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Mise en place du sénat ÉCRIT PAR BOUREIMA OUEDRAOGO Taille de police Imprimer E-mail Ajouter un nouveau commentaire Un entêtement aux dessous inavouables Depuis quelques semaines, le gouvernement s’active pour la mise en place du Senat. Issue des propositions consensuelles du Conseil consultatif sur les réformes politiques (CCRP), la mise en place du Sénat divise la classe politique et l’opinion publique nationale. Elle sonne comme un anachronisme incompréhensible avec l’évolution des processus démocratiques en Afrique de l’Ouest mais aussi et surtout du contexte national de vie chère et de ploutocratie institutionnelle étouffante et inopérante. Cet entêtement et cet empressement du gouvernement semblent cacher des dessous inavouables couverts sous le vernis du renforcement de la démocratie. Mais plus que la création de nouvelles institutions de service, le renforcement de la démocratie commence par une volonté politique de respecter les principes élémentaires : séparation des pouvoirs avec son corollaire d’indépendance du législatif et du judiciaire, alternance à la tête de l’Etat, transparence et recevabilité dans la gestion du bien commun, égalité des citoyens en droits et en devoirs, etc. Sur ce terrain-là, le pouvoir Compaoré est terriblement absent. Une absence qui a fini par rendre suspecte toute initiative de réforme qu’il entreprend. Cette fois, la tension monte d’un cran et risque d’accélérer l’explosion. Dans notre édition N° 116 du 15 au 30 avril dernier, nous relevions que l’atmosphère politique se dégrade continuellement au pays des Hommes intègres. « Il faut sauver le soldat Blaise Compaoré», interpellions-nous ! Comme si des acteurs dans le cercle du pouvoir travaillent, consciemment ou inconsciemment contre le système Compaoré, les initiatives malheureuses se poursuivent et s’enchaînent dangereusement. C’est de plus en plus clair, ce pays n’est pas gouverné mais piloté à vue sur la base de politiques et pratiques aventuristes. Les observateurs avertis craignent l’implosion, attirent l’attention des gouvernants. Mais rien ne semble ébranler les fausses certitudes de quelques apprentis sorciers convaincus de maîtriser la situation ou faisant semblant de pouvoir le faire. Malheureusement, le seul maître à bord, le Président Compaoré, montre des signes inquiétants de fatigue et d’une perte progressive de la clairvoyance du fin stratège qui a fait tenir son régime pendant plus d’un quart de siècle. L’horizon semble progressivement se boucher. Le chef ne semble plus contrôler son monde. A moins qu’il ne tente le tout pour le tout. Dans cette aventure, certaines initiatives apparaissent comme des défiances brutales au bon sens et aux attentes citoyennes. Ainsi au front social en ébullition progressive avec les mouvements syndicaux et estudiantins vient s’ajouter un front politique explosif. La mise en place du Senat est de ces initiatives qui, à coup sûr, manquent de fondements solides dans le contexte actuel du processus démocratique du Burkina et de ses réalités sociopolitiques et économiques. Pire, elle semble cacher des non-dits et des calculs politiciens dont le pays n’a pas besoin en ce moment. Une aberration? Le ministre Bognessan Arsène Yé en charge des réformes politiques fait de la mise en place du Sénat son cheval de bataille Pressé par on ne sait quelle urgence, le pouvoir, fort sans doute de sa majorité à l’Assemblée nationale, a entrepris unilatéralement de mettre en place la deuxième chambre du Parlement dont il s’est arrosé le droit de nommer plus du tiers des membres (31 membres sur 91). En effet, le projet de loi organique portant organisation et fonctionnement du Parlement, en son article 7, prévoit « 31 sièges pourvus par voie de nomination du président du Faso ». Dans un contexte national où le président du Faso, semble de plus en plus être l’obstacle principal à l’ancrage de la démocratie, lui accorder le droit de nommer un tiers des membres du Sénat est simplement synonyme de lui donner les moyens légaux de conserver une mainmise sur le Parlement. Toute chose qui serait contradictoire à l’esprit de renforcement de la démocratie comme le prétend le gouvernement. En outre, les 39 membres représentant les collectivités territoriales (3 par région) qui doivent être élus au suffrage universel indirect (avec seulement les conseillers municipaux comme électeurs) émaneront sans doute majoritairement du parti présidentiel (le CDP) qui contrôle l’ensemble des conseils régionaux. Sur environ 18 000 conseillers municipaux, le CDP à lui seul compte plus de 12 000. Si l’on y ajoute ceux des partis de la mouvance présidentielle, il n’y a pas de doute que l’opposition a de forte chance d’être plus faiblement représentée au Senat qu’à l’Assemblée nationale. De même, sans vouloir renier la nécessité d’impliquer les collectivités territoriales dans le processus législatif, il apparaît clairement que le plus important pour celles-ci, à l’étape actuelle du processus démocratique et de la décentralisation, est surtout leur viabilité institutionnelle et économique pour être à la hauteur de leurs