RD Congo : Et maintenant gagner la paix Par Boniface MUSAVULI - TopicsExpress



          

RD Congo : Et maintenant gagner la paix Par Boniface MUSAVULI 4 Novembre 2013 12:55 Soldats congolais après une série de victoires contre le M23 -- Octobre 2013 En reprenant le contrôle de Bunagana, siège politique du M23, le 30 octobre, après avoir pris le contrôle de la base militaire de Rumangabo, deux jours auparavant, larmée nationale congolaise (les FARDC) met pratiquement un point final aux aventures politico-militaires du Rwanda et de lOuganda dans lEst de la République Démocratique du Congo. La tournure des évènements aura été facilitée par au moins deux facteurs. Le premier réside dans un profond travail de prise de conscience qui traverse toutes les couches de la nation congolaise, au pays comme dans la diaspora, depuis lhumiliation subie par la chute de Goma entre les mains du M23, le 20 novembre 2012. Les Congolais se sont collectivement critiqués et remis en question, surtout les militaires profondément blessés dans leur amour-propre. Depuis, fermement soutenus par la population, les soldats se battent avec une discipline, un calme et un professionnalisme (pas de bavure) dignes des « grands peuples » lorsquils décident de « se réveiller ». Le deuxième facteur réside dans le réalisme des dirigeants américains. Face à lampleur des souffrances infligées aux populations de lEst du Congo et labsence de perspective dans les rêves expansionnistes de Paul Kagamé (Rwanda) et Yoweri Museveni (Ouganda), les Etats-Unis semblent désormais miser sur les bénéfices dun Congo pacifié. Les menaces de sanctions contre les dirigeants rwandais, pour leur soutien au M23, portent là leurs premiers fruits. Le régime de Kigali semble avoir pris conscience des risques quil prend en défiant continuellement son « protecteur » américain. Mais pour les Congolais, le plus difficile commence. Car, comme on dit, les soldats gagnent la guerre, mais la paix est essentiellement laffaire des politiques. Trois défis, au moins, se présentent aux dirigeants congolais : le défi de la justice pour réhabiliter les victimes et en finir avec limpunité, le défi de la légitimité du pouvoir politique et le défi de la prospérité économique et sociale au profit des populations. La justice des vainqueurs ou la réconciliation nationale ? Il convient de rappeler que le M23 a été créé pour entraver larrestation du général Bosco Ntaganda, responsable de crimes de guerre et crimes contre lhumanité (massacres, assassinats, viols, enrôlement denfants,...) qui lui avaient valu dêtre recherché par la Cour Pénale Internationale. Les Congolais sont restés fermes et ont payé un lourd tribut dans ce difficile combat contre limpunité. Ils ont fini par le remporter. Le devoir de mémoire voudrait que ce sacrifice soit dédié aux victimes des groupes armés et serve de point de départ pour un Congo qui refuse toute forme de compromis avec limpunité. A ce titre, la découverte de deux fosses communes à Kibumba où, manifestement, le M23 exécutait ses victimes, y compris des enfants (on y a trouvé des ossements denfants) devrait rapidement donner lieu à une enquête internationale et la constitution dun dossier judiciaire. Par ailleurs, les dirigeants du M23, protégés au Rwanda et en Ouganda, devraient se faire signifier au plus vite quils ny aura pas dimpunité et quils devront répondre de leurs actes devant la justice. Nombreux figurent depuis longtemps sur les listes actualisées des personnes visées par les sanctions de lONU, de lUnion européenne et du gouvernement américain. Leur arrestation serait un message fort pouvant servir au titre de dissuasion pour les autres seigneurs de guerre encore actifs dans les maquis de lEst. Reste que le défi de la justice impose aux Congolais daller au-delà des membres du M23. Les violences contre la population ne datent pas de la création du M23 (avril 2012). Il faut avoir lhonnêteté de remonter au moins au déclenchement de la Première Guerre du Congo (1996). Le M23 est né du CNDP, qui, à son tour est né du RCD, lequel a été formé par les mécontents de lAFDL, dont une partie des dirigeants sont au cœur du régime actuel de Kinshasa dirigé par Joseph Kabila. Les six millions des morts du Congo et les 500 mille femmes violées ne sont pas de la seule responsabilité des dirigeants du M23. Pour aller loin, les Congolais doivent sarmer de courage et regarder leur difficile vérité historique en face pour ne pas tomber dans la facilité de la « justice des vainqueurs ». Celle-ci ne servirait quà alimenter le sentiment du deux poids deux mesures et des frustrations susceptibles de dégénérer en nouveaux conflits. Le Congo peut ainsi opter pour la « ligne dure », sur lexemple du Rwanda de Paul Kagamé, consistant à la traque systématique des suspects, avec les dérives quon connaît (fracture de la nation rwandaise, dictature,...), ou bien choisir ce quon peut appeler la « ligne Mandela » qui se lit dans lesprit de la Commission vérité et réconciliation. Les responsables des crimes les plus graves (actes de génocide, crimes contre lhumanité, crimes de guerre) sont effectivement traduits en justice. Les autres bénéficient dune certaine compréhension de la nation en échange de confessions publiques et du pardon pour réhabiliter les victimes dans leur dignité. Cest la ligne qui pourrait avoir les faveurs de la « communauté internationale » si on en croit Herman Cohen, lancien secrétaire dEtat américain aux affaires africaines. Plus important, le Congo gagnerait surtout en créant une institution nationale chargée dassurer le travail de mémoire et de prise en charge de ses millions de victimes. Il sagit déviter que les victimes daujourdhui, de « la guerre du coltan pour les téléphones portables », ne tombent dans loubli comme ce fut le cas des victimes du « caoutchouc rouge pour le pneu gonflable » à lépoque de Léopold II. Le Congo nest pas à labri dun nouveau cycle de massacres orchestré pour répondre aux besoins du marché international. La légitimité du pouvoir politique La tentation des dirigeants de Kinshasa, le Président Kabila en particulier, pourrait être daccaparer les bénéfices politiques des succès des FARDC. Ce serait une grossière erreur et le début dun climat politique exécrable à travers le pays. Ce serait réduire larmée nationale au rang de simple instrument politique au service dun seul homme, et non une institution dEtat ayant vocation à fonctionner au-dessus des contingences politiques. Une telle instrumentalisation de larmée avait servi Mobutu avant de lui être fatale. On fit la guerre contre l« armée de Mobutu » et non larmée du peuple congolais. Le Congo est assez grand pour ne plus être sous la coupe dun « homme fort ». Il a mieux à faire en consolidant des « institutions fortes », pour donner échos au discours de Barack Obama de juillet 2009 à Accra. Ces soldats congolais, qui viennent de restaurer la dignité dun peuple humilié, les dirigeants congolais shonoreraient en les laissant en dehors des calculs politiciens. Dautant plus quil reste énormément de travail à faire pour restaurer lautorité de lEtat sur lensemble du territoire national. Les dirigeants congolais doivent plutôt régler leurs problèmes de légitimité là où il réside effectivement. Il faut rappeler à ce titre que Joseph Kabila se maintient au pouvoir sur la base des résultats dune élection chaotique, celle de novembre 2011. Ce contentieux reste dans la tête des Congolais et les opérations militaires dans le Kivu ne changent rien à la conviction, pour une large partie des Congolais, quon leur a volé lélection de 2011. Par ailleurs, on ne sait toujours pas, avec certitude, si Joseph Kabila se présentera en 2016, en violation de la Constitution qui limite à deux le nombre des mandats présidentiels (articles 70 et 220). Le Secrétaire général de la majorité présidentielle, Aubin Minaku, a assuré que « Kabila partira après les prochaines élections ». Dont acte. Mais même sil sen allait, il reste des