En visite chez Talleyrand. Château de Valençay. Un de ces - TopicsExpress



          

En visite chez Talleyrand. Château de Valençay. Un de ces derniers jours, je suis allée là où se rendra mon héroïne Suzanne dans un des prochains volumes du roman. C’est ici, au Château de Valençay situé au cœur de la province française du Berry qu’elle passera l’été dramatique de l’an 1805. C’est également ici qu’elle cèdera aux persuasions du prince de Talleyrand et acceptera d’épouser René Clavière, alors à cette époque le banquier principal de l’Empire, un génie de la finance capable dans les plus brefs délais d’équiper en armes et de tout le nécessaire l’immense armée napoléonienne. Mais nous reparlerons de Clavière une autre fois. Il est un personnage au caractère ambigu, à la différence de Charles Maurice de Talleyrand-Périgord, prince de Bénévent. En dépit de toutes les étiquettes que les historiens lui collent en essayant de le présenter comme un personnage ayant beaucoup de points négatifs, il reste pour moi un des plus grands acteurs de l’histoire française. Il paraît qu’il provoque l’admiration et le mépris à la fois : pour son esprit et pour ses multiples trahisons aux régimes politiques et aux chefs d’Etat… A ceci, on pourrait répondre par la citation de Talleyrand lui-même : « La trahison doit tomber à propos. Trahir opportunément signifie prévoir » et souligner qu’en trahissant tous ces rois et ces empereurs, il est cependant toujours resté fidèle à la France et a toujours défendu les intérêts de son pays. La France était pour lui le meilleur pays sur terre, il était fier de sa langue, sa culture, son mode de vie et bien évidemment, de sa cuisine. Le feu des vastes fourneaux du Château de Valençay est éteint depuis longtemps, et les bouteilles des caves à vin sont couvertes d’une couche de poussière vieille des centaines d’années. Toutefois, en se promenant à travers les désertes pièces de service du rez-de-chaussée on peut s’imaginer comment était cette vie agitée qui se reflétait jadis sur les bords polis des immenses chaudières en cuivre. Une foule de marmitons couraient par-ci par-là, et le célèbre cuisinier Antonin Carême, « le roi des chefs et le chef des rois » (dont le talent a été découvert au grand public par Talleyrand) y concoctait son fameux soufflé à la vanille. La table du prince de Bénévent était considérée comme la meilleure de l’Europe. Les rois et les ministres venaient à Valençay pour profiter des somptueuses réceptions où on ne servait pas moins de 8 sortes de soupes et 20 sortes de desserts. Le propriétaire du domaine lui-même tranchait la viande et se souciait de tous les détails des dîners. Sur ses ordres, en hiver on ramassait de la glace dans le parc. En été (le prince séjournait à Valençay en juillet-août) cette glace servait à remplir les jardinières de la grande salle à manger afin de rafraîchir l’air ambiant – et voilà l’ancêtre du climatiseur moderne. A mon avis, le principal mérite de Talleyrand est son rôle lors du Congrès de Vienne. Après l’exil de Napoléon sur l’ile d’Elbe, la France était écrasée par des contributions de guerre s’élevant à plusieurs millions et risquait même d’être divisée par les pays gagnants. Talleyrand est arrivé à Vienne pour s’entretenir sur le sort de son pays sans avoir aucun véritable levier d’influence sur la situation. Il n’avait pour lui que son intelligence, son expérience, un grand nom et la courtoisie. A cela il faut ajouter la gastronomie. Durant quelques mois on apportait de Valençay jusqu’à Vienne les meilleurs fromages, vins et saucissons. En additionnant à son intelligence les plaisirs de la bonne chère, le prince a su négocier les plus brillantes conditions de paix auxquelles la France puisse compter et garder le pays dans ses frontières naturelles (le Rhin à l’est, l’Océan Atlantique à l’ouest, la Mer Méditerranée et les Pyrénées au sud). C’est également à cette époque que les bases de l’Europe unie ont été fondées. Je crois que devant cet exploit les petites erreurs et les péchés du prince comme notamment son amour de l’argent et ses tours de bâton perdent de leur importance. Pourrait-on imaginer Talleyrand pauvre ? Question rhétorique… L’ampleur de sa personnalité semble ne pas rentrer dans le lit de Procuste des idées actuelles sur ce que devrait être un homme de politique. Mais son objectif n’était évidemment pas celui de plaire aux générations futures. En un mot, il était issu de cette France d’avant, de la France des rois, et cela me rappelle étonnamment mon héroïne. Les paroles de Talleyrand : « Qui n’a pas connu l’Ancien Régime, n’a pas connu la douceur de vivre » pourraient être entièrement associées à Suzanne de La Trémoïlle. Tous les deux ont rencontré le succès dans la nouvelle société française (Suzanne sera admise à la cour de Napoléon), mais leurs cœurs et leurs âmes appartiennent définitivement à l’ancienne cour de Versailles, si insouciante et frivole, à cette France d’antan qui n’existe plus. Le Château de Valençay appartient désormais à l’Etat. D’habitude, les châteaux appartenant aux propriétaires privés ont l’air plus entretenus et fringants que les châteaux publics. En ce sens-là, Valençay n’a pas eu beaucoup de chance. Il paraît terne en comparaison aux plusieurs châteaux de la Loire : les pelouses n’y sont pas très verdoyantes, le parc n’est pas aussi entretenu. Je crois que si le prince pouvait voir sa propriété (quelque part du purgatoire), il ne serait pas très content. Il se préoccupait énormément des membres de sa famille et de leurs richesses ; le fait que Valençay soit devenu une propriété publique ne lui aurait certainement pas plu. Mais qui sait ? On peut difficilement affirmer quelque chose sur cet homme qui durant toute sa vie a souhaité que les générations à venir ne sachent pas « qui était-il, à quoi pensait-il, ni à quoi aspirait-il ». En pour finir, quelques mots sur Suzanne. Talleyrand sera son bon ami pendant de nombreuses années (leur amitié-amour débutera dans le volume « Suzanne et Alexandre »). Il se prononcera pour le nouveau mariage de son amie et l’éloignera du duc du Châtelet. Certes, pour l’héroïne, ce mariage sera forcé, des circonstances difficiles l’obligeront à accepter la demande de Clavière. Toutefois, cela ne signifie pas que cette union sera dépourvue de sentiments…
Posted on: Wed, 25 Sep 2013 20:32:29 +0000

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