A. Finkielkraut : Cest parce que jai déstabilisé lédifice - TopicsExpress



          

A. Finkielkraut : Cest parce que jai déstabilisé lédifice idéologique de la gauche avec mon livre que jai fait lobjet de tant de hargne Le dernier livre dAlain Finkielkraut, Lidentité malheureuse, figure en tête des ventes depuis plusieurs semaines mais a déclenché une virulente controverse médiatique. Pour Atlantico, lessayiste répond aux critiques de ses détracteurs. Retour sur une polémique Publié le 24 novembre 2013 RSS 33 46 0 1 3 209 Le dernier livre dAlain Finkielkraut, Lidentité malheureuse, figure en tête des ventes depuis plusieurs semaines Le dernier livre dAlain Finkielkraut, Lidentité malheureuse, figure en tête des ventes depuis plusieurs semaines Atlantico : Votre dernier livre Lidentité malheureuse caracole en tête des ventes mais a suscité une vive controverse médiatique. Le Monde vous accuse de jouer avec le feu, Marianne vous présente comme un agité de lidentité tandis que les Inrocks vous reprochent de vomir votre époque à défaut de la comprendre. Que vous ont inspiré et peut-être même appris les critiques violemment négatives mais aussi positives ayant suivi la sortie de votre livre ? Alain Finkielkraut : Avant de mapprendre quoi que ce soit, les critiques mont affecté. Elles étaient destinées à me faire mal et elles ont réussi. En 1793, j’aurais été traité de scélérat. En 2013, Aude Lancelin dans Marianne, Jean Birnbaum dans le Monde, François Reynaert et Éric Aeschimann dans le Nouvel observateur, ainsi que toute la rédaction des Inrockuptibles ont fait de moi un suppôt du fascisme renaissant. Ces procureurs n’ont jamais discuté ma pensée, ils ont voulu me démasquer, révéler mon vrai visage. Ils ont joué à ce jeu robespierriste remis au goût du jour par Alain Badiou : De quoi machin est-il le nom ? Et le nom est toujours le même. Jai subi une variante de ce que Léo Stauss appelait il y a longtemps déjà la reductio ad hitlerum. Si jessaie de réfléchir plus globalement, je constate quen France aujourdhui, les médiateurs qui sont chargés danimer la vie intellectuelle font tout pour rendre celle-ci impossible. Mais ce fut, en loccurrence, peine perdue. L’occasion m’a été donnée à la télévision, à la radio et dans d’autres journaux de porter assistance à mon livre et les gens ont jugé sur pièce. Lorsque larticle de Jean Birnbaum est paru dans le Monde, jai été bouleversé. Cet article se termine par la vision apocalyptique et vaudevillesque à la fois dun triangle amoureux. Alain Finkielkraut, dit Jean Birnbaum est amoureux de Renaud Camus qui lui-même est tombé sous le charme de Marine Le Pen. Jai lu sur le site du Monde, les réactions à cet article. Elles étaient nombreuses, et pour la plupart, hostiles à son auteur. Les lecteurs exprimaient leur stupéfaction et leur dégoût pour un procédé indigne du journal où il écrivait. Je vois bien comment mes détracteurs vont intégrer ces réactions et le succès de mon livre à leur système. Si L’identité malheureuse se vend bien, c’est la preuve que la France se recroqueville et que les esprits se lepénisent. Mais la réalité est inverse : ce sont les vigilants qui vivent dans une bulle et comme tout le monde le voit, comme tout le monde le sait, leur no pasaran ne passe plus. Aux bien-pensants, vous opposez la phrase de Péguy : Il faut toujours dire ce que lon voit. Surtout il faut toujours, ce qui est le plus difficile, voir ce que lon voit. Si votre livre a suscité des réactions aussi violentes, est-ce justement parce que certains journalistes refusent de voir le réel ? Je crois en effet que ce qui mest le plus vivement reproché, cest mon refus opiniâtre de lanalogie avec les années 1930. Nous ne vivons pas sous le régime de léternel retour. Or, en disant cela, il me semble que je déstabilise lédifice idéologique de la gauche et je répands même une sorte de vent de panique. Cest la raison principale de la hargne dont je fais lobjet. En 2002 est paru à mes yeux un livre capital : Les territoires perdus de la République. Ce livre écrit par des professeurs faisait apparaître la triste réalité des quartiers difficiles : misogynie, antisémitisme, francophobie. De cela, ni les journalistes, ni les sociologues navaient parlé. Il me semble que lintelligentsia française aujourdhui se divise en deux. Il y a ceux qui