De la Charte à la Constitution Par Jean-François - TopicsExpress



          

De la Charte à la Constitution Par Jean-François Léonard Nasrudin fût nommé juge. Lors de la première cause entendue, le plaignant fit un brillant exposé de ses arguments. «Je crois que tu as raison», fit Nasrudin. Le greffier sourcilla, mais nota néanmoins. L’avocat de l’autre partie concernée fit magistralement état des faits qui donnaient raison à son client. «Je crois que tu as raison», fit Nasrudin. Le greffier, stupéfait : «Votre honneur, ils ne peuvent avoir raison tous les deux»! «Je crois que tu as raison», fit Nasrudin . Jusqu’à tout récemment, c’est ainsi que je me suis senti en ce qui concerne la polémique entourant la Charte des Valeurs Québécoises. J’ai lu, çà et là, des articles forts intéressants rédigés par des gens opposés à toute restriction. Je suis très sensible à ces arguments et en bon facebouquébéquois, je les ai partagés, les enrichissant de quelque grivoiserie de mon cru… J’ai pris connaissance avec autant d’intérêt de textes prenant parti pour une laïcité totale et en bon athée, j’ai gloussé de plaisir en cliquant sur «Publier»! Cet exercice m’a permis, oh jouissance, de chialer contre un peu tout le monde! La question que je me pose maintenant est la suivante : si j’étais député indépendant (mon dégoût pour la ligne de parti, la langue de bois et autres niaiseries issues du parlementarisme à la Britannique oblige) et que ce gouvernement minoritaire avait besoin de mon vote pour espérer faire passer son projet de loi, qu’est-ce que je demanderais comme «accommodements raisonnables» au texte déposé? Qu’est-ce que je dirais en Chambre pour justifier mes demandes d’amendements? Bien que ne disposant guère du salaire justifiant telle réflexion, j’ai tout de même envie de la faire à titre de député fictif! Ma première demande d’amendement, chers députés, portera sur la procédure. À ce qu’il me semble, nous ne débattons pas d’un projet de loi visant à réduire de 2% la vitesse sur les autoroutes, mais bien d’un texte qui se prétend définir rien de moins que des valeurs. D’autre part, le climat social actuel, chargé d’émotivité, n’a pas tout à fait permis à chacun d’entendre dans le calme les arguments de tous. Pour donner ne serait-ce qu’une once de crédibilité et d’acceptation populaire à une telle Charte, il est proposé par le député du comté Surmoi «que l’Assemblée nationale s’entende sur un projet de Charte selon la procédure prévue et la soumette à un référendum populaire en octobre 2014». Ma seconde demande d’amendement portera sur le titre. Le mot «valeur» m’horripile viscéralement depuis que j’ai dix ans, car trop souvent il s’accompagne de «bonnes», ou de «vraies», comme s’il y avait de bonnes valeurs, bien entendu, les nôtres, et de mauvaises valeurs, les leurs! Or, s’il faut parler de valeurs, parlons-en dans un contexte philosophique et même, si vous y tenez, spirituel. Les valeurs sous-jacentes à la Charte sont indéniablement issues de l’humanisme, lequel est un dérivé épuré du christianisme. Or, il se trouve que cet humanisme est compatible avec bien des principes spirituels issus du bouddhisme, de l’Islam, du Taoïsme, et d’à-peu-près-n’importequelisme! Si quelqu’un peut m’expliquer en quoi ces valeurs sont québécoises, qu’il se manifeste en caractère 728 bien gras! Il est donc proposé par le député du comté Surmoi de : «remplacer les mots «Charte des valeurs québécoises» par les mots «Charte québécoise de la laïcité». Ma troisième demande d’amendement portera sur l’ajout d’un article relatif aux manifestations du catholicisme dans nos institutions financées à même des fonds publics. Le projet de loi, tel que déposé, a en effet de quoi choquer Musulmans et Juifs, car le deux poids deux mesures donne l’impression que mes chers collègues du PQ ont voulu se ménager un électorat nationaliste en préservant des symboles qui relèvent plus d’un repli identitaire que d’une foi réelle, qu’on se le dise! Et mon analyse, en tant que député du comté Surmoi, c’est qu’il ne s’agit pas du tout des électeurs du PQ, mais de ceux de Feu-L’ADQ-Ressuscité-En-CAQ que le PQ courtise ainsi, ayant besoin du vote de la CAQ pour que le projet de loi soit adopté. Le crucifix de cette assemblée, chers députés, ne témoigne que des pires moments de notre histoire, à savoir l’ère Duplessis, marquée par la collusion entre l’Église et l’État, l’intolérance envers toutes les minorités, l’agriculturalisme, le misonéisme, l’obscurantisme et j’en passe! Il est donc proposé par le député du comté Surmoi d’ajouter un article qui se lirait ainsi : «Toutes les institutions financées par l’État, qu’il s’agisse d’écoles, d’hôpitaux, de bureaux, etc., disposeront