missions. En d’autres termes, les collectivités territoriales burkinabè peinent déjà à se constituer en communautés porteuses d’espoir de plus d’accès aux services publics de base et aux opportunités de réalisation d’un développement humain. Les citoyens des collectivités territoriales seraient plus heureux si les ressources prévues pour le fonctionnement du Sénat pouvaient être allouées aux communes et régions pour la mise en œuvre de politiques locales de développement. Leur implication au processus législatif ne changera rien ni dans la qualité du travail parlementaire, ni dans l’amélioration de la gouvernance locale. Ensuite, il y a les coutumiers et les religieux accusés à tort ou à raison d’avoir des accointances incestueuses avec le pouvoir qui seront représentés par 4 représentants de chaque côté. Certes, tous les coutumiers et religieux ne sont pas des politiciens ou des bras armés de quelques officines politiques. Toutefois, les attitudes constatées chez bien de ces leaders religieux et coutumiers incitent à douter de leur partialité et de leur attachement aux valeurs éthiques et morales de la gestion publique. La compromission de certains a dépassé le seuil du tolérable, décrédibilisant ainsi ces institutions morales qui devraient constituer le dernier recours pour le pays quand les institutions et les acteurs étatiques tombent en panne de crédibilité et de légitimité. En les envoyant au Sénat, il y a de fortes chances que ce soit définitivement le divorce entre ces institutions morales et les citoyens. Quid des syndicats et du patronat ? Ces structures représentent des quantités négligeables par rapport à la majorité des Burkinabè. Combien sont les Burkinabè qui travaillent et sont syndiqués ? Combien sont les membres du patronat? En quoi sont-ils représentatifs des masses paysannes, des jeunes, des chômeurs, des couches exclues de la compétition pour l’accès au bien-être, bref, tous les citoyens anonymes et marginalisés dans la gestion quotidienne de l’Etat? Et la diaspora ? Voilà un pays qui n’est même pas capable de faire participer sa diaspora aux scrutins nationaux et qui décide d’y trouver 5 représentants pour siéger au Sénat. Pour qui connaît le profil de la majorité des Burkinabè de l’étranger et les querelles qu’ils se livrent chaque fois qu’il s’agit de désigner des représentants pour quoi que ce soit, il n’y a pas de doute que l’élection des sénateurs fera l’objet de manipulations politiciennes parfois guidées depuis Ouagadougou Un entêtement qui cache malades dessous inavouables Comme on peut le constater, la composition de ce Sénat telle que prévue par le projet de loi, laisse entrevoir de très bonnes raisons de douter de sa crédibilité, de son indépendance et même de son utilité. Ensuite, par les modalités de leur désignation, c’est une aberration que l’exécutif puisse s’arroser le droit de nommer plus du tiers des membres d’une chambre du Parlement qui devrait pourtant être indépendant de lui. Comme l’a si bien relevé l’opposition parlementaire, que peut bien faire ce Sénat que ne peut pas faire l’Assemblée nationale actuelle. En parcourant le projet de loi, ainsi que l’exposé des motifs qui l’accompagnent, c’est vainement que l’on recherche la plus value du Sénat par rapport à l’Assemblée nationale. On notera aussi qu’au vu de sa configuration, il vient donner plus de moyens légaux au pouvoir en place de tripatouiller la Constitution à son aise. En effet, l’article 55, alinéa 2 du projet de loi organique portant organisation et fonctionnement du Parlement stipule que « le projet ou proposition de révision (de la Constitution) est adopté s’il est approuvé à la majorité des ¾ des membres du Parlement convoqué en congrès par le président du Faso ». Avec la majorité actuelle à l’Assemblée nationale et les conditions de désignation ou d’élection des sénateurs, il n’y a aucun doute que le pouvoir se donnera la majorité requise pour toute révision de la Constitution. C’est dire donc que le Sénat en voie de mise en place n’apportera pratiquement rien de plus en termes de renforcement de la démocratie. Bien au contraire! A cela, il faut ajouter les charges qu’engendre une telle institution sur le budget de l’Etat : 6 milliards de nos francs. Dans un pays où la pauvreté, sinon la misère devient la chose la mieux partagée pour la majorité des populations, cette initiative de réforme sonne comme un luxe qui s’écarte des préoccupations de survie des populations. Blaise Compaoré doit enfin voir la réalité en face et travailler à des réformes qui rassemblent au lieu de celles qui divisent Pour bien des analystes, la mise en place de ce Sénat est la manifestation concrète de l’insouciance des plus hautes autorités face à la misère ambiante et l’énormité des besoins et des attentes citoyennes en termes de bien-être individuel et collectif. Au regard de tous ces griefs, l’empressement et l’entêtement du gouvernement cacheraient mal des intentions ou des desseins inavoués selon l’opposition parlementaire (les deux groupes parlementaires ADJ et UPC) et une partie de l’opinion publique nationale. Pour ces opposants à la mise en place du Sénat, celle-ci