Une fable pour comprendre le système bancaire: Ci-après la - TopicsExpress



          

Une fable pour comprendre le système bancaire: Ci-après la fable de Louis Even. L’île des naufragés 1. Sauvés du naufrage Une explosion a détruit leur bateau. Chacun sagrippait aux premières pièces flottantes qui lui tombaient sous la main. Cinq ont fini par se trouver réunis sur cette épave, que les flots emportent à leur gré. Des autres compagnons de naufrage, aucune nouvelle. Depuis des heures, de longues heures, ils scrutent lhorizon: quelque navire en voyage les apercevrait-il? Leur radeau de fortune échouerait-il sur quelque rivage hospitalier? Tout à coup, un cri a retenti: Terre! Terre là-bas, voyez! Justement dans la direction où nous poussent les vagues! Et à mesure que se dessine, en effet, la ligne dun rivage, les figures sépanouissent. Ils sont cinq: François, le grand et vigoureux charpentier qui a le premier lancé le cri: Terre! Paul, cultivateur; cest lui que vous voyez en avant, à gauche, à genoux, une main à terre, lautre accrochée au piquet de lépave; Jacques, spécialisé dans lélevage des animaux: cest lhomme au pantalon rayé qui, les genoux à terre, regarde dans la direction indiquée; Henri, lagronome horticulteur, un peu corpulent, assis sur une valise échappée au naufrage; Thomas, le prospecteur minéralogiste, cest le gaillard qui se tient debout en arrière, avec une main sur lépaule du charpentier. 2. Une île providentielle Remettre les pieds sur une terre ferme, cest pour nos hommes un retour à la vie. Une fois séchés, réchauffés, leur premier empressement est de faire connaissance avec cette île où ils sont jetés loin de la civilisation. Cette île quils baptisent LÎle des Naufragés. Une rapide tournée comble leurs espoirs. Lîle nest pas un désert aride. Ils sont bien les seuls hommes à lhabiter actuellement. Mais dautres ont dû y vivre avant eux, sil faut en juger par les restes de troupeaux demi-sauvages quils ont rencontrés ici et là. Jacques, léleveur, affirme quil pourra les améliorer et en tirer un bon rendement. Quant au sol de lîle, Paul le trouve en grande partie fort propice à la culture. Henri y a découvert des arbres fruitiers, dont il espère pouvoir tirer grand profit. François y a remarqué surtout les belles étendues forestières, riches en bois de toutes sortes: ce sera un jeu dabattre des arbres et de construire des abris pour la petite colonie. Quant à Thomas, le prospecteur, ce qui la intéressé, cest la partie la plus rocheuse de lîle. Il y a noté plusieurs signes indiquant un sous-sol richement minéralisé. Malgré labsence doutils perfectionnés, Thomas se croit assez dinitiative et de débrouillardise pour transformer le minerai en métaux utiles. Chacun va donc pouvoir se livrer à ses occupations favorites pour le bien de tous. Tous sont unanimes à louer la Providence du dénouement relativement heureux dune grande tragédie. 3. Les véritables richesses Et voilà nos hommes à louvrage. Les maisons et des meubles sortent du travail du charpentier. Les premiers temps, on sest contenté de nourriture primitive. Mais bientôt les champs produisent et le laboureur a des récoltes. A mesure que les saisons succèdent aux saisons, le patrimoine de lîle senrichit. Il senrichit, non pas dor ou de papier gravé, mais des véritables richesses: des choses qui nourrissent, qui habillent, qui logent, qui répondent à des besoins. La vie nest pas toujours aussi douce quils souhaiteraient. Il leur manque bien des choses auxquelles ils étaient habitués dans la civilisation. Mais leur sort pourrait être beaucoup plus triste. Dailleurs, ils ont déjà connu des temps de crise au Canada. Ils se rappellent les privations subies, alors que des magasins étaient trop pleins à dix pas de leur porte. Au moins, dans lÎle des Naufragés, personne ne les condamne à voir pourrir sous leurs yeux des choses dont ils ont besoin. Puis les taxes sont inconnues. Les ventes par le shérif ne sont pas à craindre. Si le travail est dur parfois, au moins on a le droit de jouir des fruits du travail. Somme toute, on exploite lîle en bénissant Dieu, espérant quun jour on pourra retrouver les parents et les amis, avec deux grands biens conservés: la vie et la santé. 