d’un délai de cinq ans pour retirer de l’établissement toute manifestation de quelque religion que ce soit, qu’il s’agisse de salles de prières, de chapelles, de crucifix, etc.». Dans le même ordre d’idées, il est proposé par le député du comté Surmoi de : «mettre fin à l’exemption de taxes dont bénéficient les Églises catholiques, lesquelles seront dorénavant catégorisées comme des commerces-vendant-du-vent et taxées comme telles»! Si nous considérons, ne serait-ce qu’un instant, la manière dont le Québec, à la faveur de la Révolution tranquille, est passé d’une quasi théocratie à une société laïque industrialisée et progressiste, il devient évident que sans la Loi sur l’Instruction publique adoptée sous Adélard Godbout en 1942, la masse critique d’analphabètes aurait maintenu le Québec dans un passé paralysant encore quelques décades. Pour celui ou celle qui arrive, en 2013, dans le Québec contemporain, comment comprendre tout ce cheminement en quelques mois? Je ne dispose pas, chers députés, de panacée. Je sais cependant, pour avoir lu Sélim Abou, que l’intégration des nouveaux arrivants, ce qui signifie non pas leur acculturation, mais bien le processus favorisant leur compréhension et leur acceptation d’un certain modus vivendi et, en retour, la possibilité pour la population québécoise de s’enrichir de leurs us et coutumes, nécessite des infrastructures et l’embauche de gens compétents qui auront pour tâche de donner des outils aux nouveaux arrivants et de les mettre en contact avec des gens qui les aideront à se créer un réseau dans leurs quartiers ou villages d’adoption. Il donc proposé par le député du comté Surmoi d’ajouter un article qui se lirait ainsi : «dans le souci de favoriser l’intégration, le budget des COFI (Centres d’Orientation et de Formation des Immigrants) sera doublé par rapport à son niveau de 2007, avant les coupes drastiques effectuées par le PLQ de Jean Charest». J’aimerais maintenant que mes propos soient relayés efficacement à toute la population du Québec et qu’en quelque sorte, qu’ils dépassent les murs de cette chambre. Il y a beaucoup de non-dit dans ce projet de loi. La laïcité relève-t-elle de l’anticléricalisme? Ouvre-t-elle la porte à l’athéisme en tant que religion d’État? Est-ce le début d’un siècle de persécutions religieuses au Québec? Je ne sais comment l’inscrire dans un amendement et j’en appelle aux députés de tous les partis pour qu’ils y réfléchissent. J’ai beau soupçonner mes collègues qui forment le gouvernement de toutes sortes de magouilles, jamais je ne les soupçonnerai de vouloir éradiquer la spiritualité au Québec! Et il me semble que la population du Québec, même après le rejet massif de la religion catholique en 1969, a, dans l’ensemble, manifesté beaucoup d’intérêt pour la spiritualité, qu’elle soit d’ailleurs ou issue de nos frères et soeurs des Premières nations. Je n’ai pas souvenir de manifestations d’intolérance face à un courant spirituel. Je ne sais comment l’inscrire dans un amendement, mais il me semble que le débat entourant la laïcité dans l’appareil d’État devrait être accompagné de quelque chose qui, dans la Charte, favoriserait la connaissance de divers courants spirituels par la population. Quand la spiritualité change de niveau et qu’elle devient une religion, c’est-à-dire une institution qui, habituellement a pignon sur rue, elle s’accompagne habituellement d’un code moral, d’un code des mœurs, de préceptes tantôt alimentaires, vestimentaires, lesquels, à mon grand désarroi, impliquent presque toujours le gender dans la mesure où la femme y subit, mystérieusement, un traitement autre que l’homme. Pour des raisons historiques, nous avons privilégié l’une d’entre elles, la religion catholique, en conférant à son église un traitement de faveur. Les demandes d’accommodements qui ont, je présume, suscité la rédaction de cette Charte, auraient-elles leur place sans ce contexte où les communautés culturelles perçoivent que les Catholiques ont des privilèges qu’ils n’ont pas? Est-il nécessaire de rappeler aux Québécois de souche que le problème ne vient pas des immigrants et de leurs religions, mais que toutes les religions et au premier chef la religion catholique, historiquement, ont donné naissance à des dérives, des violences, notamment envers les femmes? Est-il nécessaire de rappeler que pour bien des Églises en ce monde, le pouvoir étatique ne doit pas être celui du peuple, ce que signifie littéralement «démocratie», mais bien par Dieu, lequel nomme le Pape, lequel couronne les nobles, peu importe que l’on cause d’un Roi catholique ou d’un Calife? Mais ce n’est pas tout, chers députés! Sans que cela ne soit dit, il faut bien lire entre les lignes! S’il