A la volée I have a dream et… 50 ans - TopicsExpress



          

A la volée I have a dream et… 50 ans d’illusions Connaissez-vous Terrell Gausha ? Sans doute que non. Quand on se fait éliminer en quarts de finale des Jeux olympiques, ce n’est pas pour entrer dans la légende. En 2012, à Londres, le «Kid de Cleveland» n’avait fait que deux tours sur le ring pour voir son horizon fermé. L’avenir était cependant devant lui, futur champion en puissance, comme tous ces jeunes Africains-Américains qui cherchent la voie de sortie avec la rage de leurs poings. Son heure aurait pu sonner en 2016, avec les Jeux olympiques de Rio, mais Terrell Gausha n’y sera pas. Il n’a pas été tué dans les ruelles sombres d’un ghetto infâme. Il n’a pas été éliminé dans les compétitions qualificatives. Il s’est révolté contre l’Amérique. Pour lui, ce pays ne mérite pas qu’il monte sur un ring pour combattre en son nom. Cinquante ans après I have a dream de Martin Luther King, qu’on a célébré hier à travers le monde, l’injustice et l’oppression des Noirs continuent de nourrir les révoltes sportives. Car de Muhammad Ali à Terrell Gausha, il y a une continuité dans l’infamie raciste que rien n’est venu éradiquer aux Etats Unis. Depuis le discours de King, prononcé le 28 août 1963, les raisons de la colère noire prospèrent et nourrissent les justes colères comme celle de Terrell Gashua. Le boxeur de Cleveland a vomi cette Amérique qui a acquitté, le 13 juillet 2013, le meurtrier de Trayvon Martin. Pas question pour lui de combattre en l’honneur d’un drapeau au nom duquel un Blanc peut décharger son pistolet sur un adolescent noir de 17 ans, désarmé, et se faire acquitter par un tribunal en se réclamant de la légitime défense. Le verdict n’aurait pas été le même, si la victime était un adolescent blanc. Pire encore, si le meurtrier était un Noir. Trayvon revenait de la boutique avec un sachet de bonbons. C’était le 26 février 2012. Dans sa main, il tenait son téléphone. Un vigile l’a tué comme on pouvait abattre un Nègre au temps de l’esclavage. Tout Black aux Etats-Unis, suivant le lieu et le moment, étant un criminel en puissance, le tribunal y a trouvé des circonstances atténuantes. Pour Gausha, il n’y avait plus de rêve : «Comment puis-je porter mes étoiles et les rayures fièrement dans un pays où ils font une grosse affaire des combats de chiens (…) mais pas de la vie d’un jeune homme noir innocent ? Quand j’ai représenté mon pays aux Jeux olympiques, j’étais fier de porter mon drapeau. Je l’ai même porté sur ma tête, en me rendant sur le ring. Ce qui s’est passé ce week-end a été une claque en plein visage.» Avant lui, des millions de Noirs ont reçu pareille gifle. Faisant du sport l’instrument de leur révolte, ils l’ont rendue à l’Amérique. Ali avait jeté sa médaille d’or des Jeux olympiques de Rome (1960) dans les eaux de l’Ohio, le jour où l’on a refusé de le servir dans un restaurant pour Blancs. Portant le même combat que les King, Malcom X, Bobby Seale, etc., il a dressé son menton haut quand le propre du Noir était de baisser la tête. Il a insulté le «Shit Stem» (système de mer…) sur les rings et sur les plateaux de télé, promenant ainsi sa grandeur tout au long de sa carrière. Il y a eu aussi Mexico-68, quand Tommie Smith et John Carlos, classés 1er et 3e du 200 m, ont brandi leurs poings fermés, gantés de noir, sur le podium, au moment où retentissait l’hymne américain. C’était le défi du Black Power à l’Amérique raciste. Déchaussés, ils portaient des chaussettes noires pour symboliser la pauvreté des Noirs. Smith avait autour du cou un foulard évoquant le lynchage des Noirs dans le Sud. Le survêtement ouvert de Carlos laissait voir sur sa poitrine un collier de perles qui renvoyait à la condition d’esclaves. Tous les deux immédiatement bannis des Jeux et exclus de la sélection américaine, la répression n’avait pas fait faiblir les médaillés africains-américains qui ont suivi. Lee Evans remporte l’or du 400 m devant Larry James et Ronald Freeman (Amadou Gakou, classé 4e, avait battu le record du Sénégal qui tient toujours) et tous trois montent sur le podium avec le béret des Black Panthers sur la tête, poings levés, au moment de l’hymne américain. Puisqu’ils devaient disputer la finale du 4x400 m, personne n’osa les sanctionner. Bob Beamon s’engouffra dans la brèche après son record du monde à la longueur, pour répéter les mêmes gestes sur le podium. A travers le sport, les Africains-Américains ont porté leur part de rêve et de révolte. Considérés comme citoyens de «seconde classe» par le système, ils ont montré qu’ils savaient être les meilleurs, les plus forts. Gagner ne revenait pas simplement à dominer des adversaires. Chaque point marqué était une victoire contre une société raciste et oppressive, un moyen de légitimation et d’exaltation, une lumière de fierté dans la crasseuse vie du ghetto. Les quatre médailles d’or de Jesse Owens en 1936, lors des Jeux de l’Allemagne nazie, le refus de Rosa Parks de céder sa place dans un bus à un Blanc pour aller s’asseoir à l’arrière, ces premiers étudiants qui ont bravé les lazzis pour entrer dans les amphis de l’université d’Alabama en 1963, ces inconnus du combat des droits civiques que les racistes du Ku Klux Klan ont pendus ou immolés dans leurs maisons, le radicalisme de la «libération armée» de Malcolm X, le rêve de Martin Luther King, etc., constituent une ligne de feu pour un rêve non encore assouvi pour lequel les sportifs ont leur part de lutte. Trayvon Martin a été exécuté, comme d’autres avant lui. L’Amérique est tout aussi pleine de Terrell Gaushan même s’ils n’ont pas la grandeur d’Ali. La beauté de leurs rêves ne doit pas nous cacher les sombres réalités. Tidiane KASSE
Posted on: Tue, 03 Sep 2013 18:46:46 +0000

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