Arthur Rimbaud (1854-1891), Poésies « Les Poètes de sept - TopicsExpress



          

Arthur Rimbaud (1854-1891), Poésies « Les Poètes de sept ans » (26 mai 1871) À M. P. Demeny Arthur Rimbaud1 Et la Mère, fermant le livre du devoir, S’en allait satisfaite et très fière, sans voir, Dans les yeux bleus et sous le front plein d’éminences, L’âme de son enfant livrée aux répugnances. 5 Tout le jour il suait d’obéissance ; très Intelligent ; pourtant des tics noirs, quelques traits Semblaient prouver en lui d’âcres hypocrisies. Dans l’ombre des couloirs aux tentures moisies, En passant il tirait la langue, les deux poings 10 À l’aine, et dans ses yeux fermés voyait des points. Une porte s’ouvrait sur le soir : à la lampe, On le voyait, là-haut, qui râlait sur la rampe, Sous un golfe de jour pendant du toit. L’été Surtout, vaincu, stupide, il était entêté 15 À se renfermer dans la fraîcheur des latrines : Il pensait là, tranquille et livrant ses narines. Quand, lavé des odeurs du jour, le jardinet Derrière la maison, en hiver, s’illunait, Gisant au pied d’un mur, enterré dans la marne 20 Et pour des visions écrasant son œil darne, Il écoutait grouiller les galeux espaliers. Pitié ! Ces enfants seuls étaient ses familiers Qui, chétifs, fronts nus, œil déteignant sur la joue, Cachant de maigres doigts jaunes et noirs de boue 25 Sous des habits puant la foire et tout vieillots, Conversaient avec la douceur des idiots ! Et si, l’ayant surpris à des pitiés immondes, Sa mère s’effrayait ; les tendresses, profondes, De l’enfant se jetaient sur cet étonnement. 30 C’était bon. Elle avait le bleu regard, — qui ment ! À sept ans, il faisait des romans, sur la vie Du grand désert, où luit la Liberté ravie, Forêts, soleils, rives, savanes ! — Il s’aidait De journaux illustrés où, rouge, il regardait 35 Des Espagnoles rire et des Italiennes. Quand venait, l’œil brun, folle, en robes d’indiennes, — Huit ans, — la fille des ouvriers d’à côté, La petite brutale, et qu’elle avait sauté, Dans un coin, sur son dos, en secouant ses tresses, 40 Et qu’il était sous elle, il lui mordait les fesses, Car elle ne portait jamais de pantalons ; — Et, par elle meurtri des poings et des talons, Remportait les saveurs de sa peau dans sa chambre. Il craignait les blafards dimanches de décembre, 45 Où, pommadé, sur un guéridon d’acajou, Il lisait une Bible à la tranche vert-chou ; Des rêves l’oppressaient chaque nuit dans l’alcôve. Il n’aimait pas Dieu ; mais les hommes, qu’au soir fauve, Noirs, en blouse, il voyait rentrer dans le faubourg 50 Où les crieurs, en trois roulements de tambour, Font autour des édits rire et gronder les foules. — Il rêvait la prairie amoureuse, où des houles Lumineuses, parfums sains, pubescences d’or, Font leur remuement calme et prennent leur essor ! 55 Et comme il savourait surtout les sombres choses, Quand, dans la chambre nue aux persiennes closes, Haute et bleue, âcrement prise d’humidité, Il lisait son roman sans cesse médité, Plein de lourds ciels ocreux et de forêts noyées, 60 De fleurs de chair aux bois sidérals déployées, Vertige, écroulements, déroutes et pitié ! — Tandis que se faisait la rumeur du quartier, En bas, — seul, et couché sur des pièces de toile 64 Écrue, et pressentant violemment la voile ! 26 mai 1871 Lire la suite sur : etudes-litteraires/rimbaud-poetes-de-sept-ans.php#ixzz2irQG2HZw
Posted on: Sat, 26 Oct 2013 20:09:08 +0000

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