tiennent compte des territoires perdus de la République et ceux qui persistent à occulter ou au moins à édulcorer cette réalité et ceux-là font flèche de tout bois. Il y a quelque jours des enfants à Angers ont accueilli Christiane Taubira, la garde des Sceaux, en agitant des bananes et en criant : Cest pour qui les bananes, cest pour la guenon !. Cet épisode a très légitimement fait scandale. Comment peut-on parler ainsi et quels sont les parents qui mettent des propos aussi infâmes dans la bouche de leurs enfants ? Le racisme existe malgré le discrédit scientifique, politique et moral dont il est frappé. Mais très vite, cette indignation est devenue complaisante et même jubilatoire. On est venu dans des pétitions, des articles en tout genre, à répéter sans cesse linjure pour ce faire croire quelle était proférée de tous côtés. Jai eu le sentiment que tous ces indignés, tous ces pétitionnaires, protestaient avec une étrange ivresse contre lécho de leur propre parole. Et quand Minute, journal exsangue a titré, pour surseoir par le scandale à sa mort annoncée, que Christiane Taubira avait la banane, l’antiracisme officiel a repris la main. Dans une tribune du Monde du 19 novembre, un historien de léducation Emmanuel Debono assénait premièrement que la parole raciste se libérait en France et deuxièmement que le racisme anti-blanc nétait quun mythe, quune construction dont on pouvait dautant moins reconnaitre la validité quelle était élaborée et diffusée soit par des militants extrémistes de droite, soit par une vulgaire actrice : Véronique Genest, linterprète de Julie Lescaut. Autrement dit, on couche lactualité dans le lit des années noires et on coupe tout ce qui dépasse. Tout ce qui dépasse, cest précisément lantisémitisme des banlieues, linjure sale Français, les agressions dont sont victimes les professeurs, mais aussi les médecins, les pharmaciens, les infirmiers, les pompiers et enfin lexistence des hôpitaux sensibles à côté des collèges et des lycées sensibles. Tout cela est sans précédent et pour lidéologie aujourdhui en vigueur, il faut que le présent puisse être entièrement absorbé dans son précédent. Il faut que tout ce qui sy passe puisse être ramené à la xénophobie, à ce que Bernard Henri Lévy appelait lidéologie française. La mauvaise conscience du politiquement correct ne tolère aucun écart à son expiation perpétuelle. Si les critiques qui vous sont adressées relèvent bien souvent du procès dintentions, toutes ne sont pas forcément malhonnêtes. En quoi votre livre aurait-il pu être mal compris ? Quel message vouliez-vous faire passer et y a-t-il des arguments que vous défendriez autrement aujourd’hui ? Pour vous répondre, je mabriterai derrière une citation de l’historien Ernest Renan : Jécris pour proposer mes idées à ceux qui cherchent la vérité. Quant aux personnes qui ont besoin dans lintérêt de leurs croyances que je sois un ignorant, un esprit faux ou un homme de mauvaise foi, je nai pas lintention de modifier leur avis. Si cette opinion est nécessaire au repos de certaines personnes pieuses, je me ferais un véritable scrupule de les désaviser. Il existe en France un parti dévot. Les membres de ce parti ne mauraient jamais pardonné mon livre, même si je lui avais donné un autre titre, même si javais pris pour lécrire encore plus de précautions. Jajoute que je nai pas rédigé ce livre sous le coup de la colère. Ce nest pas un pamphlet. Jai pesé mes mots et jai su à chaque page, à chaque ligne, quil me fallait tenir les deux bouts de la chaîne. Je devais poursuivre sans ménagement la critique du politiquement correct et combattre simultanément la tentation du politiquement abject. Je nai pas dautre message que le désir de penser mon temps dans ce quil a dinédit. Jean Birnbaum dans le Monde vous reproche votre lexique et votre ton. Hier Finkielkraut veillait sur la République, aujourdhui il escorte lidentité française. Hier, il sen remettait aux instituteurs, hussards noirs des Lumières universalistes. Aujourdhui, il ne jure que par les autochtones. Assumez-vous ce durcissement sémantique ? Participe-t-il dune posture de combat ? Mon livre souvre sur la nouvelle querelle de la laïcité. Je défends face à ce quon appelle un peu légèrement la laïcité ouverte, la définition républicaine de la laïcité et je constate que celle-ci qui était