En créant son blog en avril 2012, Inge Hannemann, 45 ans, savait - TopicsExpress



          

En créant son blog en avril 2012, Inge Hannemann, 45 ans, savait parfaitement qu’elle risquait fort de perdre son job. Elle y révèle les dessous des mesures Hartz IV, les réformes du marché du travail initiées par l’ex-chancelier Schröder, qui réglementent l’indemnisation des chômeurs et des sans-ressources sur la base de 382 euros mensuels par personne. Inge travaille elle-même au Jobcenter - selon le terme officiel - à Hambourg, dans les services de l’agence de l’emploi (Arbeitsamt), justement chargés de mettre en œuvre ces mesures contestées. Sa direction n’a pas toléré longtemps cette transparence. Inge a été suspendue de son poste en mars, avec maintien du salaire. « Je n’ai pas une vocation de martyre, explique-t-elle. Mais j’étouffais au travail à cause des énormes injustices qui y sont imposées aux personnes indemnisées. Il y a vraiment trop d’anomalies, de tromperies, selon moi. Les syndicats, les organismes sociaux, les associations d’entraide dénoncent cela depuis des années, mais personne ne veut les entendre. Je me suis dit : essayons autre chose, peut-être m’écoutera-t-on moi, parce que je parle en tant qu’agent de l’Arbeit-samt. Je peux prouver mes dires chaque fois sur mon blog, documents à l’appui. » « De l’escroquerie » Le 28 août dernier, Hambourg-Altona, le quartier coloré de la ville hanséatique où Inge demeure. Pendant notre entretien, son portable bruisse régulièrement des messages de soutien envoyés de toute l’Allemagne. Certains lui annoncent leur arrivée pour l’après-midi. Venus de Kiel, Cologne ou Dortmund, ils tenaient à être présents à la première audience du procès qu’Inge Hannemann a intenté à son employeur, devant le tribunal du travail. Elle veut en effet réintégrer son emploi. Une détermination qu’elle appuie notamment sur son excellente notation. Maîtrisant parfaitement son travail, elle était même proposée pour un poste de direction… avant la parution de son blog. Lorsqu’elle raconte les injustices dont elle a été témoin, elle devient intarissable. Par exemple, le Jobcenter peut contraindre les personnes qualifiées qui n’ont pas travaillé depuis quatre ans à accepter un emploi à bas revenus, après avoir mis fin à leurs droits à formation. Ils sont alors recrutés par une entreprise de travail temporaire, qui verse au passage une commission à l’agent traitant de l’Arbeit-samt. « C’est déjà anormal, mais il y a pire », insiste-t-elle. L’employeur peut prétexter le défaut de permis de conduire de cette personne pour lui établir un contrat d’assistant, au rabais, avec lequel il sera rémunéré 8,19 € en moyenne. Puis elle le loue comme « technicien », rémunéré 10,20 € de l’heure, à une firme qui ne sait rien de tout ça. « C’est vraiment de l’escroquerie », s’indigne Inge. Les grosses entreprises ne sont pas en reste, poursuit-elle. Si Airbus Hambourg, par exemple, embauche un chômeur dans le cadre d’un contrat de réinsertion de trois mois ou plus, elle perçoit une subvention équivalente au minimum à 30 % du coût salarial. Tandis que la personne employée comme intérimaire est rémunérée 30 à 40 % au-dessous de la grille salariale de l’entreprise, qui ne renouvellera pas son contrat en fin de subvention mais ira embaucher un autre chômeur dans un autre Jobcenter. Des bons d’achat Parce qu’elle voulait « faire un travail social, rendre service », Inge a commencé à travailler à l’Arbeit-samt en 2005, « en toute naïveté », reconnaît-elle. Au fil des années, l’avalanche de directives imposant des sanctions aux titulaires de Hartz IV pour absence à un rendez-vous ou refus d’accepter un emploi rebutant l’a révoltée. Ces sanctions peuvent réduire de 40 à 100 % le revenu minimum de 382 euros. En fin de parcours, il ne reste plus au chômeur concerné que des bons d’achat d’un montant de 176 euros par mois pour répondre aux besoins de la vie quotidienne, en sus de l’allocation logement et chauffage. « Comment vivre avec ça ? » Inge a toujours essayé d’arranger les choses plutôt que de sanctionner aveuglément. Elle préfère visiter à son domicile une personne qui n’est pas venue à un rendez-vous pour comprendre le motif de son absence, l’envoyer chez le médecin en cas de maladie afin d’avoir un certificat médical. De ce point de vue, reconnaît-elle, l’abrogation de la taxe de 10 euros versée chaque trimestre lors de la première visite chez le médecin et le dentiste est un grand pas en avant. Faute de ressources, « les Hartz IV n’allaient plus chez le docteur ». « En 2009, j’ai pris six mois de congé sans solde, reprend-elle, je ne supportais plus la pression de mon emploi. Je me suis documentée sur les droits et la réglementation du travail en Europe, en France, en Angleterre, le pays dont l’Allemagne s’est inspirée. » Puis en octobre 2010, le jugement du tribunal constitutionnel de Karlsruhe, estimant que le montant du revenu minimum Hartz IV n’était pas calculé pour permettre à ses titulaires des conditions d’existence décentes - un devoir qu’impose la Constitution -, l’a renforcée dans ses convictions. « Ce jugement, déjà très difficile à comprendre, ne nous a même pas été communiqué au Jobcenter. Nous avons dû comprendre par nos propres moyens la portée de ses retombées sur notre travail. » La Cour ne dit pas que les sanctions sont « inconstitutionnelles », comme le croient beaucoup de titulaires de Hartz IV, précise-t-elle. « Mais elle souligne que les prestations ne doivent pas être inférieures au revenu minimum nécessaire pour vivre dans des conditions décentes. Or, avec 176 euros, évidemment, on en est loin. » Inge votera pour Die Linke le 22 septembre, « le seul parti qui défend les Hartz IV. Je viens d’une famille sociale-démocrate et j’ai très longtemps voté pour le SPD, mais depuis les réformes initiées par l’ex-chancelier Schröder, c’est fini. » Si, en 2011, elle a encore voté pour Olaf Scholz, le ministre-président social-démocrate de Hambourg, celui-ci l’a tellement déçue qu’aux prochaines municipales, elle votera pour la CDU, qu’elle juge aujourd’hui plus sociale que le SPD. Quelle: sudouest.fr/2013/09/15/le-cote-obscur-du-miracle-allemand-1169263-2361.php
Posted on: Sun, 15 Sep 2013 08:04:56 +0000

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