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suite micro crédit Les enragés... Les Enragés Deux mythes sur le microcrédit : le marché contre la pauvreté par Georges Gloukoviezoff Georges Gloukoviezoff est docteur en économie et spécialiste des questions d’inclusion financière des particuliers. Il est membre de l’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale et dirige le bureau d’étude 2G Recherche. L’approche de Yunus pour lutter contre la pauvreté – son idéologie pour rester dans le ton du billet précédent – suppose de distribuer des microcrédits à des pauvres afin que ceux-ci puissent devenir des entrepreneurs et échapper à leur sort misérable. En d’autres termes, il s’agit de leur prêter un capital de départ, charge à eux de le faire fructifier suffisamment pour couvrir leurs coûts, rembourser leurs mensualités et dégager un revenu. Yunus est à ce point convaincu de la pertinence de cet outil qu’il voudrait faire de l’accès au microcrédit un nouveau droit de l’homme. Si la formule a l’efficacité des slogans des meilleurs publicitaires, elle en a également la superficialité. Au-delà de la provocation volontaire de Yunus, il est utile de revenir sur les limites d’un discours largement partagé qui fait du microcrédit – qu’il se développe au Sud ou au Nord, qu’il soit à finalité professionnelle ou personnelle – l’outil par excellence de la lutte contre la pauvreté grâce au marché. L’entrée par les droits de l’homme met en exergue deux lacunes essentielles de ce raisonnement. La confusion du moyen et de la fin Destinée à prévenir que ne se reproduisent les atrocités connues lors de la Deuxième Guerre mondiale, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme vise à garantir la dignité humaine et donc la prévention de la pauvreté. Elle reconnaît notamment le droit à la sécurité sociale, à un niveau de vie décent, à un travail décent, au repos et aux loisirs, à l’éducation ou encore à la participation à la vie culturelle. Le microcrédit en tant que tel n’est nullement une composante de la dignité humaine. Mal défini, mal octroyé ou mal suivi, il peut même être un facteur d’humiliation et d’appauvrissement. Tous les emprunteurs de la Grameen Bank ne sont pas sortis de la pauvreté. Pour ceux qui y sont parvenus, certains vivent comme une contrainte le fait d’être à leur compte et souhaitent pour leurs enfants un destin de salarié ou de fonctionnaire. D’autres sont seulement passés de la misère à la pauvreté. D’autres enfin ont échoué et sont aujourd’hui surendettés. En revanche, lorsqu’il est approprié, le microcrédit peut contribuer à assurer l’effectivité des droits de l’homme en permettant l’accès à un emploi décent, à l’éducation, etc. Si l’on se place au niveau des principes, la question qui se pose est donc moins celle de l’affirmation d’un « droit au microcrédit » que du développement d’une société financièrement inclusive. Le microcrédit peut être un moyen de lutter contre la pauvreté à condition de ne pas surestimer ses capacités et de parvenir à l’insérer de manière cohérente dans la réalité institutionnelle des territoires où il prend place. C’est là le deuxième danger du microcrédit considéré comme un droit : les excès de l’universalisme. L’universalité du microcredit et le poids de l’idéologie Croire que mettre un capital à disposition de personnes confrontées à la pauvreté est suffisant pour qu’elles en sortent tient lieu d’idéologie à un microcrédit reposant presque exclusivement sur l’efficacité des mécanismes marchands. Bien sûr, il est incontestable que les personnes en situation de pauvreté ont des compétences qu’elles n’ont pas la possibilité d’exprimer. En revanche, en faire de facto des entrepreneurs en puissance auxquels manquerait seulement le capital de départ, est absurde. D’une part, tous n’aspirent pas à devenir entrepreneur ou n’ont pas les compétences requises. D’autre part, il ne semble pas qu’il existe aujourd’hui un tel gisement inexploité d’activités qu’il permette le développement d’emplois décents pour toutes ces personnes. Evidemment, s’il s’agit de redévelopper les petits métiers du XIXe siècle financés par les usuriers locaux, la question se pose différent. Mais s’il est question de lutte contre la pauvreté et de droits de l’homme, le microcrédit de Yunus reposant uniquement sur le marché est assurément une réponse très imparfaite dans la France de 2010. Au premier abord, le développement du microcrédit (professionnel ou personnel) en France laisse perplexe. En effet, à l’inverse du Bangladesh, il existe en France un Etat social et un système bancaire sans comparaison. Pourquoi dès lors, un tel outil est-il nécessaire ? Ne peut-on pas voir là un symptôme de la remise en cause simultanée des protections collectives (notamment celles organisées autour de l’emploi comme le montre Robert Castel) et de l’évolution restrictive des pratiques bancaires sous l’effet de trente années de libéralisation de leur secteur ? Il apparaît alors qu’il est indispensable de ne pas se laisser aveugler par l’idéologie du marché salvateur. Il faut tenir compte des réalités institutionnelles pour que le microcrédit puisse contribuer aussi efficacement que possible au renforcement d’une société financièrement inclusive. À côté de la réponse qu’il apporte dans l’urgence à un besoin individuel de financement et d’accompagnement, il faut également considérer ses effets sur les causes de ces besoins. Pour ne pas être seulement « un cautère sur une jambe de bois », il doit devenir un outil pour amener les différentes parties prenantes à faire évoluer leurs pratiques afin que ces situations ne se reproduisent plus. Cette remise en question doit concerner l’action de l’Etat notamment lorsque l’on constate que des microcrédits (personnels) sont utilisés pour faire face à des dépenses de santé. Mais elle doit aussi et surtout concerner le secteur bancaire. Pour cela, il faut privilégier le développement d’un microcrédit qui implique de manière opérationnelle les banques en collaboration avec des structures d’accompagnement comme c’est aujourd’hui le cas dans le cadre du Fonds de Cohésion Sociale. C’est par ce partenariat, à condition qu’il s’intensifie, que le microcrédit peut être un outil d’apprentissage pour les banques. Là encore l’Etat a un rôle régulateur à jouer notamment pour favoriser l’émergence d’un mode de financement des microcrédits qui n’en affecte pas la finalité en reposant sur les seuls clients. Eviter l’émergence d’une Grameen Bank à la française conduisant ses emprunteurs à la « marginalité bancaire » et à des taux d’intérêt usuraires est à ce prix. C’est en favorisant l’émergence de réponses de droit commun que le microcrédit sera, en France, une véritable innovation sociale contribuant à développer l’inclusion financière et ainsi, même modestement, à l’effectivité des droits de l’homme. Georges Gloukoviezoff gloukoviezoff.wordpress/tag/microcredit/ il y a 15 heures · J’aime
Posted on: Mon, 01 Jul 2013 00:22:12 +0000

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