Et si le Chef de l’Etat avait raison ! (Par Momath Ndiaye) - TopicsExpress



          

Et si le Chef de l’Etat avait raison ! (Par Momath Ndiaye) Comment faire de la publicité sur xalima ? Pour vos besoins publicitaires, Contactez nous Imprimer Envoyer a un(e) ami(e) PARTAGER Add to Delicious Share on FriendFeed Digg submit to reddit TAGS Parce qu’il confine le Sénégal à la 178e place sur 189, le dernier rapport Doing Business de la banque mondiale occupe une place privilégiée dans l’actualité politique sénégalaise. Aussi, cette position peu enviable a valu au président de la république et son équipe les critiques les plus acerbes de la part de l’opposition. Pourtant, cette dernière, à défaut de reconnaitre le grand écart qui existe entre le climat des affaires au pays et les conclusions du rapport, devrait observer une certaine retenue, car la fiabilité de ces travaux est loin de faire l’unanimité. Les juristes et les économistes sont partagés sur ces rapports qui présentent, somme toute, de redoutables défauts. Si la crédibilité aussi bien des questions que des réponses est mise en cause, les présupposés sur lesquels ils s’appuient sont plus que controversés. Aussi, nous allons essayer d’étaler les principales critiques qui peuvent être formulées à l’égard de ces documents. Les rapports Doing Business sont réalisés par des économistes issus de l’École de Chicago qui prône une déréglementation totale de l’économique. Publiées chaque année depuis 2003 par une société filiale de la Banque mondiale, ces études évaluent la réglementation des affaires dans 189 Etats et effectuent un classement de ces pays en fonction de « l’efficacité » de leur droit. Concrètement, elles sont établies après une enquête sur les indicateurs suivants : La création d’entreprise, l’octroi de permis de construire, le transfert de propriété, l’obtention de prêts, la protection des investissements, le paiement des impôts, le raccordement à l’électricité, le commerce transfrontalier, l’exécution des contrats et le traitement de l’insolvabilité. Ainsi, plus les règles qui régissent ces différents indicateurs sont flexibles, mieux l’Etat est noté. Pour comprendre l’objectif de ces classements, il nous semble important de connaître le fonctionnement de la Banque mondiale. Cette institution financière a pour mission de placer des prêts auprès des États en voie de développement. De ce fait, ses employés agissent comme les agents commerciaux de n’importe quelle banque. Or, la Banque mondiale a compris depuis longtemps que la meilleure façon d’y parvenir, c’est d’adosser ses financements à du conseil. C’est pourquoi elle s’est lancée dans le « knowledge management » (Gestion ou management de la connaissance). Autrement dit, si elle fait observer à ses clients, principalement, les pays en voie de développement, qu’ils sont mal notés dans le classement, cela crée immanquablement une pression sur leurs décideurs. D’ailleurs, à l’origine, ces classements ne devaient servir qu’à éclairer l’organisme dans l’allocation des fonds aux États emprunteurs. Les auteurs de Doing Business se défendaient de proposer un guide d’investissement en admettant avec lucidité qu’ils ne savaient rien de la réalité des systèmes qu’ils se proposaient d’évaluer. En réalité, c’était une gigantesque hypocrisie. Quoiqu’il en soit, la notion d’efficacité économique du droit est extrêmement difficile à mesurer. C’est pourquoi, les méthodes utilisées dans la construction des indicateurs censés rendre compte de la qualité du droit sont souvent fort contestables. L’indicateur « de facilité à faire des affaires » du rapport Doing Business n’échappe pas à cette règle puisqu’il cumule toutes les faiblesses de ce type d’exercice. Tout d’abord, la méthode Doing business est conçue, non pas, par des juristes mais par des économistes. Se pose alors la question de savoir, comment mesurer l’efficacité du droit par une méthode économique ? N’est-ce pas là adopter une démarche inappropriée ? En tout cas, l’approche induit ici une confusion entre système juridique et système bureaucratique. Par conséquent, ce que note le rapport Doing Business, ce n’est pas le droit des pays concernés mais l’application bureaucratique du droit, c’est-à-dire les procédures administratives. Or, ces deux facteurs sont, non seulement, très différents, mais aussi rien ne démontre qu’il y ait un lien entre les deux. Ensuite, cette méthode utilise des questionnaires mal conçus qui s’appuient sur des cas pratiques souvent absurdes, qui ne correspondent pas à des situations réelles. Ainsi, si ceux qui sont interrogés ne répondent pas à une question, parce qu’il n’existe pas de réponses, l’Etat sera mal noté sur ce point. De surcroit, la démarche repose sur le postulat insensé selon lequel, dans tous les pays, les mêmes instruments juridiques sont mis en œuvre pour résoudre des problèmes identiques. Ainsi, la méthode utilise des hypothèses types. Par exemple, les questionnaires, comme celui sur les procédures collectives, mettent le créancier en avant. Par conséquent, un système comme