4. Un inconvénient majeur Nos hommes se réunissent souvent pour causer de leurs affaires. courrier du maire au sénateur.doc Page 15 sur 20 Dans le système économique très simplifié quils pratiquent, une chose les taquine de plus en plus: ils nont aucune espèce de monnaie. Le troc, léchange direct de produits contre produits, a ses inconvénients. Les produits à échanger ne sont pas toujours en face lun de lautre en même temps. Ainsi, du bois livré au cultivateur en hiver ne pourra être remboursé en légumes que dans six mois. Parfois aussi, cest un gros article livré dun coup par un des hommes, et il voudrait en retour différentes petites choses produites par plusieurs des autres hommes, à des époques différentes. Tout cela complique les affaires. Sil y avait de largent dans la circulation, chacun vendrait ses produits aux autres pour de largent. Avec largent reçu, il achèterait des autres les choses quil veut, quand il les veut et quelles sont là. Tous sentendent pour reconnaître la commodité que serait un système dargent. Mais aucun deux ne sait comment en établir un. Ils ont appris à produire la vraie richesse, les choses. Mais ils ne savent pas faire les signes, largent. Ils ignorent comment largent commence, et comment le faire commencer quand il ny en a pas et quon décide ensemble den avoir... Bien des hommes instruits seraient sans doute aussi embarrassés; tous nos gouvernements lont bien été pendant dix années avant la guerre. Seul, largent manquait au pays, et le gouvernement restait paralysé devant ce problème. 5. Arrivée dun réfugié Un soir que nos hommes, assis sur le rivage, ressassent ce problème pour la centième fois, ils voient soudain approcher une chaloupe avironnée par un seul homme. On sempresse daider le nouveau naufragé. On lui offre les premiers soins et on cause. On apprend quil a lui aussi échappé à un naufrage, dont il est le seul survivant. Son nom: Martin Golden. Heureux davoir un compagnon de plus, nos cinq hommes laccueillent avec chaleur et lui font visiter la colonie. — «Quoique perdus loin du reste du monde, lui disent-ils, nous ne sommes pas trop à plaindre. La terre rend bien; la forêt aussi. Une seule chose nous manque: nous navons pas de monnaie pour faciliter les échanges de nos produits.» — «Bénissez le hasard qui mamène ici! répond Martin. Largent na pas de mystère pour moi. Je suis un banquier, et je puis vous installer en peu de temps un système monétaire qui vous donnera satisfaction.» Un banquier!... Un banquier!... Un ange venu tout droit du ciel naurait pas inspiré plus de révérence. Nest-on pas habitué, en pays civilisé, à sincliner devant les banquiers, qui contrôlent les pulsations de la finance? 6. Le dieu de la civilisation — «Monsieur Martin, puisque vous êtes banquier, vous ne travaillerez pas dans lîle. Vous allez seulement vous occuper de notre argent.» — «Je men acquitterai avec la satisfaction, comme tout banquier, de forger la prospérité commune.» — «Monsieur Martin, on vous bâtira une demeure digne de vous. En attendant, peut-on vous installer dans lédifice qui sert à nos réunions publiques?» — «Très bien, mes amis. Mais commençons par décharger les effets de la chaloupe que jai pu sauver dans le naufrage: une petite presse, du papier et accessoires, et surtout