Pousse avec eux : Par Hakim Laâlam Mon boss, Messaouda et moi - TopicsExpress



          

Pousse avec eux : Par Hakim Laâlam Mon boss, Messaouda et moi ! Après sa visite à Oum-El-Bouaghi, quelle est l’urgence pour Sellal ? Faire réparer sa voiture chez le tôlier ! Mais non ! Je n’y ai même pas pensé ! Je ne suis pas fou de penser des trucs pareils ! Et puis, pas la peine de fouiller dans mon ordi, vous n’y trouverez rien de compromettant. Moi, de toutes les façons, après cette histoire de caricaturiste placé sous contrôle judiciaire à Oran parce qu’on aurait retrouvé un dessin irrévérencieux envers Boutef’ dans le disque dur de son micro, je ne laisse plus rien traîner dans le mien ! D’ailleurs, c’est simple, je n’ai plus de micro ! Voilà ! Et puis, vous imaginez ? Il s’est fait balancer par son boss, son patron de journal. Mouchardé par son propre directeur pour un dessin qui n’a même pas été publié ! Où va-t-on ? Moi, maintenant, je me méfie. D’ailleurs, s’il pense que je n’ai pas remarqué son manège ! Eh oui ! J’ai bien vu depuis quelques jours que mon boss à moi n’arrête pas d’aller et venir entre son bureau et le mien. Il arrive au moment où je m’y attends le moins. Là, subitement, alors que je suis plongé dans l’écriture —sur du papier, et avec un crayon, s’il vous plaît — il se plante, debout, l’air de rien, sifflotant presque, dodelinant de la tête, tentant de voir, de déchiffrer par-dessus mon épaule, zyeutant à mort la feuille 21/27 pour y lire quelque écrit osé sur le Président. Moi, dès que je le vois arriver, dès qu’il franchit le seuil maintenant quotidiennement violé de mon bureau, je fais entrer en action Messaouda. Qui est Messaouda ? Ma gomme, voyons ! Ah ! Messaouda ! Une vraie de vraie de gomme. Pas de celles que vous achetez chez le buraliste du coin, non ! Pas de ces gommes chinoises malingres qui s’effritent dès le premier frottement avec la feuille ou qui laisse derrière elle la moitié des caractères qu’elle était supposée effacer. Ma Messaouda à moi, je l’ai découpée dans de la gomme de pneu ! Elle est énorme. Elle efface tout. Jusqu’à réduire ma feuille en bouillie. Allez ! Vas-y gros malin ! T’as beau être patron du Soir, mesurer près de deux mètres, tu ne pourras rien lire, parce que Messaouda a tout écrabouillé ! Bon, je vous l’accorde, c’est plutôt embêtant pour la remise à temps de ma chronique. C’est la sixième fois en une heure que mon directeur fait irruption dans mon antre, et donc que Messaouda fait son office. Je suis à la bourre ! J’ai bien tenté de me la jouer Mentaliste avec les collègues de la saisie du journal, de leur transmettre la chronique en pensée, par Bluetooth mental. Mais même là-bas, je soupçonne le directeur d’avoir des hommes à lui. Non, en fait, l’idéal, ça serait de changer de sujet. D’en finir avec l’irrévérence. D’arrêter de jouer avec les pieds de Abdekka. ça présenterait quelques avantages. ça ferait des vacances pour Messaouda. On a beau être une gomme à la dure, découpée dans un gros pneu de camion, on fatigue à passer ses journées et ses nuits à effacer des méchancetés de chroniqueur. Et puis, je pourrais enfin l’écrire. Ecrire quoi ? Mais l’écrire, cette foutue chronique sur les bleuets, les pensées et le vol léger d’une mésange qui tente de rejoindre ses petits dans le nid, en évitant la grosse bourrasque. Mais non, patron ! Je vous jure que ne je pensais pas à Boutef’ et à ses neveux en évoquant ici, innocemment, la mésange, les petits dans le nid, les pensées et les bleuets. Messaouuuuuuda ! Au secouuuuuuurs ! Y a encore du boulot pour toi, ma grande ! Je fume du thé et je reste éveillé, le cauchemar continue.
Posted on: Sat, 16 Nov 2013 17:12:32 +0000

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