Il y a quelques mois encore, cela paraissait impensable. Pourtant, - TopicsExpress



          

Il y a quelques mois encore, cela paraissait impensable. Pourtant, ils sont de plus en plus nombreux à espérer que lancien président sera bientôt autorisé à quitter La Haye. Fût-ce provisoirement...Mais, ses partisans ne sont pas les seuls à lattendre. A Abidjan, limage fait fantasmer ses partisans. Pascal Affi Nguessan, le président du Front populaire ivoirien (Fpi), relâché en août après plus de deux années en prison, imagine déjà les scènes de joie qui ne manqueraient pas de saluer la libération de Laurent Gbagbo. Lui-même na-t-il pas été accueilli dans 1allégresse dans son village de Bongouanou, début août ? Ne lui a-t-on pas offert pagnes et moutons pour célébrer son retour ? A Paris, un ancien conseiller politique de Gbagbo promet, avec le même enthousiasme, des mou­vements de foule « plus grands que si Didier Drogba ramenait la Coupe du monde en Cote dIvoire ». Depuis Accra, où il sest installé, Justin Koné Katinan, le porte-parole de lancien président, assure que, si son men­tor était libéré, des centaines de cadres du Fpi rentreraient au pays «puisquils nauraient plus de raison dêtre en exil ». Gbagbo lui-même sy verrait déjà, si lon en croit lun de ses proches: « Il est en train de faire ses valises ! ». Sauf que tous vont sans doute un peu vite en besogne, et que Gbagbo, hôte bien involontaire de la prison de Scheveningen, aux Pays-Bas, depuis le mois de novembre 2011, nignore pas que la partie sannonce serrée. Quespèrent donc ses supporteurs ? Que la Cour pénale internationale (Cpi) trébuche, que les juges désavouent la procureure Fatou Bensouda et que les charges soient purement et simplement abandonnées faute dun dossier daccusation suffisamment solide. Quelles chances ont- ils de voir leur souhait exaucé ? Quasiment aucune, aurait -on dit il y a quelques mois, tant il paraissait improbable que Laurent Gbagbo, accusé de crimes contre lhumanité lors des violences postélectorales commises entre décembre 2010 et avril 2011 et confié aux bons soins de la Cpi par son successeur, puisse échapper aux rigueurs de la justice internationale. Camouflet. On aurait tort, pourtant, de ne voir là que la preuve dun optimisme délirant. En juin dernier, les juges ont sommé Fatou Bensouda de revoir son dossier au motif que les éléments apportés lors de la première audience de confirmation des charges, en février 2013, ne les avaient pas convaincus. Pour la procureure, ce fut un camouflet. Pour les pro-Gbagbo, une raison despérer. « Nous avons gagné la bataille de la crédibilité, se réjouit lun des défenseurs de lancien président. Ça a été un long travail, mais même les juges trouvent que Fatou Bensouda senferme dans une position politique. » Même sil sous-estime l’opiniâtreté des équipes de la procureure, il attend beaucoup de la prochaine décision de la Cour qui, dici au 11 novembre, se prononcera sur les conditions du maintien en détention de Laurent Gbagbo. Habiba Touré, lun des avocats de la famille Gbagbo, précise que, si lancien président devait être libéré en novembre, « ce serait vraisemblablement dans le cadre dune liberté provisoire, en attendant la nouvelle audience de confirmation des charges prévue en janvier ou en février 2014 ». Laurent Gbagbo pourrait, dans lintervalle, se rendre dans un pays signataire du traité de Rome, fondateur de la Cpi - et de préférence sur le continent, ajoute Me Touré. Une liste des pays susceptibles daccueillir lencombrant suspect a été établie par les avocats de Gbagbo - au premier rang desquels Me Altit - et soumise à la Cour. Mais elle est confi­dentielle, et cest aux juges quil appartiendra de prendre une décision. A Abidjan pourtant, les suppositions vont bon train. La Côte dIvoire ? Inenvisageable compte tenu des relations entre Gbagbo et les autorités ivoiriennes. LOuganda ? Pourquoi pas. Yoweri Museveni a promis à Gbagbo de lui faire bon accueil. Mais, il na jamais fait mystère de son aversion pour la Cpi (même si lOuganda en est membre), et la Cour exige que les pays daccueil sengagent à transférer leur hôte à La Haye chaque fois que celui-ci sera convoqué pour une audience. Pas sûr que Kampala lui inspire cette confiance. LAfrique du Sud est une autre possibilité- sans doute la plus sérieuse à lheure actuelle. Selon 1ancien conseiller de Gbagbo, cité plus haut, des contacts ont été pris avec Pretoria, qui est signataire