Clémentine Célarié Interview Propos recueillis par Jacques - TopicsExpress



          

Clémentine Célarié Interview Propos recueillis par Jacques Durand Clémentine Célarié de son vrai prénom Meryem est une actrice, chanteuse, écrivaine engagée, née en 1957 à Dakar au Sénégal. Elle nous a tout de suite mis à l’aise, j’étais accompagné par Mary Genty (1) - Troubadour d’Amour -. Tutoiement de rigueur, nous nous sommes installés sur un banc de pierre rue des Teinturiers en Avignon, pendant le festival de théâtre 2013. - J.D. : J’ai vu votre pièce « Dans la peau d’un Noir » (2) ce thème ne nous renvoie-t-il pas à nous-mêmes, en nous mettant dans la peau de l’autre ? L’accueil de la différence vous la portez déjà... pourquoi présenter le travail de Griffin 60 ans après ? C.C : En incarnant ces personnages, je me suis sentie plus profondément nègre que jamais, avec la solitude insondable que cela implique. Griffin a risqué sa vie lorsqu’il a été dans le Mississipi, qu’il s’est métamorphosé pour se mettre dans la peau d’un noir et qu’il a expérimenté la réalité de leur condition sociale dans les années 60 ! Je ne sais pas qui a décidé un jour que la peau foncée était plus méprisable que la peau claire, cela m’a toujours intriguée, étant née en Afrique noire je me suis toujours sentie reliée à ce continent, je me sens imprégnée de la simplicité des rapports humains, des odeurs, des couleurs, et j’ai besoin de chaleur humaine. J’avais envie d’être dans la peau de ce journaliste Griffin, de cet homme blanc qui incarne un noir, je le trouve magnifique, j’aurais aimé le rencontrer, je le fais un peu à travers l’adaptation de son récit... C’est très chouette quand tu dis « l’autre », à aucun moment tu n’as parlé de « noir » ou de « blanc »... Rêver d’un monde où il n’y a pas de racisme je n’y crois pas malheureusement, en revanche, de plus en plus de personnes vont se battre pour que diminuent le racisme, l’exclusion de l’autre et de la différence. - J.D. : L’autre n’est-il pas une partie de nous-mêmes, une partie extérieure que nous pouvons mépriser ? La solution n’est-elle pas dans l’alchimie du coeur qui est un grand médium ? C.C. : Effectivement dans une salle on peut ressentir une énergie refoulée dans je ne sais quoi ( !), on ne nous apprend pas à vivre dans notre coeur, les valeurs dominantes sont la compétition, la réussite sociale, la réussite matérielle. Maintenant il y a des mouvements parallèles qui nous montrent autre chose ! - J.D. : Comme Terre et Humanisme de Pierre Rabhi avec sa sobriété heureuse ? C.C. : (rire) Oh oui, je me trouve souvent entraînée dans une direction qui m’intéresse et brusquement quelqu’un nomme les choses, ça a été le cas avec Pierre Rabhi. Aujourd’hui, je revendique fermement mes choix artistiques et tans pis si je n’ai pas de fric et pas de quoi payer mon loyer ! Je le dis sciemment parce que les artistes dignes de ce nom sont là pour se battre, pour partager des choses qui ont du sens. Je fais ma part de colibri, certaines rencontres sont précieuses... des artistes comme Marie Claude Pietra - gala et son homme Julien, tous deux grands danseurs essayent eux aussi de s’investir. Malheureusement beaucoup d’artistes n’ont pas accès aux médias. Ces derniers qui devraient être des témoins, sont entamés par le pouvoir de l’argent ! Dans une interview on ne retrouve pas ce qu’on veut dire mais plutôt ce que le journaliste veut t’entendre dire ! Bref chacun fait ce qu’il peut, mais plutôt que de parler il est préférable de faire les choses dans son domaine d’excellence. Je suis comédienne, j’aime écrire, chanter, mettre en scène, faire des films, j’ai envie de créer dans ce sens dans des thèmes qui m’importent avec des non comédiens ! Le théâtre est une porte ouverte, une source de joie et d’accès au rêve. Je bosse avec un ami qui a la maladie