La face noire de la mondialisation Crime 3.0 Le trading de haute - TopicsExpress



          

La face noire de la mondialisation Crime 3.0 Le trading de haute fréquence libère en toute impunité les tentatives les plus douteuses Alexandre Dumas, dans le Comte de Monte-Cristo, publié en 1844, mettait déjà en scène la manipulation d’un sémaphore permettant de ruiner le baron Danglars à la Bourse. En 2000, une fausse information venant d’un site inventé pour la circonstance, relayé sans vérification par Bloomberg, fait perdre plusieurs milliards de dollars de capitalisation boursière à Emulex, une des plus importantes entreprises de stockage de données informatiques. Récemment, le journal en ligne La Tribune vient de raconter une intéressante histoire de criminalité financière virtuelle. Selon le quotidien Internet, la société suédoise Fingerprints a connu son heure de gloire boursière le 11 octobre 2013, à la suite de la publication d’un faux communiqué de presse affirmant que le géant Samsung comptait s’offrir cette entreprise spécialisée dans la biométrique et notamment le contrôle des empreintes digitales, pour 650 millions de dollars. Les cours sont alors interrompus, une enquête diligentée. Mais l’information est fausse, comme le précise le patron de l’entreprise sur son site Internet. Le faux document avait pourtant été diffusé par une société suédoise de services en relations publiques ayant pignon sur rue qui indique avoir été victime d’une “fraude sophistiquée”. Une affaire du même type a déjà touché Google. Un faux communiqué affirmait que le groupe américain comptait acheter ICOA, spécialiste de l’installation de spots wi-fi. Plus récemment, les chinois Baidu et Zynga avaient eux aussi été victimes. Chaque fois les effets à la hausse ou à la baisse permettaient d’engranger d’importantes marges bénéficiaires dont les destinataires étaient souvent introuvables… Twitter a également annoncé froidement la mort de Bill Gates, et au fil des années, nombre d’opérations du même genre ont été montées. Un site Web s’est même spécialisé dans l’annonce de fausses morts incluant des articles de presse bidonnés. On peut trouver cela amusant ou de mauvais goût. Mais est-ce seulement un canular ? En fait, les principales opérations menées, notamment lorsqu’elles ne concernent pas des “people”, visaient la valeur boursière des entreprises sensibles et leur porosité à l’égard de la situation de leur fondateur. Microsoft, Apple et quelques autres ont leur sort plus connecté à la santé de leur(s) dirigeant(s) qu’à leur carnet de commandes ou leur production. Et derrière ces manipulations, de plus en plus sophistiquées, on trouve en général des organisations criminelles, fortement présentes à Wall Street comme à la City, au point même d’ouvrir de vrai/faux bureaux de trading boursier pour spéculer sur les marchés, en général à contre- courant, et s’ouvrir une exceptionnelle plus- value en surfant sur l’émotion du moment, la dérégulation, et le Trading Haute Fréquence qui maximise les gains en accélérant le temps de dénouement des opérations de Bourse. Le commissaire Jean-François Gayraud, auteur d’une remarquable étude sur ce sujet au Centre des Hautes Etudes du ministère de l’Intérieur (CHEMOI), le rappelait récemment lors de la conférence TAC/Interpol de Lyon : “A partir des années 1990, à bas bruit, le fonctionnement des marchés financiers a été profondément transformé par l’apparition du trading de haute fréquence, un mode de transaction algorithmique s’opérant à la nanoseconde. Cette nouvelle technique n’a pas constitué une simple évolution technologique mais plutôt une révolution radicale, désormais en pleine expansion.” Aux Etats-Unis, le trading de haute fréquence est utilisé de manière massive : à 56 % pour le marché des actions (equities) ; à 52 % pour le marché des contrats à terme (global futures) ; et 35 % pour le marché des devises étrangères (foreign exchange). On estime que 75 % des institutions financières et 95 % des traders utilisent des stratégies de trading algorithmique. Fort de leur furtivité, les traders savent développer des stratégies à la légalité incertaine. La vitesse d’exécution – conjuguée aux volumes traités – peut en effet libérer les tentations les plus douteuses. Jean-Pierre Jouyet, alors président de l’Autorité des marchés financiers (AMF), soulignait “que ce sont surtout les modalités pratiques de mise en œuvre de ces stratégies abusives qui ont sensiblement été modifiées par le recours au trading algorithmique et non les grands principes qui les sous-tendent et qui sont les mêmes que pour les abus de marché “classiques”, tels que l’asymétrie d’information, la diffusion de fausses informations ou l’abus de position dominante”. Le trading de haute fréquence repose sur une “course à l’information” qui constitue l’élément clef de tout délit d’initié. Sa version la plus courante sur les marchés est le front-running (littéralement : course en tête) qui consiste pour un opérateur ayant une connaissance privilégiée d’un ordre de Bourse, à passer juste avant un autre ordre de même nature afin de profiter de l’écart de cours créé postérieurement par l’ordre initial. Mais la dérégulation/fragmentation des marchés financiers fait qu’un même ordre peut être échangé au même moment sur des systèmes de cotation différents, en dehors donc du marché réglementé, à des prix distincts. Il existe de ce fait des possibilités nombreuses pour des opérateurs malhonnêtes de tirer avantage de ces opportunités d’arbitrages multiples, liées à la capacité pour les plus rapides de tirer profit des écarts de prix entre les plateformes. Le trading de haute fréquence produit de l’invisibilité quasi parfaite pour les fraudeurs et manipulateurs de cours de Bourse. Or l’invisibilité conduit à une impunité criminogène en ce sens qu’elle est une incitation permanente à la commission et à la répétition des fraudes et manipulations. Or le trading de haute fréquence produit de l’invisibilité à très haute dose, et ce par la combinaison de la vitesse et des volumes : (très grande) Vitesse x (très grand )Volume = Invisibilité Les traders criminels, ou agissant pour des organisations criminelles, sont protégés à la fois par leur furtivité et les volumes d’ordre produits : ainsi, les algorithmes fraudeurs agissent à l’abri du vaste “bruit” des marchés, leur “signal” délictuel se noyant dans ce chaos digital. Dans cette impunité “programmée” s’exprime, au-delà de la problématique des moyens technologiques et financiers, une question liée à la temporalité. D’un côté, le temps du régulateur forcément lent : celui des lois et de leur application. De l’autre, le temps des acteurs financiers et criminels devenu fulgurant : celui du profit et des très hautes technologies. Les temporalités financières et criminelles sont aux antipodes des temporalités démocratiques et répressives. Voici pourquoi le crime a déjà anticipé sur la prochaine révolution informatique. Il n’est plus 4G. Il est déjà 3.0 Par Alain Bauer le nouvel économiste
Posted on: Sat, 26 Oct 2013 19:24:29 +0000

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