du traité de Rome. « De nombreux chefs dEtat africains sont daccord pour que Gbagbo vienne chez eux, promet un proche de lex-président, mais ils ne tiennent pas forcément à ce que cela se sache dès maintenant. » Peut-être ... Mais, on imagine mal un pays géographiquement proche de la Côte dIvoire se porter candidat et prendre le risque d’héberger sur son sol un potentiel fauteur de troubles. Comme le Christ. Rien de tout cela ne tempère loptimisme des plus fervents adeptes de 1ancien président, dont le nom est invoqué jusque dans ces églises où le Fpi croit pouvoir miser sur une intervention divine. « On invoque le Seigneur parce que notre Gbagbo a été victime dune machination. Nous sommes sûrs quil sera bientôt parmi nous comme le Christ », prédit, exalté, un cadre du parti. En Côte dIvoire, certains se prennent même à rêver dune libération rapide et définitive de leur ancien champion. Est-ce juridiquement possible ? Oui. Fatou Bensouda, que les juges ont renvoyée à sa copie, doit présenter de nouveaux éléments de preuve avant le 15 novembre. En juillet, elle sest rendue en Côte dIvoire pour étoffer son dossier. Mais rien ne dit quelle sera cette fois plus convaincante et, à lissue de la seconde audience de confirmation des charges, en début dannée prochaine, les juges pourraient ordonner la fin de la procédure. A moins quun procès, sil devait finalement avoir lieu, naboutisse à un acquittement. Dans les deux cas, Laurent Gbagbo serait libre daller où il veut. Enfin presque... Pascal Nguessan a beau affirmer qu« un Ivoirien ne peut pas être contraint à lexil et que la logique voudrait que Gbagbo revienne en Cote dIvoire », il n y a pas, à Abidjan, que ses partisans qui 1attendent. « Cest vrai que ce qui se passe à La Haye préoccupe beaucoup, concède un conseiller du président Ouattara. Cest vrai aussi que, si Gbagbo devait être libéré, nous préférerions quil ne revienne pas au pays. Et puis, ici, il y a toujours une procédure pendante devant la justice. » La menace est claire ... et ne tombera certainement pas dans loreille dun sourd. Car lintervention de la Cpi na fait que suspendre les poursuites engagées en Côte dIvoire ; elle ne les a pas annulées. En août 2011, alors quil était en résidence surveillée à Korhogo, Gbagbo avait été inculpé pour crimes économiques après avoir été entendu par Simplice Koffi, à lépoque procureur de la République- et la justice ivoirienne est bien décidée à le lui rappeler si lenvie lui prenait de revenir au pays. Il nempêche. Au quartier du Plateau, dans les couloirs du palais comme dans les salons des ministères, on redoute une éventuelle libération de celui qui présida aux destinées de la Côte dlvoire pendant dix ans, de 2000 à 2010. A ses visiteurs du soir, Alassane Ouattara fait parfois part de son inquiétude, voire de son agacement face à la lenteur de la procédure. La libération de son prédécesseur, il ne veut pas en entendre parler. Cest à quatre de ses fidèles quil a dailleurs confié le suivi du dossier. II y a là Amadou Gon Coulibaly, ministre dEtat et secrétaire général de la Présidence ; Mamadou Diané, conseiller spécial chargé des affaires juridiques; Gnénema Coulibaly, le ministre de la Justice (cest lui qui, en juillet, a reçu Fatou Bensouda et la aidée à collecter de nouvelles preuves à charge), et Hamed Bakayoko, son collègue de lIntérieur. Ensemble, ils informent régulièrement le chef de lEtat et font le lien avec le bureau de la procureure. A Paris, les avocats de lEtat ivoirien que sont Jean- Paul Benoît et Jean-Pierre Mignard suivent également le dossier et s’entretiennent régulièrement avec Abidjan sur la stratégie à adopter. Bakayoko ne croit pas vraiment en la possibilité dune libération rapide de Gbagbo, et ses services nont pas mis en place de dispositif approprié. Toutefois, un système dalerte existe déjà, qui sappuie à la fois sur la gendarmerie, la police et larmée, et qui pourrait être activé très rapidement sil savérait nécessaire de contenir des débordements de joie (à Yopougon par exemple) ou des manifestations de mécontentement à Abobo, Adjamé ou Attécoubé, des quartiers réputés acquis à la cause du Rassemblement des républicains (Rdr, au pouvoir). Reclus. Conscients de lenjeu, les proches de lancien chef de lEtat savent quils nont pas intérêt à jeter de lhuile sur le feu et jouent la carte de l’apaisement. « Laurent Gbagbo a déjà relevé deux grands défis dans sa vie : il a apporté le