un petit baril que vous traiterez avec grand soin.» On décharge le tout. Le petit baril intrigue la curiosité de nos braves gens. — «Ce baril, déclare Martin, cest un trésor sans pareil. Il est plein dor!» Plein dor! Cinq âmes faillirent séchapper de cinq corps. Le dieu de la civilisation entré dans lIle des Naufragés. Le dieu jaune, toujours caché, mais puissant, terrible, dont la présence, labsence ou les moindres caprices peuvent décider de la vie de 100 nations! — «De lor! Monsieur Martin, vrai grand banquier! Recevez nos hommages et nos serments de fidélité.» — «De lor pour tout un continent, mes amis. Mais ce nest pas de lor qui va circuler. Il faut cacher lor: lor est lâme de tout argent sain. Lâme doit rester invisible. Je vous expliquerai tout cela en vous passant de largent.» 7. Un enterrement sans témoin Avant de se séparer pour la nuit, Martin leur pose une dernière question: — «Combien vous faudrait-il dargent dans lîle pour commencer, pour que les échanges marchent bien?» On se regarde. On consulte humblement Martin lui-même. Avec les suggestions du bienveillant banquier, on convient que 200 $ pour chacun paraissent suffisants pour commencer. Rendez-vous fixé pour le lendemain soir. Les hommes se retirent, échangent entre eux des réflexions émues, se couchent tard, ne sendorment bien que vers le matin, après avoir longtemps rêvé dor les yeux ouverts. Martin, lui, ne perd pas de temps. Il oublie sa fatigue pour ne penser quà son avenir de banquier. A la faveur du petit jour, il creuse un trou, y roule son baril, le couvre de terre, le dissimule sous des touffes dherbe soigneusement placées, y transplante même un petit arbuste pour cacher toute trace. Puis, il met en œuvre sa petite presse, pour imprimer mille billets dun dollar. En voyant les billets sortir, tout neufs, de sa presse, il songe en lui-même: courrier du maire au sénateur.doc Page 16 sur 20 — «Comme ils sont faciles à faire, ces billets! Ils tirent leur valeur des produits quils vont servir à acheter. Sans produits, les billets ne vaudraient rien. Mes cinq naïfs de clients ne pensent pas à cela. Ils croient que cest lor qui garantit les piastres. Je les tiens par leur ignorance!» Le soir venu, les cinq arrivent en courant près de Martin. 8. A qui largent frais fait? Cinq piles de billets étaient là, sur la table. — «Avant de vous distribuer cet argent, dit le banquier, il faut sentendre. «Largent est basé sur lor. Lor, placé dans la voûte de ma banque, est à moi. Donc, largent est à moi... Oh! ne soyez pas tristes. Je vais vous prêter cet argent, et vous lemploierez à votre gré. En attendant, je ne vous charge que lintérêt. Vu que largent est rare dans lîle, puisquil ny en a pas du tout, je crois être raisonnable en demandant un petit intérêt de 8 pour cent seulement. — «En effet, monsieur Martin, vous êtes très généreux. — «Un dernier point, mes amis. Les affaires sont les affaires, même entre grands amis. Avant de toucher son argent, chacun de vous va signer ce document: cest lengagement par chacun de rembourser capital et intérêts, sous peine de confiscation par moi de ses propriétés. Oh! une simple garantie. Je ne tiens pas du tout à jamais avoir vos propriétés, je me contente dargent. Je suis sûr que vous garderez vos biens et que vous me rendrez largent. — «Cest plein de bons sens, monsieur Martin. Nous allons redoubler dardeur au travail et tout rembourser.» — «Cest cela. Et revenez me voir chaque fois que vous avez des problèmes. Le banquier est le meilleur ami de tout le monde... Maintenant, voici à chacun ses deux cents dollars.» Et nos cinq hommes sen vont ravis, les piastres plein les mains et plein la tête. 9. Un problème darithmétique Largent de Martin a circulé dans lîle. Les échanges