vise ni plus ni moins que la révision de l’article 37 de la Constitution. Aussi des appels à la mobilisation ont-ils été lancés pour faire échec à cette initiative. En tout état de cause, la création du Sénat relève d’une logique des plus incompréhensibles des plus insensées en l’état actuel de notre processus démocratique et des ressources extrêmement limitées de l’Etat, surtout dans ce contexte de crise économique mondiale et de vie chère. D’autant plus que le problème de fond de la démocratie burkinabè, ce n’est pas sa pauvreté en institutions républicaines. Le problème est surtout la dépendance de toutes ces institutions des clans et réseaux qui tiennent le pouvoir exécutif. D’aucuns diront même que toutes les institutions sont au service d’individu, en l’occurrence, la personne du chef de l’Etat. Si le souci du gouvernement est la mise en œuvre des réformes consensuelles, il y a plus urgent que le Sénat. La bonne foi aurait commandé que l’on commence par ce qui constitue l’un des points fondamentaux pour le renforcement de la démocratie. L’on peut noter, entre autres, la réforme du Conseil constitutionnel pour renforcer son indépendance et le mode de désignation de ses membres et le verrouillage définitif de l’article 37 de la Constitution pour le préserver de toute modification ouvrant la voie au pouvoir à vie. Le pouvoir montrerait alors sa bonne foi et rassurerait du même coup les Burkinabè que le souci n’est pas d’instaurer un pouvoir personnel et à vie. Autant donc le dire ! En l’état actuel de la démocratie burkinabè, le processus parlementaire a plus besoin d’être consolidé par la qualité des hommes et des femmes qui siègent à l’Assemblée nationale. Déjà, celle-ci est perçue par bien des Burkinabè comme une caisse de résonance de l’exécutif. S’il faut y ajouter une autre caisse de résonance, il faut craindre que le divorce entre les institutions et les citoyens ne soit définitivement consommé, ouvrant la voie à toutes les dérives. La voie la plus sage serait de surseoir à cette initiative en révisant la Constitution pour restaurer l’Assemblée nationale comme la seule institution parlementaire et travailler à en faire un véritable pouvoir. L’existence du Sénat n’est nullement un indicateur d’avancée démocratique. La preuve en est que des pays comme le Ghana, connu pour l’enracinement du processus démocratique, n’en a pas. Mieux, dans ce pays voisin, près de 20% du budget de l’Etat sont directement dépensés par les collectivités locales à travers des investissements de proximité et d’intérêt public contre moins de 5% pour le Burkina. Les collectivités territoriales Burkinabè ont donc plus de besoins en termes d’augmentation des ressources allouées aux politiques locales de développement que de participation au processus législatif. Mais comme à ses habitudes, le pouvoir Compaoré botte en touche, préférant la profession de foi à la pratique concrète, les discours aux actes. Seulement, cette fois, il fonce droit dans le mur. Peut-être faudra-t-il l’y accompagner pour qu’on en finisse définitivement avec ces interminables jeux de cache-cache et ces marchés de dupes à travers des réformes politiques et institutionnelles taillées sur mesure. ============================================================== Que peut faire l’opposition? Zéphirin Diabré et l’opposition doivent se montrer plus créatifs et plus offensifs s’ils veulent se faire entendre Les débats sur le projet de loi organique portant organisation et fonctionnement du Parlement s’annoncent houleux à l’Assemblée nationale. C’est en principe le 21 mai prochain que les députés se pencheront sur ce projet de loi. Déjà, les députés de l’opposition (les groupes parlementaires ADJ -Alternance, démocratie et justice – et UPC – Union pour le progrès et le changement) ont annoncé les couleurs. Ils se battront contre l’adoption de ce projet de loi qui consacrera la mise en place du Sénat. Réunis en séance de concertation le 2 mai dernier à Kombissiri, les députés membres des 2 groupes parlementaires se sont accordés pour s’opposer à ce projet de loi. Leur position est soutenue par le chef de file de l’opposition, Zéphirin Diabré, et l’ensemble des partis affiliés. Mais que peut faire l’opposition contre la volonté d’un pouvoir exécutif qui dispose d’une majorité qui semble confiner son rôle à la défense du gouvernement? Certainement pas grand-chose, si c’est uniquement la voie parlementaire qu’elle a choisie pour défendre sa position. Il lui faut mobiliser d’autres acteurs et trouver d’autres formes de revendication et d’action. Par exemple, certaines organisations de la société civile ont déjà manifesté leur opposition à ce projet de loi. Le chef de file de l’opposition devrait pouvoir mobiliser tous ses acteurs. Pour une fois, l’opposition burkinabè a une opportunité historique de montrer de quoi elle est capable. Pour l’avenir du processus démocratique, il faut espérer qu’elle saura trouver les moyens et la stratégie de se faire enfin entendre. reporterbf.net/index.php/diagnostic/item/89-mise-en-place-du-senat
Posted on: Sat, 08 Jun 2013 18:59:33 +0000

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