacle dérisoire, les poupées gonflables de la vanité narcissique et de la promotion personnelle. Comme Bernard-Henri Lévy ou Daniel Cohn-Bendit. Je consacre quelques pages amusantes au déboulonnage de leurs statues. Mais il y a aussi tous les dirigeants qui sont les fossoyeurs de l’Occident. Ceux-là sont plus que des pitres, ce sont des criminels. Q. : Vous n’aimez pas les riches ! R. : Je n’ai rien contre la richesse. Tout le monde a envie d’avoir de l’argent pour profiter de la vie. Ce qui me choque, c’est la disproportion des fortunes. L’inégalité des rémunérations. La distance qui sépare la bulle dorée du restant de l’humanité. C’est la matière d’un chapitre de mon livre dont les chiffres donnent le vertige. On nimagine pas ce que les spéculateurs ou les grands patrons se mettent dans la poche. Dans tous les domaines de l’existence il y a des seuils, des limites à ne pas dépasser. On peut s’habiller comme on veut en allant au bureau, on n’y va pas tout nu. La musique est agréable à entendre à condition de ne pas assourdir. L’excès de vitesse sur la route est puni. Or, c’est la mesure raisonnable de l’activité humaine qui vole en éclats en matière d’argent. C’est le seul domaine où les dimensions n’ont plus de sens. Et pour protéger le luxe effréné de cette pellicule hors normes, il y a tout un monde de fraudes, de dissimulations, de manœuvres, dont je décris les agents et les pratiques (grâce en partie aux enquêtes de mon confrère et ami Jean-Loup Izambert – encore un “indépendant” de valeur). Ce ne sont pas les riches que je n’aime pas, ce sont les extra-terrestres au sommet de la ploutocratie. Q. : Vous critiquez beaucoup. Vous décrivez un Occident malade. C’est très négatif. Y a-t-il des remèdes possibles ? R. : Oui, bien sûr, et j’en évoque plusieurs. Mais le positif exige ce qui manque le plus à nos politiciens : le courage. La volonté de sortir d’un système mortel, de rompre avec les habitudes libérales, de s’affranchir de la dictature des marchés, d’abattre le pouvoir des banques, d’élargir l’amitié atlantique à de nouvelles alliances, de briser le carcan de l’OTAN, de retrouver notre souveraineté. Il y a peu de chances de voir notre “élite” de bourgeois englués dans l’obéissance à Washington et l’illusion européenne se peupler subitement de héros de l’indépendance nationale. Pendant ce temps – et c’est un des messages du livre – la colère monte chez les défavorisés, et la classe dirigeante risque de s’apercevoir dans pas très longtemps qu’elle danse sur un volcan. Louis DALMAS.
Posted on: Wed, 06 Nov 2013 10:17:18 +0000

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