n’en était que des niveaux spirituel et religieux décrits précédemment, nous n’en serions pas à débattre de cette Charte. Le problème de fond, c’est que la spiritualité, lorsqu’elle devient religion, donne à maintes reprises naissance au fondamentalisme, à savoir la prétention qu’ont certains de détenir les vrais textes fondateurs du courant spirituel, d’où la pertinence de les appliquer à la lettre, ce qu’on appelle communément l’intégrisme. Sans le fondamentalisme et l’intégrisme, nous n’en serions pas à discuter ici de la pertinence d’une charte. Enfin, je comprends bien qu’il n’était pas pertinent pour le ministre porteur du dossier d’en faire état, mais nous n’en serions pas à discuter de ce dossier si ce n’était du contexte géopolitique mondial, marqué par le fait que quelques États disposant de revenus pétroliers extravagants financent généreusement des groupes terroristes islamistes. Ne nous méprenons pas : ces groupes islamistes ne réclament pas la tolérance envers l’Islam et le port libre du Hidjab : ils réclament le voile intégral obligatoire et le confinement des femmes à la sphère domestique! Nos frères et nos sœurs qui ont quitté le Nord de l’Afrique pour venir vivre ici peuvent vous en parler longtemps, des risques que comporte la tolérance aux intolérants. Quand les Frères Musulmans demandaient à Nasser de légiférer pour obliger les femmes à porter le voile, il rigolait bien! Éluder ce contexte géopolitique, ça reviendrait à vous causer du catholicisme des siècles précédents sans vous causer du traitement infligé à un million de prétendues sorcières durant l’Inquisition, des Croisades face aux méchants Musulmans de la Terre-Sainte, etc. On ne peut parler d’une religion sans la situer dans son contexte. Et le contexte actuel, les dirigeants de beaucoup de pays occidentaux l’ont bien cherché, notamment lorsque, tantôt par peur de propagation du communisme, tantôt par simple peur que leurs richissimes amis des milieux d’affaires ne perdent le contrôle de gisements minéraux ou énergétiques, ils ont non seulement refusé de négocier avec des leaders nationalistes de pays arabes, mais mandaté leurs services secrets de fomenter des coups d’États pour les destituer. Est-il nécessaire de faire ici l’énumération des groupes intégristes qui ont reçu l’aide du Pentagone pour freiner l’expansion soviétique? La Charte ne corrigera pas toutes ces erreurs! Mais comme nous sommes confrontés aux conséquences de ces erreurs, il ne faudrait pas, à tout le moins, ajouter l’erreur à l’erreur! Toujours sur le terrain géopolitique, l’adoption éventuelle d’un projet de loi par cette assemblée afin d’organiser un référendum relatif à la laïcité dans un an déclenchera inévitablement une bataille constitutionnelle avec le Canada… Le Canada a fait bien des progrès en ce qui concerne les Droits de l’Homme sous Pierre Élliot Trudeau, mais le multiculturalisme à la canadienne ne consacre que la juxtaposition des cultures, pas leur intégration. Même si je soupçonne le gouvernement actuel de faire adopter une charte précisément parce que nos collègues du PQ savent que suite à son invalidation par la Cour Suprême du Canada d’ici quelques mois, nous assisterons à une montée du nationalisme, je n’en ai cure parce que je loge à la même enseigne à la différence près que je pense qu’il nous faille prévoir le coup et non l’encaisser. Comment? Je n’en fais même pas un amendement, chers collègues, parce que pour l’instant, le bateau est bien mal barré, mais mon avis, c’est que nous ne devrions pas en être à discuter de laïcité, mais encore moins de valeurs, mais plutôt d’une Assemblée constituante qui rédigerait une Constitution qui ferait du Québec un pays républicain, sans références à la Reine, à la religion et exempte des travers du parlementarisme à la Britannique, qui fût un réel progrès lors de l’adoption de la Magna Carta en 1215, du Bill of Rights et de l’Act of Tolerance 400 ans plus tard, mais qui ne correspond plus aux attentes des Québécois et des Québécoises en 2013, alors que l’ère électronique permet des consultations rapides, peu coûteuses, aussi sécurisées qu’un achat par Pay-Pall sur toutes les questions de l’heure! C’est une nouvelle Constitution qu’il nous faut! Une nouvelle Contitution qui établit notre indépendance et tient compte des revendications du Printemps Érable. Une nouvelle Constitution qui traite certes de laïcité, mais sans occulter les problèmes de corruption, de collusion, de dilapidation des fonds publics, de braderie des richesses naturelles. Une Constitution qui nous rendra réellement Maîtres chez Nous! J’ai dit!
Posted on: Mon, 23 Sep 2013 22:30:48 +0000

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