Lettre ouverte dAnissa Aliji à destination des responsables - TopicsExpress



          

Lettre ouverte dAnissa Aliji à destination des responsables politiques, des associations et de la population. Je vous écris pour expliquer pourquoi jai commencé une grève de la faim. Depuis le début, je suis cette occupation, jai vécu les défaites successives, jai vu les Afghans pleurer, jai vu la frustration... Je pense pour que bien comprendre, il faut que je retourne en arrière. On a commencé par occuper un bâtiment à la rue du Trône, les Afghans ont commencé à manifester presque quotidiennement et le comité se formait. Et nous voilà dans la première rafle, fin septembre. Jai été arrêtée avec eux, jai vu les flics taper sur des afghans qui étaient inconscients à cause des lacrymogènes. Jai reçu du gaz lacrymogènes, je me suis ramassé des coups, jai vu les Afghans pleurer sans pouvoir rien faire, jai été avec eux aux casernes, jai vu la manière dont les flics se comportaient. La première confrontation à la violence policière, elle était dure. Pendant cette arrestation, les Afghans me disaient Adieu. Quand je suis rentrée dans les casernes, ils criaient tous Commandant . Et quest ce quon a fait ? Dites le moi. Moi jai la réponse: RIEN, à part 4 expulsés. Je suis désolée de le dire comme ça mais cest réel, ils jouent avec la vie des gens et nous on discute. Par la suite, on a eu lexpulsion illégale du bâtiment rue du Trône. La police est rentrée par le toit ! Quoi, on est des terroristes? Avons-nous a été une seule fois violents ? Quest-ce quon essaye de nous faire comprendre ? Est-ce quil y a eu de vraies négociations ? Ils ont proposé aux familles daller dans des centres de retour volontaire ! Après, on a été à la VUB, où on sest fait très vite virer. Les sympathisants ont alors hébergé les Afghans sans logement pendant 3 jours. Et nous avons été à léglise Sainte-Croix, 45 minutes après notre arrivée les flics ont bloqué les portes. Les Afghans étaient à lintérieur, seuls. Les flics ont dit à une sympathisante RAUSS. On est partis en cachette pour aller vers lULB. Arrivée à lULB, on a reçu un refus. Pour moi, cest rien dautre, ouvrir un bâtiment de 23h à 7h du matin pendant 3 jours, cest pour garder la face publiquement. Après on est repartis de lULB pour aller à la chaussée de Charleroi, où nous sommes restés 3 jours. Les flics ont à nouveau bloqué toutes les entrées. Les Afghans ont à nouveau eu peur, plusieurs ont pleuré. Les flics sont repartis mais on nous avait donné une échéance dapproximativement 24h car on avait mis la pression sur Charles Picqué. Le soir, jai vu Charles Picqué, qui ma gueulé dessus Il y aura une expulsion, je vous promets quelle sera violente si vous partez pas et ce sera vous la responsable!”. Le soir-même, on est partis à la rue du Trône. On sest enfermés dans le bâtiment pendant 5 jours pour éviter la confrontation avec la police. On a dormi devant la porte dentrée pour être sûrs que les policiers ne rentrent pas. Quand on a pu se montrer, laprès-midi on avait 2 combis de police qui empêchaient lentrée au bâtiment. Les Afghans étaient terrorisés, ils avaient peur des violences et des arrestations. Une petite gamine de 7 ans est venue me poser une question “Est-ce quon va encore se faire taper?”. Vous trouvez ça normal quà cet âge, elle pense à ça ? Jai réussi à négocier et les policiers sont repartis mais pas pour longtemps. Le comité a décidé de faire une action devant l’Office des étrangers, 5 personnes se sont fait arrêter et lors du rassemblement, 6 autres se sont fait arrêter. Depuis quand les policiers arrêtent les rassemblements devant le commissariat ? La seconde rafle a été lors de la manifestation à Madou quand il y avait un débat parlementaire. Ils ont expulsé du bâtiment, et fermé les portes. Par la suite, les gens ont pu rentrer un à un. Quand je suis rentrée une policière ma dit: “Ohhh cette salope je lai déjà arrêtée et puis jai entendu des flics parler de chiens en parlant des Afghans. Par la suite, jai rejoint les Afghans au carrefour Arts-Loi. Je suis arrivée au moment où le commissaire Vandersmissen a essayé darrêter Samir. Il est reparti en nous signifiant que dans 15 min si on nétait pas partis, on serait tous arrêtés. Deux minutes chrono plus tard, on se levait tous pour partir. Et hop une nouvelle rafle!! 170 personnes arrêtées, une commotion cérébrale, plusieurs blessés, et tout ça sans bâtiment. Tous les gens que je connais qui se sont fait arrêter, ont été traumatisés. Vous auriez dû voir la violence et la haine. Un homme du cabinet Di Rupo nous a vus nous faire arrêter, et quest-ce que ça a changé ? Pendant que les gens étaient aux casernes, les autres devaient trouver un autre bâtiment. Ils étaient avec les femmes et enfants dans un parc sous la pluie ! On a été à la rue Vandeuren dans un bâtiment du Foyer Ixellois. Le début sest très bien passé et on espérait même pouvoir y rester. Mais après les 24 premières heures, le foyer a commencé à dire que le bâtiment nétait pas aux normes, ce qui était faux. Ils nous ont coupé lélectricité, et le type qui est venu nous la couper nous a dit que cétait une nouvelle installation et quil ne comprenait pas pourquoi ils devaient la couper. Et encore une violence supplémentaire. On est partis pour aller à la rue de la Poste, où nous avons été bien accueillis. Nous avons pu nous reposer un peu jusquau moment où le propriétaire a voulu nous expulser et que la commune ne savait pas nous donner des solutions,... Maintenant, nous sommes à léglise du Béguinage, nous sommes arrivés avec des matelas et des couvertures. Au fur et à mesure, on nous a donné des tentes. Mais ce ne sont pas des conditions de vie. Pas un seul moment dintimité, pas de douche, 2 toilettes et 1 lavabo pour tous, le froid,.... cest comme ça quon traite les gens. Dun point de vue négociation, quest-ce quon a obtenu? Un rendez-vous chez le premier ministre qui a dit que Maggie De Bock faisait du bon boulot, deux rendez-vous chez Maggie De Block où elle nous a dit que la loi cest la loi ou que le CGRA est une instance indépendante,... Dites-moi une seule chose qui a vraiment changé et qui montre aux Afghans quon a un minimum de respect pour eux et quon les traite comme des humains et pas comme des animaux. Moi, ce que je vois, cest 3 afghans en grève de la faim au 127 bis et le directeur de loffice qui est passé...pour proposer un retour volontaire! Non seulement ça navait pas de sens mais on la carrément vécu comme de la provocation! Moi, ce que je vois cest que la situation sest gravement empirée et quon fait beaucoup moins quavant. Va-t-on laisser traiter des gens comme ça? Maintenant, moi jai décidé de dire STOP à toutes ces violences. On ne veut pas utiliser la violence contre autrui. Et le seul moyen que jai trouvé est de faire une grève de la faim car toute la violence quelle envoie se retourne contre moi. Et si je dois avoir des séquelles ou plus, je les assume parce que jai honte dêtre belge, davoir grandi dans une société qui permet ça. Ce nest pas un suicide, jutilise la seule chose qui mappartienne réellement, mon corps, ma santé... en gros ma vie. Et les Afghans mont donné une grande leçon de courage, après tout ce quils ont vécu, ils sont toujours présents! Anissa Aliji
Posted on: Wed, 04 Dec 2013 12:36:37 +0000

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