multipartisme et sest battu pour la souveraineté de son pays, estime Pascal Affi N’guessan. Son dernier défi, cest la réconciliation nationale. Sil réussit, il naura plus rien à prouver. » En attendant, Gbagbo séjourne toujours dans le quartier VIP du centre pénitentiaire de la Cpi. « Quoi quon en dise, les circonstances nont pas changé, assure-t-on au bureau de la procureure. Nous navons pas plus de raisons de le remettre en liberté aujourdhui quhier! » Dans lentourage de Fatou Bensouda, on se dit confiant, même si lon reconnaît quil est difficile (mais pas impossible) de prouver limplication directe et personnelle de laccusé. « Certes, renchérit un membre dune Ong qui collabore avec la Cpi, ils ont des témoins à lintérieur du camp Gbagbo. Mais encore faudrait- il être sûr quils viendront témoigner. » Et que ferait Gbagbo sil était libéré ? « Cest un homme qui aime la foule, répond Albert Bourgi, un ami de trente ans. Il a la politique dans l’âme et je ne le vois pas vivant reclus dans une villa. Il sennuierait trop. » Ses proches, pourtant, limaginent déjà rejoignant Nady Bamba, sa seconde épouse, qui vit entre les Etats-Unis et Accra avec leur fils de 11 ans, mais rarement aux côtés de lancienne Première dame, Simone Gbagbo, toujours détenue à Odienné, dans le nord de la Côte dIvoire. Le gouvemement a renoncé à la transférer à La Haye, pas à la faire juger pour crimes économiques. Et si Gbagbo recouvrait la liberté, serait-il le même quen 2011? « La prison change les gens, confie Pascal Affi N’guessan. Mais, pas forcément en mal. Elle permet de revisiter son parcours, de dépasser certaines rancœurs et daller à lessentiel. Et puis la vengeance est une voie sans issue qui ne grandit personne. Gbagbo nest pas dans cette logique-là. Il ne veut pas régler ses comptes, il veut construire et ne fera rien qui puisse diviser les Ivoiriens. » Pour Gbagbo, Affi N’guessan imagine deux options. « Il peut sinstaller à Abidjan pour agir en faveur de la réconciliation ou se retirer dans son village de Mama pour écrire ses Mémoires. » Selon Justin Koné Katinan, « quil soit candidat ou quil aille au village, II dira: « Moi, jai pardonné, et je vous demande aussi de pardonner » . Politesses. Pourrait-il à nouveau être candidat ? Cest la question que tout le monde se pose. Affi N’guessan dit ne pas savoir ce quil en est et que cest à Gbagbo lui-même quil conviendrait de poser la question. Même réponse de la part de Koné Katinan, qui estime toutefois que « Gbagbo, cest la meilleure chance que le Fpi ait de gagner la présidentielle. Il fait lunanimité dans [les] rangs ». En tout cas, conclut un de ses fideles, « la politique, il y pense du soir au matin ». A Scheveningen, Gbagbo prend son mal en patience. Ses conditions de détention nont plus rien à voir avec celles quil a connues à Korhogo: la nourriture est convenable, et la cellule individuelle est bien équipée (un bureau, une télévision et un accès à internet, mais sans possibilité denvoyer de mails). Ses visiteurs assurent que le prisonnier est serein, que lui qui souffrait darthrose, de rhumatismes et de tension artérielle sest refait une santé, quil lit beaucoup et de tout (les journaux, mais aussi Virgile, Platon ou Abobo-la-Guerre, de Leslie Varenne, que lui a apporté un autre de ses amis, le socialiste Guy Labertit), et travaille darrache-pied à sa vie daprès. Du fond de sa cellule, il plaiderait aussi pour lapaisement. Sous le couvert de lanonymat, ceux qui ont pu le rencontrer affirment quil a fait passer sur le terrain des consignes de retenue et en veulent pour preuve la baisse du nombre des attaques dans les régions frontalières avec le Liberia (attaques attribuées aux pro-Gbagbo). Charles Taylor, qui occupait jusquà récemment la cellule voisine de lancien président ivoirien, nest plus là pour le distraire. Pendant des mois, le premier, nouvellement converti au judaïsme, et le second, évangélique fervent, ont eu soin déchanger quelques politesses - souvent brèves, Gbagbo nayant, au dire de ses proches, quune maîtrise relative de langlais... Tout cela a pris fin le 15 octobre quand lancien président libérien, condamné en appel pour crimes de guerre et crimes contre lhumanité, a été transféré vers la Grande­ Bretagne, où iI doit purger une peine de cinquante ans de prison. Pas sûr que Laurent Gbagbo y voie une raison despérer.
Posted on: Wed, 27 Nov 2013 18:49:25 +0000

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