se sont multipliés en se simplifiant. Tout le monde se réjouit et salue Martin avec respect et gratitude. Cependant, le prospecteur, est inquiet. Ses produits sont encore sous terre. Il na plus que quelques piastres en poche. Comment rembourser le banquier à léchéance qui vient? Après sêtre longtemps creusé la tête devant son problème individuel, Thomas laborde socialement: «Considérant la population entière de lîle, songe-t-il, sommes-nous capables de tenir nos engagements? Martin a fait une somme totale de 1000 $. Il nous demande au total 1080 $. Quand même nous prendrions ensemble tout largent de lîle pour le lui porter, cela ferait 1000 pas 1080. Personne na fait les 80 $ de plus. Nous faisons des choses, pas des piastres. Martin pourra donc saisir toute lîle, parce que tous ensemble, nous ne pouvons rembourser capital et intérêts. «Si ceux qui sont capables remboursent pour eux-mêmes sans se soucier des autres, quelques-uns vont tomber tout de suite, quelques autres vont survivre. Mais le tour des autres viendra et le banquier saisira tout. Il vaut mieux sunir tout de suite et régler cette affaire socialement.» Thomas na pas de peine à convaincre les autres que Martin les a dupés. On sentend pour un rendez-vous général chez le banquier. 10. Bienveillance du banquier Martin devine leur état dâme, mais fait bon visage. Limpulsif François présente le cas: — «Comment pouvons-nous vous apporter 1080 $ quand il ny a que 1000 $ dans toute lîle?» — «Cest lintérêt, mes bons amis. Est-ce que votre production na pas augmenté?» — «Oui, mais largent, lui, na pas augmenté. Or, cest justement de largent que vous réclamez, et non pas des produits. Vous seul pouvez faire de largent. Or vous ne faites que 1000 $ et vous demandez 1080 $. Cest impossible!» — «Attendez, mes amis. Les banquiers sadaptent toujours aux conditions, pour le plus grand bien du public... Je ne vais vous demander que lintérêt. Rien que 80$. Vous continuerez de garder le capital.» — «Vous nous remettez notre dette?» — «Non pas. Je le regrette, mais un banquier ne remet jamais une dette. Vous me devrez encore tout largent prêté. Mais vous ne me remettrez chaque année que lintérêt, je ne vous presserai pas pour le remboursement du capital. Quelques-uns parmi vous peuvent devenir incapables de payer même leur intérêt, parce que largent va de lun à lautre. Mais organisez-vous en nation, et convenez dun système de collection. On appelle cela taxer. Vous taxerez davantage ceux qui auront plus dargent, les autres moins. Pourvu que vous mapportiez collectivement le total de lintérêt, je serai satisfait et votre nation se portera bien.» Nos hommes se retirent, mi calmés, mi-pensifs. 11. Lextase de Martin Golden Martin est seul. Il se recueille. Il conclut: courrier du maire au sénateur.doc Page 17 sur 20 «Mon affaire est bonne. Bons travailleurs, ces hommes, mais ignorants. Leur ignorance et leur crédulité font ma force. Ils voulaient de largent, je leur ai passé des chaînes. Ils mont couvert de fleurs pendant que je les roulais. «Oh! grand banquier, je sens ton génie de banquier semparer de mon être. Tu las bien dit, illustre maître: Quon maccorde le contrôle de la monnaie dune nation et je me fiche de qui fait ses lois. Je suis le maître de lIle des Naufragés, parce que je contrôle son système dargent. «Je pourrais contrôler un univers. Ce que je fais ici, moi, Martin Golden, je puis le faire dans le monde entier. Que je sorte un jour de cet îlot: je sais comment gouverner le monde sans tenir de sceptre.» Et toute la structure du système bancaire se dresse dans lesprit ravi de Martin. 