de Charcot, une maladie grave. Nous avons fait un film ensemble, bien qu’il soit en fauteuil roulant il m’apporte énormément, une intensité de la vie, une vibration, une force vitale phénoménale, une force de joie, d’ailleurs Pierre Rabhi parle des qualités de ces êtres qui contemplent, qui jouissent de la simplicité de la vie, cet ami Thierry est comme ça. Nous avons un projet de danse avec deux danseurs hip hop c’est un peu compliqué car mal financé nous allons chercher dans des sites d’autofinancement comme l’A.M.A. pop (3) le côté coopératif de l’art ou KissKissbankbank (4). Dire « on ne peut pas le faire » c’est baisser les bras ! L’important c’est d’être ouvert, il arrive que l’on travaille beaucoup pour peu d’argent, il faut s’accrocher. - J.D. : Tu as déclaré récemment que tu avais fait des prises de conscience qui t’ont bouleversée, quel a été le déclic ? C.C. : Deux films, le 1er « Des abeilles et des hommes » réalisé par Markus Imhoof, m’a profondément choquée, je ne savais rien de la disparition massive des abeilles. Je l’ai vu au festival du développement durable dont j’étais la marraine, le développement durable est lié à l’ouverture et au regard vers l’autre, à la multiplicité et l’échange culturel. La diversité c’est ça aussi le développement durable ! L’écologie ce n’est pas seulement manger bio, c’est se rendre compte que l’on n’a pas besoin de grand chose pour être heureux. Il y a beaucoup à faire pour que la société se transforme, il y a une certaine jeunesse qui est sensible, qui a une belle écoute. L’écologie c’est ma responsabilité personnelle, quelque chose dans la profondeur de moi-même. Le 2ème film « Au nom de la Terre » de Pierre Rabhi, ça a été aussi une claque, un réveil de la conscience ! Je ne suis pas là à gourouter les uns et les autres mais lui, je trouve que c’est un être exceptionnel qui s’exprime avec simplicité, qui sait identifier les problèmes, apporter des solutions concrètes... Je lui trouve une énergie magnifique d’où émane une grande sérénité. Rencontrer cet homme, avec toutes les valeurs qu’il véhicule m’a aidée à prendre le tournant des décisions importantes ; j’ai mis le clignotant pour sortir de l’autoroute ! - J.D. : Quels sont tes projets ? C.C. : En ce moment je termine l’écriture d’un livre, j’ai besoin d’y consacrer du temps.... Et je vais être accueillie toute l’année au théâtre Rutebeuf à Clichy comme invitée d’honneur, j’ai carte blanche... cela me grise et m’apaise, je vais pouvoir créer des ateliers avec ceux qui voudront venir, cela sera ouvert à tout le monde gratuitement ! C’est une expérience pour voir émerger la richesse des participants, faire sortir leurs émotions. Cette nouvelle est récente, c’est merveilleux. Une nouvelle vie commence, je vais essayer d’être une chouette jeune fille ! - J.D : Un mot pour finir ? C.C. : Mon maître mot est le partage, je rencontre des gens qui ont des vies socialement difficiles qui sont mis à l’écart, des personnes malades, exclues. Le théâtre est populaire, c’est un lien qui permet de réunir, c’est une forme d’écologie relationnelle. Cela m’oblige à m’adapter à cette nouvelle vie. Qui sait ? (rire) je vais me balader en camping-car si ça continue. Les riches donnent, les pauvres partagent. La solidarité doit être induite dans ce qu’on est tous. 1 - marygenty 2 - Dans la peau d’un noir, est une histoire vraie, le récit d’un homme blanc Américain, John Howard Griffin journaliste, qui s’est transformé en homme noir, le temps de vivre et de comprendre profondément la condition d’un Noir américain, pendant les 60. 3 - Association de Maintien des Artistes Populaires 4 - KissKissBankBank est une plateforme de financement participatif dédiée aux projets créatifs et innovants !
Posted on: Sat, 07 Sep 2013 12:33:42 +0000

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