Quand je suis particulièrement excité, comprendre : sous tension ou quelque chose du genre, je lui écris une lettre. Bien sûr, elle habite à quelques pâtés de maisons et je n’aurais qu’à prendre mon vélo ou le bus pour la retrouver et lui dire tout ce que je pense, mais je ne sais pas faire ce genre de choses. Mes parents m’ont diagnostiqué « sociopathe » et j’avais beau leur dire durant toute mon adolescence que ce n’était pas rien d’être sociopathe et que je ne me reconnaissais pas trop là-dedans, ils n’en avaient jamais démordu. Le médecin m’avait conseillé d’écrire des lettres, ce qui ferait baisser ma tension disait-il. Alors quand tout devient insupportable, quand le vent dehors n’est plus seulement le mouvement de masses chargées de gaz invisible, quand le chant des oiseaux n’est plus le bruit ordinaire et lointain des champs alentours, quand j’en viens à me questionner sérieusement sur la véritable nature du silence, je lui écris une lettre. Je lui écris une lettre dans laquelle je lui dis que je l’aime, que je ne sais pas comment lui dire tout ce que j’ai à l’intérieur de moi, mais qu’elle peut tout imaginer et que tout existe dès lors que ça la rend heureuse, parce que tout ce que je désire depuis que je l’ai rencontrée, c’est son bonheur. Je lui écris souvent : c’est ton bonheur – comme ça, je veux dire, en début de ligne et à la fin de tout. Puis j’envoie la lettre.
Posted on: Tue, 05 Nov 2013 09:51:16 +0000
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