12. Crise de vie chère Cependant, la situation empire dans lÎle des Naufragés. La productivité a beau augmenter, les échanges ralentissent. Martin pompe régulièrement ses intérêts. Il faut songer à mettre de largent de côté pour lui. Largent colle, il circule mal. Ceux qui paient le plus de taxes crient contre les autres et haussent leurs prix pour trouver compensation. Les plus pauvres, qui ne paient pas de taxes, crient contre la cherté de la vie et achètent moins. Le moral baisse, la joie de vivre sen va. On na plus de cœur à louvrage. A quoi bon? Les produits se vendent mal; et quand ils se vendent, il faut donner des taxes pour Martin. On se prive. Cest la crise. Et chacun accuse son voisin de manquer de vertu et dêtre la cause de la vie chère. Un jour, Henri, réfléchissant au milieu de ses vergers, conclut que le «progrès» apporté par le système monétaire du banquier a tout gâté dans lIle. Assurément, les cinq hommes ont leurs défauts; mais le système de Martin nourrit tout ce quil y a de plus mauvais dans la nature humaine. Henri décide de convaincre et rallier ses compagnons. Il commence par Jacques. Cest vite fait: «Eh! dit Jacques, je ne suis pas savant, moi; mais il y a longtemps que je le sens: le système de ce banquier-là est plus pourri que le fumier de mon étable du printemps dernier!» Tous sont gagnés lun après lautre, et une nouvelle entrevue avec Martin est décidée. 13. Chez le forgeur de chaînes Ce fut une tempête chez le banquier: — «Largent est rare dans lîle, monsieur, parce que vous nous lôtez. On vous paie, on vous paie, et on vous doit encore autant quau commencement. On travaille, on fait de plus belles terres, et nous voilà plus mal pris quavant votre arrivée. Dette! Dette! Dette par-dessus la tête!» — «Allons, mes amis, raisonnons un peu. Si vos terres sont plus belles, cest grâce à moi. Un bon système bancaire est le plus bel actif dun pays. Mais pour en profiter, il faut garder avant tout la confiance dans le banquier. Venez à moi comme à un père... Vous voulez dautre argent? Très bien. Mon baril dor vaut bien des fois mille dollars... Tenez, je vais hypothéquer vos nouvelles propriétés et vous prêter un autre mille dollars tout de suite.» — «Deux fois plus de dette? Deux fois plus dintérêt à payer tous les ans, sans jamais finir?» — «Oui, mais je vous en prêterai encore, tant que vous augmenterez votre richesse foncière; et vous ne me rendrez jamais que lintérêt. Vous empilerez les emprunts; vous appellerez cela dette consolidée. Dette qui pourra grossir dannée en année. Mais votre revenu aussi. Grâce à mes prêts, vous développerez votre pays.» — «Alors, plus notre travail fera lîle produire, plus notre dette totale augmentera?» — «Comme dans tous les pays civilisés. La dette publique est un baromètre de la prospérité.» 14. Le loup mange les agneaux — «Cest cela que vous appelez monnaie saine, monsieur Martin? Une dette nationale devenue nécessaire et impayable, ce nest pas sain, cest malsain.» — «Messieurs, toute monnaie saine doit être basée sur lor et sortir de la banque à létat de dette. La dette nationale est une bonne chose: elle place; les gouvernements sous la sagesse incarnée dans les banquiers. A titre de banquier, je suis un flambeau de civilisation dans votre île.» — «Monsieur Martin, nous ne sommes que des ignorants, mais nous ne voulons point de cette civilisation-là ici. Nous nemprunterons plus un seul sou de vous. Monnaie saine ou pas saine, nous ne voulons plus faire affaire avec vous.» — «Je regrette cette décision maladroite, messieurs. Mais si vous rompez avec moi, jai vos signatures. Remboursez-moi immédiatement tout, capital et intérêts.» — «Mais cest impossible, monsieur. Quand même on vous donnerait tout largent de lîle, on ne serait pas quitte.» — «Je ny puis rien. Avez-vous signé, oui ou non? Oui? Eh bien, en vertu de la sainteté des contrats, je saisis toutes vos propriétés gagées, tel que convenu entre nous, au temps où vous étiez si contents de mavoir. Vous ne voulez pas servir de bon gré la puissance suprême de largent, vous la servirez de force. Vous continuerez à exploiter lîle, mais pour moi et à mes conditions. Allez. Je vous passerai mes ordres demain.» 