inquiétudes sur le risque de fraude, voire de violences en marge de prochaines élections. Les Congolais gardent de douloureux souvenirs des affrontements, par partisans interposés, entre Jean-Pierre Bemba et Joseph Kabila en 2006 et des affrontements, tout aussi violents, entre Etienne Tshisekedi et Joseph Kabila en 2011. Le dauphin que pourrait désigner Joseph Kabila pour sa succession, ne risque-t-il pas, lui aussi, davoir la main lourde en 2016 ? Toujours au sujet de la légitimité politique, il convient de rappeler lautre dossier litigieux. Le sénat actuel de la RDC est lémanation des élections provinciales de 2006. Selon le calendrier électoral publié en 2011, par le bureau sortant de la Ceni (Commission nationale électorale), les élections provinciales, locales, urbaines et municipales étaient prévues pour le 25 mars 2012. Elles sont repoussées en 2014, selon lAbbé Apollinaire Malu Malu, président de la Ceni. Ainsi le pays fonctionne-t-il avec des dirigeants (même les sénateurs) manifestement privés de légitimité politique, et pas seulement. Les graves difficultés dordre économique et social, auxquelles les Congolais sont confrontés au quotidien, aggravent considérablement le ressentiment autour de la question de la légitimité du pouvoir en place. Le défi de la prospérité économique et sociale Il faut toujours rappeler que la République Démocratique du Congo, en dépit de ses immenses richesses naturelles, est tout dernier au classement mondial de la pauvreté, selon le dernier rapport du PNUD[1]. Les richesses du pays sont absorbées dans des circuits opaques, nationaux ou étrangers[2], dont certains « connaisseurs » accumulent des richesses faramineuses pendant que la pauvreté fait des ravages dans limmense majorité de la population. Dans certaines régions du Congo, la pauvreté atteint jusquà 93 % de la population. Maintenant que le travail de conscience national semble marquer des progrès, il y a au moins deux chantiers qui devraient être pris à bras le corps : celui de lattractivité pour les investisseurs (créateurs de richesses), nationaux et étrangers (le Congo est 183ème sur 189 au classement Doing business/facilité à faire les affaires) et, plus difficile, celui des infrastructures (routes, écoles, hôpitaux, électricité, eau,...). Dans les « milieux occidentaux », il semble que des projets sont déjà dans les tuyaux. Ils pourraient être essentiellement orientés vers les régions de lEst du pays riches en gisements miniers. On parle dun plan Marshall. Il est critiquable, voire contestable. Mais sil finit par être posé sur la table, cest aux Congolais de savoir le recadrer en veillant, notamment, à ce quil ne participe pas de la fracture du pays entre régions de lEst et régions de lOuest, et surtout quil contribue de façon effective aux objectifs prédéfinis de prospérité pour la population. Tirer profit des atouts du développement durable Un autre enjeu de développement réside dans limmense potentiel hydroélectrique du pays qui verra émerger le plus grand barrage hydroélectrique du monde (Inga3) et devrait fournir assez délectricité (40.000 mégawatts) pour couvrir le tiers des besoins de lAfrique. Au potentiel hydroélectrique sajoute la riche forêt congolaise (deuxième poumon écologique du monde après la forêt amazonienne). Dans un monde où grandit langoisse autour de la pollution et du réchauffement climatique, le Congo a peut-être, une fois de plus[3], les meilleurs atouts pour négocier le tournant du siècle, celui du développement durable. Aux élites congolaises (politiques, intellectuels, leaders communautaires,...) den prendre conscience et den tirer le meilleur profit pour assurer la prospérité dun peuple trop longtemps martyrisé pour ses richesses naturelles. Une paix durable ne sera acquise que si, collectivement, les Congolais ont le sentiment de bénéficier correctement des richesses de leur pays. Boniface MUSAVULI
Posted on: Mon, 04 Nov 2013 13:32:18 +0000

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