le nôtre qui se préoccupe avant tout de la survie des entreprises et des droits des salariés sera forcément mal noté. Les réponses aux questionnaires, elles-mêmes, sont critiquables. Rédigés en anglais, alors qu’ils s’adressent principalement à des juristes des pays en voie de développement, la plupart des questionnaires Doing Business utilisent des termes archaïques, peu usités ou ambigus pour désigner certains concepts juridiques que même un anglophone n’est parfois pas à l’abri de surprises. Ces questionnaires sont ensuite tout naturellement envoyés aux cabinets d’avocats anglo-saxons à travers le monde, lesquels confient le soin d’y répondre à des stagiaires. Apparait ainsi un sérieux biais dans les réponses qui peut entrainer des conséquences graves en économie. L’administration des questionnaires est également sujette à critiques. Les listes des destinataires des questionnaires, publiées en annexe de chaque rapport, laissent voir que ceux-ci appartiennent généralement à des cabinets internationaux d’affaires, plutôt généralistes et davantage impliqués dans le conseil que dans les procédures et le contentieux quotidien, lesquels constituent pourtant l’objet de cette évaluation. Ainsi, les erreurs deviennent d’autant plus probables que certains questionnaires contiennent des questions qualitatives et impliquent des jugements de valeur. Enfin la méthode de la banque mondiale donne une définition simplificatrice du droit. Les questionnaires privilégient une approche formaliste et désincarnée. Cette perception abstraite du droit se vérifie à plusieurs niveaux. Tout d’abord, en ce qui concerne l’évolution de l’état du droit, plusieurs des questionnaires débutent par une interrogation portant sur la mise à jour des données. Or, l’énoncé de la question appelle une réponse liée aux seules modifications législatives. Dès lors, les fluctuations jurisprudentielles ou les difficultés dans l’interprétation des lois, n’y aurait pas leur place. En plus, la pratique réelle du droit n’est pas non plus prise en compte. La procédure contentieuse n’est quant à elle étudiée que de façon partielle. Doing Business reste muet, par exemple, sur le contentieux de la responsabilité, pourtant déterminant dans la vie de l’entreprise. Pour reprendre la grille d’analyse des économistes, les rapports Doing Business se contentent d’une quantification, à priori, de la qualité du droit, et non d’une analyse, à postériori, sur le résultat effectif du système juridique. Les effets induits du droit et notamment la préservation de la concurrence ou encore la réduction des conflits, sont également totalement absents. En définitive, le droit n’est ainsi pas considéré comme système complexe, mais comme une superposition de dix indicateurs prélevés par cette équipe d’économistes, explorateurs d’un univers qui semble leur rester hermétique. En toute hypothèse, cette confusion peut expliquer la différence manifeste entre les grandeurs physiques calculées dans la base de données Doing Business et les efforts du gouvernement du Sénégal pour améliorer le monde des affaires. Les nombreuses faiblesses de la méthodologie de Doing Business traduisent en réalité une approche très partiale du droit. C’est d’ailleurs pour ces différentes raisons que de nombreux pays européens portent un regard critique sur ces rapports, sans compter le Brésil et les États-Unis eux-mêmes. En 2011, le Congrès américain s’était aperçu que l’un des indicateurs, en matière sociale, allait à l’encontre des conventions internationales en droit du travail. Le fait que les États-Unis aient été en tête du classement pourrait donc laisser supposer qu’ils ne respectaient pas ces conventions. Le Congrès avait même demandé à la Banque mondiale de retirer ce critère. Ce que celle-ci avait refusé. Les écoles d’Harvard et de New Haven contestent également ces travaux. Elles partagent avec l’École de Chicago l’idée selon laquelle la concurrence est le moins mauvais des outils de croissance, mais elles considèrent que le rôle de la régulation au sens large et notamment l’intervention des pouvoirs publics, est nécessaire au bon fonctionnement de l’économie. La philosophie de déréglementation qui irrigue ces travaux est ouvertement contredite par les pays de common law eux-mêmes qui sont en train, suite à la crise financière, d’adopter des réglementations parfois plus lourdes que les États de tradition civil law. L’on voit bien à travers cette analyse que ces rapports de la banque mondiale doivent être fortement relativisés. Leurs faiblesses structurelles amoindrissent fortement leur portée scientifique et leur objectivité. Dès lors, le chef de l’Etat et le ministre Diène Farba Sarr ont eu parfaitement raison de remettre en cause le dernier en date. En tout cas, compte tenu de ces éléments, nos opposants devraient diluer leurs discours. Ndiaye Momath Responsable de la cellule de communication de la section APR de Marseille Membre de la CCR/ France E-mail : nmomath@gmail
Posted on: Sun, 10 Nov 2013 14:12:14 +0000

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