Alain Damasio, auteur de SF français, s’étonne que la - TopicsExpress



          

Alain Damasio, auteur de SF français, s’étonne que la société consente au contrôle permanent, comme si le besoin de sécurité avait pris le pas sur l’envie de liberté. Vous avez suivi l’affaire Snowden ? Alain Damasio - J’ai suivi de façon assez passionnée. Ça couvre des champs que j’avais déjà explorés dans La Zone du dehors et que je continue à suivre dans mon prochain roman, Les Furtifs. La société de contrôle reste un thème clé pour moi. Ça vous a surpris ou pas du tout ? J’ai fait cette espèce de célébration stupide d’auteur qui dit: “je vous l’avais bien dit que ça allait arriver !” (rires). Sinon, j’ai été surtout surpris par l’ampleur. Par la profondeur du contrôle, son extension géographique et les techniques utilisées. Ça m’a beaucoup intéressé de voir comment ils procédaient. De voir qu’ils avaient mis en place un logiciel dédié, XKeyscore, une sorte de Google du contrôle quoi, c’est impressionnant ! On a beaucoup parlé ici de “surveillance oblique”: une surveillance par les utilisateurs, qui accumulent seuls les informations nécessaires. Ça me frappe énormément. Ça déploie vraiment ce que Foucault et Deleuze avaient anticipé. D’un côté, un contrôle vertical super massif avec la NSA qui a non seulement des accords avec les gros acteurs du net comme Google ou Yahoo, mais aussi un contrôle direct sur les câbles. Ce contrôle vertical, on le pressentait. Il est très puissant et je crois que le renseignement n’a jamais eu un pouvoir aussi étendu de toute l’Histoire. Mais ce qui m’intéresse, c’est que le contrôle est devenu horizontal. C’est l’idée de votre dossier, “Tous espions”. Certains appellent ça la surveillance oblique, moi j’appelle ça surveillance horizontale. Il y a une espèce de nasse de contrôle, croisée, extrêmement dense. Qui s’opère aussi bien du mari sur sa femme, du père sur sa fille, de la fille sur ses parents, de l’employeur sur ses futurs employés en les Googlisant ou en allant chercher sur Facebook des informations. Ça donne l’impression d’une démocratisation du contrôle: tout le monde devient acteur et victime de ce procédé là. C’est devenu un modus operandi, un mode de vie qui traverse tout le monde. C’est ce que j’essayais de montrer dans La Zone du dehors: un contrôle où malgré toi, de façon hyper consciente ou pas, tu t’empares de ces outils. [Bora vocal par lartiste électro Rone, mise en musique des notes dAlain Damasio enregistrées lors de la rédaction de La Horde du Contrevent] On a l’impression que la NSA rattrape la SF C’est frappant ! Et pourtant, dans la philosophie, c’est présent dès le départ ! Le Post-scriptum sur les sociétés de contrôle de Deleuze, c’est un chef d’oeuvre d’anticipation et de vision du présent ! Le mec en cinq pages il te montre ce qui va se passer, ce qui se passe! Ici, j’ai pas suffisamment senti un truc, et je me le reproche un milliard de fois : c’est le fait que subir le contrôle allait être complètement consenti. Sur la NSA ma réaction a moins été “putain, les salauds, ils nous contrôlent encore !”, mais de me demander s’il n’y avait pas un terreau présent en chacun qui rend possible ça. On a l’impression que le contrôle est une demande sociale. A la fois pour l’exercer sur ses proches, mais aussi soi-même contre soi-même ! Ça aussi ça m’épate, tous ces gens qui achètent des capteurs pour prendre leur pouls, leur tension artérielle. Ce quantified-self, ces gens qui quantifient leur vie. Cette volonté d’autocomputation de sa vie. C’est plus le fait que les gens soient prêts à ça et soit peut-être même rassurés par ce contrôle qui me touche. Le sentiment qu’on est prêts à outiller nos peurs et nos paresses, et à accepter que descende sur nous une chape de contrôle et d’auto-contrôle au nom d’une réassurance que l’on cherche. Ce qui nous maintient dans une espèce de technocon, de sécurité technique. L’une des réactions importantes face à ces écoutes a été : “Je n’ai rien a caché, donc je n’ai rien à craindre”… C’est une réaction à la fois hyper stupide et hyper soumise. La personne qui dit ça a déjà endogénéisé le contrôle: “Allez-y, je suis transparente, transpercez-moi avec la lumière et au moins, on verra ceux qui sont un peu trop opaques!” Je trouve ce discours de servitude volontaire dramatique, dangereux et grave politiquement. Avec les outils qu’on a aujourd’hui, si on était dans les conditions politiques de la deuxième Guerre mondiale, on se ferait laminer par la machine! On est en train de potentialiser un abus planétaire de pouvoir. Et j’ai vraiment l’impression qu’il y a eu un basculement. La sécurité est devenue un affect plus enviable que la liberté. C’est pas Big Brother, c’est Big Mother ! C’est plus un pouvoir disciplinaire, c’est la mère couvante qui nous enveloppe ! Des gens sont rassurés par une caméra de surveillance ! Par des flics ! Moi les flics, ça m’a jamais rassuré. Mais y en a que ça rassure. Et peut-être que la NSA, ça les rassure. Et je pense que c’est beaucoup plus répandu que ce qu’on croit.
Posted on: Mon, 25 Nov 2013 19:57:53 +0000

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