15. Le contrôle des médiacourrier du maire au sénateur.doc Page 18 sur 20 Comme Rothschild, Martin sait que celui qui contrôle le système dargent dune nation contrôle cette nation. Mais il sait aussi que, pour maintenir ce contrôle, il faut entretenir le peuple dans lignorance et lamuser avec autre chose. Martin a remarqué que, sur les cinq insulaires, deux sont conservateurs et trois sont libéraux. Cela paraît dans les conversations des cinq, le soir, surtout depuis quils sont devenus ses esclaves. On se chicane entre bleus et rouges. De temps en temps, Henri, moins partisan, suggère une force dans le peuple pour faire pression sur les gouvernants... Force dangereuse pour toute dictature. Martin va donc sappliquer à envenimer leurs discordes politiques le plus possible. Il se sert de sa petite presse et fait paraître deux feuilles hebdomadaires: «Le Soleil», pour les rouges; «LÉtoile», pour les bleus. «Le Soleil» dit en substance: Si vous nêtes plus les maîtres chez vous, cest à cause de ces arriérés de bleus, toujours collés aux gros intérêts. «LÉtoile» dit en substance: Votre dette nationale est lœuvre des maudits: rouges, toujours prêts aux aventures politiques. Et nos deux groupements politiques se chamaillent de plus belle, oubliant le véritable forgeur de chaînes, le contrôleur de largent, Martin. 16. Une épave précieuse Un jour, Thomas, le prospecteur, découvre, échouée au fond dune anse, au bout de lîle et voilée par de hautes herbes, une chaloupe de sauvetage, sans rame, sans autre trace de service quune caisse assez bien conservée. Il ouvre la caisse: outre du linge et quelques menus effets, son attention sarrête sur un livre-album en assez bon ordre, intitulé: Première année de Vers Demain Curieux, notre homme sassied et ouvre ce volume. Il lit. Il dévore. Il sillumine: «Mais, sécrie-t-il, voilà ce quon aurait dû savoir depuis longtemps. «Largent ne tire nullement sa valeur de lor, mais des produits que largent achète. «Largent peut être une simple comptabilité, les crédits passant dun compte à lautre selon les achats et les ventes. Le total de largent en rapport avec le total de la production. «A toute augmentation de production, doit correspondre une augmentation équivalente dargent... Jamais dintérêt à payer sur largent naissant... Le progrès représenté, non pas par une dette publique, mais par un dividende égal à chacun... Les prix, ajustés au pouvoir dachat par un coefficient des prix. Le Crédit Social...» Thomas ny tient plus. Il se lève et court, avec son livre, faire part de sa splendide découverte à ses quatre compagnons. 17. Largent, simple comptabilité Et Thomas sinstalle professeur: «Voici, dit-il, ce quon aurait pu faire, sans le banquier, sans or, sans signer aucune dette. «Jouvre un compte au nom de chacun de vous. A droite, les crédits, ce qui ajoute au compte; à gauche, les débits, ce qui le diminue. «On voulait chacun 200 $ pour commencer. Dun commun accord, décidons décrire 200 $ au crédit de chacun. Chacun a tout de suite 200 $. «François achète des produits de Paul, pour 10 $. Je retranche 10 à François, il lui reste 190. Jajoute 10 à Paul, il a maintenant 210. «Jacques achète de Paul pour 8 $. Je retranche 8 à Jacques, il garde 192. Paul, lui, monte à 218. «Paul achète du bois de François, pour 15 $. Je retranche 15 à Paul, il garde 203; jajoute 15 à François, il remonte à 205. «Et ainsi de suite; dun compte à lautre, tout comme des piastres en papier vont dune poche à lautre. «Si lun de nous a besoin dargent pour augmenter sa production, on lui ouvre le crédit nécessaire, sans intérêt. Il rembourse le crédit une fois la production vendue. Même chose pour les travaux publics. «On augmente aussi, périodiquement, les comptes de chacun dune somme additionnelle, sans rien ôter à personne, en correspondance au progrès social. Cest le dividende national Largent est ainsi un instrument de service. 