Une idéologie rance et raciste abritée derrière un masque - TopicsExpress



          

Une idéologie rance et raciste abritée derrière un masque humaniste Le Monde.fr | 01.11.2013 à 12h00 En cet automne 2013, on a pu croire que lère du déni était terminée. Après la série dagressions antimusulmanes de cet été, deux livres venaient rappeler que lislamophobie nest pas un fantasme: celui du journaliste Claude Askolovitch, dont le titre, Nos mal-aimés. Ces musulmans que la France ne veut pas (Grasset, 280p., 18 euros), indique que son auteur, jadis moins lucide, a rompu avec le petit milieu qui prospère sur la haine des musulmans; et celui des sociologues Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed, Islamophobie. Comment les élites françaises fabriquent le problème musulman (LaDécouverte, 300p., 21euros), qui fait le point sur les recherches menées depuis une dizaine dannées, en France et ailleurs, sur ce racisme New Age. On dut pourtant rapidement déchanter. Car la machine islamophobe, si puissante, si violente, se remit immédiatement en branle. Après avoir reconnu quil existait un racisme antimusulman, la polémiste Caroline Fourest précisa sur France Culture que ce racisme était lexclusivité de quelques excités et nia toute validité au concept dislamophobie, quelle incarne pourtant parfaitement. Les hebdomadaires ressortirent de leurs tiroirs leurs éternels intégristes qui, coupables de tout, permettent aux éditorialistes de rameuter les troupes. Il est urgent de combattre, exhorte Christophe Barbier en préambule du énième dossier que LExpress consacre au communautarisme (8 octobre). Lévénement qui peut être considéré comme lacte de naissance de lislamophobie en France sest produit en janvier1983. Confronté à un vaste mouvement social dans une industrie automobile en crise, le gouvernement socialiste, décidé à ne rien céder aux ouvriers, discrédita les grévistes, dont beaucoup étaient immigrés, en les assimilant aux mollahs iraniens. Des grèves saintes dintégristes, de musulmans, de chiites!, senflamma le ministre de lintérieur. Le stratagème provoqua quelques remous à gauche. Le Nouvel Observateur dénonça cet anti-islamisme indistinct qui conduit à voir en chaque musulman un complice virtuel de Khomeyni. Quant à Libération il y vit le prélude dun raz-de-marée raciste. Malgré ces avertissements, lentourloupe fonctionna. La presse obéissante fit ses choux gras des intégristes en col bleu. Satisfaites, la droite et lextrême droite constatèrent quil était plus efficace, pour insulter les bougnoules de les appeler musulmans. Car telle est la fonction de lislamophobie: encoder le racisme pour le rendre imperceptible, donc socialement acceptable. Cest cette machine à raffiner le racisme brut, lancée par les socialistes en 1983, qui tourne à plein régime depuis trente ans, à gauche comme à droite. On ne parle jamais de bougnoules à la télévision et dans la presse, et assez peu dArabes et de Noirs. Mais on diffuse à flux continu des reportages où se déverse un magma confus de musulmans, dislamistes et autres communautaristes. Rien de raciste, bien sûr! Cest simplement que ces gens-là posent problème, nous dit-on, car ils menacent la République, la laïcité, le féminisme, le vivre-ensemble. Ainsi encodé, ce racisme raffiné, produit dans les beaux quartiers, imprimé dans les journaux, mis en scène à la télévision, propagé sur Internet, se dissémine dans toute la société. Laquelle, ainsi habituée à vivre dans un mélange de peur identitaire et dangoisse sécuritaire, est sommée de traquer les voiles litigieux, de mesurer les poils de barbe et de signaler le moindre colis suspect. Attentifs ensemble! Alimentée depuis trois décennies par des bataillons déditocrates, lislamophobie est devenue une arme psychologique redoutable. Les premières victimes sont bien sûr musulmanes, ou supposées telles. Suspectées, disqualifiées, déshumanisées par la propagande néo-raciste, elles sont dautant plus légitimement, et parfois légalement, discriminées, exclues, arrêtées ou agressées quon en a fait des objets phobogènes, comme disait le psychiatre Frantz Fanon. Mais derrière les musulmans, la cible est plus large: lislamophobie est devenue larme secrète dune guerre sociale diffuse. Par effraction, ce racisme sans race, cette haine respectable, installe dans nos têtes lidée dune société assiégée, allergique à la nouveauté, à létrangeté, à la pluralité. Derrière son masque humaniste, parfois même antiraciste, cette idéologie rance ne rejette pas seulement les musulmans, elle chasse aussi les Roms, fabrique des clandestins, protège les privilégiés contre les parasites, quels quils soient. En 1984, un an après la manœuvre anti-ouvrière du gouvernement socialiste, le Front national remportait ses premiers succès électoraux, lors des scrutins municipaux et européens. En 2014, le parti lepéniste est déjà assuré dun nouveau triomphe. Mais ceux qui nourrissent la bête depuis trente ans ny sont pour rien. Cest la faute aux intégristes! Par Thomas Deltombe (Editeur et journaliste)
Posted on: Fri, 01 Nov 2013 21:13:08 +0000

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