Elle a failli naître sous un arbre. Sa maman cueillait des olives - TopicsExpress



          

Elle a failli naître sous un arbre. Sa maman cueillait des olives ce lundi de janvier avant d’accoucher dans la maison de l’oncle. « Un Républicain qui a combattu Franco, je l’adorais. » Ses parents Maximo et Sebastiana Frias sont journaliers agricoles à Cuacos de Yuste, en Extrémadure. Le village est réputé pour son monastère où repose Charles Quint depuis sa mort, en 1558, quatre siècles avant que la petite Victorine ne voie le jour. L’Espagne n’a alors rien d’un royaume. En 1962, Maximo quitte le pays et les siens pour honorer un contrat aux Tuileries Sturm, à Soultzbach-les-Bains. Il y travaille un an avant de faire venir femme et enfants, en mai 1963. « Une immigration économique », précise sa fille qui s’est jetée dans les bras d’un inconnu qu’elle avait pris pour son père venu les accueillir gare de l’Est, à Paris. « J’étais fier parce que papa avait construit le collège Molière, comme il a participé à la construction de la ZUP » Elle « débarque » dans un pays dont les codes et la langue lui sont « étrangers ». Un des premiers mots qu’elle apprend est « un gros mot alsacien », se souvient celle qui avoue « n’avoir pas eu de mal à l’école ». Elle devient très vite la traductrice de la famille. Et se retrouve, vers l’âge de 8 ans, à l’arrière de l’auto-école à traduire les recommandations du formateur à Sebastiana qui avait décidé de passer « très vite » le permis de conduire. « On grandit vite comme ça », dit-elle sans amertume. « J’étais une bonne élève parce que je suis une grande bosseuse », une qualité consubstantielle à cette hyperactive dont « l’esprit doit toujours être en éveil, ouvert et actif ». « Elle connaît ses dossiers parce qu’elle les travaille », confirme Pernelle Richardot, conseillère régionale PS. « J’ai besoin de m’enrichir de connaissances et intérieurement, davantage que de progresser socialement », précise la fille d’immigrée. On la croit sincère. Ce qui ne l’a pas empêché de faire une belle carrière professionnelle et une percée rapide en politique. « Elle est très impliquée et perfectionniste mais attend en retour la même chose des autres », confirme Julien Ernst, secrétaire de la section PS de Colmar. Une exigence inscrite dans son parcours. « Elle a toujours détesté la cuisine interne et politicienne, préférant faire parler ses profondes convictions » Élève au lycée Camille-Sée, elle obtient son bac littéraire en 1976 ; avec une mention bien et l’équivalence en espagnol. Son bachillerato couronne un cursus commencé à l’école maternelle de Soultzbach-les-Bains et poursuivi à Rouffach et à Sélestat, où Maximo enchaîne les petits contrats. La famille Frias, qui compte aussi deux garçons, Angel et Felipe, s’installe définitivement à Colmar avant que Victorine n’entre en 6e dans le tout nouveau collège Molière. « J’étais fière parce que papa l’avait construit, comme il a participé à la construction de la ZUP », raconte sa fille, restée très attachée au quartier Ouest. Elle y est d’ailleurs revenue, avec son mari Christian et sa fille Laura, après avoir vécu dans le quartier maraîcher. Son premier job d’été, c’est dans le supermarché de « [son] quartier » qu’elle le décrochera. Elle obtient un BTS de secrétaire de direction à l’école Pigier de Colmar puis un BTS de traductrice commerciale en candidate libre, via le CNED. Le diplôme d’une école privée ne lui « convenait pas. » Elle suivra aussi des cours du soir au Conservatoire national des arts et métiers, en droit et en mathématiques appliquées à l’économie. Un an après son bac, Victorine Valentin est embauchée chez Behr France, à Rouffach, comme secrétaire des achats puis chargée de l’échantillonnage et du contrôle des pièces. Elle intègre le magasin de Cora Houssen en 1982 comme secrétaire de direction, fonction qu’elle occupe jusqu’en 2001 où elle prend la responsabilité managériale du service caisse et de la carte fidélité. Elle a aussi enseigné l’espagnol à l’IUT de Colmar : « J’encourage le bilinguisme. Deux langues, ce sont deux cultures et c’est multiplier d’autant les possibilités ». Élue conseillère municipale en 2008 puis conseillère régionale en 2010, Victorine Valentin est une des rares élues à concilier un mandat de ce niveau avec des responsabilités de cadre dans le privé ; au prix d’un « effort considérable ». « Le problème, c’est la maîtrise du temps. Je fais de mon mieux et je n’ai rien à me reprocher », tranche Victorine Valentin, « petite fille modèle », « fourrée à la bibliothèque », qui garde le souvenir d’une « éducation à l’espagnole, avec une exigence morale et de grands interdits », prodiguée par des « parents très stricts, attachés à la culture du mérite et du travail ». Son engagement politique n’a rien de filial. « On ne discutait pas politique à table. » Si elle a adhéré « tout de suite » au PS début 2008, c’est par « sympathie historique » et en « réaction allergique à Sarkozy ». « Je suis très tolérante mais l’injustice me révolte. La réaction me paraissait nécessaire. » « Son parcours fait qu’elle est particulièrement attentive aux autres », souligne Pernelle Richardot. Elle soutient naturellement la motion 3 « Maintenant la gauche » au congrès de Toulouse en 2012. « Elle a toujours détesté la cuisine interne et politicienne, préférant faire parler ses profondes convictions », note Julien Ernst qui fut son directeur de campagne aux législatives de 2012. « Elle garde sa liberté de pensée et d’action, et ne transige pas avec ses convictions », note Pernelle Richardot qui juge les quelques « discussions serrées » avec sa collègue très saines. Ces dernières années, le côté un « peu rêche » et « brut de décoffrage », décrit par certains, s’est estompé sous la chevelure poivre et sel. Victorine Valentin le concède, elle a « gagné une certaine sérénité » et « un certain détachement à l’égard des critiques ». Une sérénité qu’elle continue d’entretenir en voyageant. « C’est vital. » Elle a « besoin de voir du beau : un livre, une poésie, un retable, un paysage… » Elle se verrait bien organisatrice de voyage. Mais ce sera pour une autre vie. Une vie qui l’exonérerait de ce « manque de temps gratuit pour soi qui ne serait plus commandé par une obligation morale ou professionnelle ». Tiens, ça fait longtemps qu’elle ne s’est plus promenée en forêt. Pour retrouver les arbres. par Franck Buchy
Posted on: Sun, 17 Nov 2013 12:38:05 +0000

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