18. Désespoir du banquier Tous ont compris. La petite nation est devenue créditiste. Le lendemain, le banquier Martin reçoit une lettre signée des cinq: «Monsieur, vous nous avez endettés et exploités sans aucune nécessité. Nous navons plus besoin de vous pour régir notre système dargent. Nous aurons désormais tout largent quil nous faut, sans or, sans dette, sans voleur. Nous établissons immédiatement dans lîle des Naufragés le système du Crédit Social. Le dividende national remplacera la dette nationale. courrier du maire au sénateur.doc Page 19 sur 20 «Si vous tenez à votre remboursement, nous pouvons vous remettre tout largent que vous avez fait pour nous, pas plus. Vous ne pouvez réclamer ce que vous navez pas fait. Martin est au désespoir. Cest son empire qui sécroule. Les cinq devenus créditistes, plus de mystère dargent ou de crédit pour eux. «Que faire? Leur demander pardon, devenir comme lun deux? Moi, banquier, faire cela?... Non. Je vais plutôt essayer de me passer deux et de vivre à lécart.» 19. Supercherie mise à jour Pour se protéger contre toute réclamation future possible, nos hommes ont décidé de faire signer au banquier un document attestant quil possède encore tout ce quil avait en venant dans lîle. Doù linventaire général: la chaloupe, la petite presse et... le fameux baril dor. Il a fallu que Martin indique lendroit, et lon déterre le baril. Nos hommes le sortent du trou avec beaucoup moins de respect cette fois. Le Crédit Social leur a appris à mépriser le fétiche or. Le prospecteur, en soulevant le baril, trouve que pour de lor, ça ne pèse pas beaucoup: «Je doute fort que ce baril soit plein dor», dit-il. Limpétueux François nhésite pas plus longtemps. Un coup de hache et le baril étale son contenu: dor, pas une once! Des roches — rien que de vulgaires roches sans valeur!... Nos hommes nen reviennent pas: — «Dire quil nous a mystifiés à ce point-là, le misérable! A-t-il fallu être gogos, aussi, pour tomber en extase devant le seul mot OR! — «Dire que nous lui avons gagé toutes nos propriétés pour des bouts de papier basés sur quatre pelletées de roches! Voleur doublé de menteur!» — «Dire que nous nous sommes boudés et haïs les uns les autres pendant des mois et des mois pour une supercherie pareille! Le démon!» A peine François avait-il levé sa hache que le banquier partait à toutes jambes vers la forêt. 20. Adieux à lÎle des Naufragés Nul na plus entendu parler de Martin depuis léventrement de son baril et de sa duperie. Mais, à quelque temps de là, un navire écarté de la route ordinaire, ayant remarqué des signes dhabitation sur cette île non enregistrée, a jeté lancre au large du rivage. Nos hommes apprennent que le navire vogue vers lAmérique. Ils décident de prendre avec eux leurs effets les plus transportables et de sen retourner dans leur pays. Ils tiennent, par-dessus tout, à emporter le fameux album «Première Année de Vers Demain», qui les a tirés de la griffe du financier Martin et qui a mis dans leur esprit une lumière inextinguible. Tous les cinq se promettent bien, une fois rendus dans leur pays, de se mettre en rapport avec la direction de Vers Demain et la belle cause du Crédit Social…… FIN
Posted on: Tue, 19 Nov 2013 22:35:53 +0000

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