un des biens les plus chers et les plus précieux de la gauche est aujourdhui abandonnée par toute une partie de la gauche au profit de lidéal multiculturel. Jobserve que Jean-Louis Bianco, président de lobservatoire de la laïcité, nous explique que la France na pas de problème avec la laïcité et ce faisant balaie dun revers de main tous les travaux du Haut conseil à lintégration, lequel a été mis en sommeil. Jai lu aussi avec lattention quil mérite le rapport de Thierry Tuot remis au Premier ministre et intitulé : Pour une société inclusive. Le concept dintégration a supplanté celui dassimilation et voici maintenant quun conseiller dEtat répudie lintégration au bénéfice de linclusion. La France doit cesser, dit-il, de se replier sur ce quil appelle la célébration du village dautrefois pour ne regarder que lautre et lavenir. On préconise donc dans les hautes sphères leffacement du passé national et lon invite lautre à cultiver son identité et à être ce quil est sans aucune limite, sans aucun obstacle. Birnbaum voit dans ce durcissement l’influence de l’écrivain Renaud Camus. Il est vrai que le bouleversement démographique que connait la France semble vous inquiéter. Au-delà de votre amitié, partagez-vous avec Renaud Camus certaines thèses, notamment celle du remplacement de la population française ? Si jétais daccord avec la thèse du grand remplacement ou du changement de peuple, je la reprendrais explicitement à mon compte. Je ne dissimule pas mon amitié pour Renaud Camus, pourquoi dès lors ferais-je mystère de mon approbation idéologique si celle-ci existait. Renaud Camus a raison d’avoir peur, mais je trouve effrayante l’expression de son effroi. Pour décrire un danger réel, il use lui-même d’un langage dangereux qui ne rend pas justice à la pluralité des situations : dans quel peuple doit-on ranger les immigrés qui s’intègrent ? Mais lapport de Renaud Camus ne se réduit pas à ces concepts. Cest un très grand styliste et par style jentends non seulement la beauté de lécriture, mais aussi la beauté de la vision. Il nous dit sur la culture et la civilisation des choses que les intellectuels gagnés pour la plupart par la bien-pensance ne nous disent pas. Le XXe siècle a été le bûcher des amitiés. Dans cette époque hyper idéologique seule comptait la fraternité darmes. Ô vous qui êtes mes frères parce que jai des ennemis, disait Paul Eluard et on a vu samonceler les ruptures. L’ami était sacrifié s’il n’était pas un camarade. On me demande aujourdhui de rompre tout lien avec Renaud Camus pour revenir dans le cercle des gens fréquentables. Je me déshonorerais si je cédais à pareil ultimatum. Lautre jour à la télévision, Léonora Miano, qui vient de recevoir le prix Femina, a dit ceci : Vous avez peur dêtre culturellement minoritaires, mais ça va se passer, ça va se passer ! Ca sappelle une mutation. LEurope va muter, elle a déjà muté. Il ne faut pas avoir peur. Cest peut-être effrayant pour certains, mais ils ne seront pas là pour voir laboutissement. Léonora Miano dit, en inversant les signes, la même chose que Renaud Camus. Une mutation survient. Un immense changement, un véritable remplacement démographique et culturel à la fois. Vous navez pas le droit de vous en plaindre, cest à la fois inéluctable et souhaitable, inclinez-vous. Et de toute façon, vous serez morts quand ce changement se sera définitivement installé ! On fait grief à Renaud Camus dexprimer sous une forme inquiète et négative ce quil est permis aujourdhui et peut-être bientôt obligatoire de glorifier. Personnellement, je ne veux pas croire à la réalité du grand remplacement et je ne veux pas non plus sil a lieu, qu’on me contraigne à en faire léloge. Je crois que la civilisation française mérite dêtre préservée, enrichie sans doute, mais, comme le dit Régis Debray, ceux qui dépassent le mieux un legs culturel sont aussi ceux qui le maîtrisent le mieux. Enfin, je persiste à penser que lhospitalité consiste à donner ce quon a et non à seffacer soi-même pour permettre à lautre et à lavenir dêtre ce quils veulent. Face aux revendications identitaires de certains enfants de limmigration et à la montée dun islam prosélyte, faut-il nécessairement opposer dautres passions identitaires ? Ne craignez-vous pas que lon ressorte de la lecture de votre livre avec lidée que deux populations saffrontent : dun côté les autochtones blancs porteurs de la culture française et de lautre une population immigrée qui tenterait dimposer ses valeurs ? LEurope est sortie du XXe siècle avec lidée que pour entrer dans lère de la paix définitive, il lui fallait combattre ses propres démons. Elle la fait jusquau sacrifice même de son identité : il y va aujourdhui de lidentité européenne comme de lidentité française. Elles sont combattues de lintérieur, frappées dopprobre, sans cesse remises en cause au profit dune société multiculturelle régie par léconomie et par le droit. Ni lidentité française, ni la civilisation européenne ne méritent cet excès dindignité. Et surtout, ce nest pas parce quon na plus de démons quon na plus dennemis. LEurope ne fait la guerre à personne, mais les djihadistes ont déclaré la guerre à lEurope. Je ne dis pas que cette guerre est transportée sur le territoire européen. Loin de là. Il nen reste pas moins que nombre de musulmans aujourdhui disent les Français pour désigner les autres Français. Et nous avons tous été frappés par ces matchs où le public conspuait la Marseillaise : France-Algérie, France-Tunisie, France-Maroc. Je me souviens quà la fin de France-Algérie au Stade de France, match interrompu par les spectateurs enveloppés dans le drapeau algérien, Thierry Henry avait eu cette phrase : Nous avons finalement gagné 4-1, ce qui nest pas mal pour un match joué à lextérieur !. Face à cette hostilité, il ne faut certes pas réagir par la guerre, mais par la réaffirmation intransigeante de notre conception de lhospitalité. La laïcité nest pas négociable. Etre hospitalier encore une fois, cest donner ce que lon a. Par lassimilation, on ne demande à personne de renoncer à son origine. Cest un pauvre cœur que celui auquel il est interdit de renfermer plus dune tendresse, disait Marc Bloch. Je serai le dernier à protester contre la pluralité des allégeances, mais la France a une langue, la France a une culture, la France a des usages auxquels il est tout à fait légitime de demander aux nouveaux arrivants de se conformer. Dans une interview au Point, Elisabeth Badinter avec qui vous partagez beaucoup de combats déclare : La France doit rester fille des Lumières. Contrairement à Alain Finkielkraut, je continue à me réclamer de la gauche, en tout cas de celle qui défend mes valeurs. Car il y a une gauche républicaine, même si elle ne cesse de rétrécir. Vous définissez-vous toujours comme un républicain intransigeant ou votre démarche est-elle davantage identitaire ? Croyez-vous toujours en lesprit des Lumières ? J’aimerais pouvoir me réclamer de cette gauche républicaine, mais ce que je constate c’est que la gauche ne sait plus défendre la République et laisse Elisabeth Badinter seule dans ses combats. La directrice de la crèche Baby Loup a été convoquée à l’Observatoire de la laïcité où il lui a été reproché d’avoir licencié l’employée qui refusait d’enlever le voile pour des raisons personnelles et d’avoir maquillé cette querelle en bataille politique. La gauche n’a rien fait pour défendre cette crèche Baby Loup et lorsque Manuel Valls s’émeut de cette situation, on l’accuse d’être la droite, voire l’extrême droite de la gauche. La gauche officielle, la gauche majoritaire ne se réclame de la République que pour dire que Marine Le Pen n’en fait pas partie. Mais une fois qu’elle a opéré ce bannissement, elle retourne à la dénonciation du caractère rétrograde, répressif et islamophobe des lois républicaines. C’est mon républicanisme qui m’éloigne, non de de la gauche en soi, mais de la gauche telle qu’elle est. Je suis républicain, mais je suis péguyste et je le suis depuis longtemps, il n’y a pas eu de virage. Notre République est une et indivisible, mais la France n’est pas née en 1789 et les républicains du XIXe siècle le savaient. C’est ce que l’historienne Mona Ozouf montre admirablement. La France est plus ancienne que cela et j’essaie d’assumer la grandeur de cet héritage. Tout ne commence pas en 1789, voilà ce que j’objecte à un républicanisme étroit. Read more at atlantico.fr/decryptage/finkielkraut-c-est-parce-que-j-ai-destabilise-edifice-ideologique-gauche-avec-livre-que-j-ai-fait-objet-tant-hargne-907138.html#QV2M0LMgOUyPgxo9.99
Posted on: Sun, 24 Nov 2013 12:13:15 +0000

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