Refus de la misère La routine effrayante du Service d’urgence - TopicsExpress



          

Refus de la misère La routine effrayante du Service d’urgence sociale à Mulhouse 17 octobre, Journée mondiale du refus de la misère. Dans les locaux de Surso, le Service d’urgence sociale de Mulhouse, c’est un jour misérable comme un autre… Franchir le seuil du Service d’urgence sociale de Mulhouse est une épreuve. Toujours plus de monde. « Entre 100 et 150 personnes chaque jour », indique la directrice du service, Anne-Marie Weibel. Comme les normes de sécurité n’admettent que 90 personnes dans les locaux, les gens sont invités parfois à prendre l’air. Heureusement, aujourd’hui, le temps est clément. À l’entrée, un travailleur social, submergé de demandes, gère le flux. Les visages des usagers traduisent la lassitude, pour ne pas dire l’épuisement. Malgré la misère des moyens dont ils disposent, les travailleurs sociaux sont à l’écoute, prodiguent leur bienveillance. Autour d’une table, des militants du collectif Urgence Welcome (créé l’année dernière pour venir en aide aux demandeurs d’asile à la rue), recueillent la parole des gens. Il doit y avoir une restitution collective de ces paroles d’exclus, l’après-midi même, place de la Réunion au centre-ville, à l’occasion de la Journée mondiale du refus de la misère. Denise, une bénévole d’Emmaüs m’interpelle, colère rentrée : « Ça ne peut plus durer, tous ces gens dehors ! Vous vous rendez compte ? 200 personnes. On doit quand même pouvoir trouver une solution ! Et ici, ce n’est pas une place pour des gamins… » Bébés sans domicile Depuis une semaine, les sanitaires de Surso sont en travaux pour l’installation d’une deuxième douche. Deux douches pour 150 usagers qui vivent à la rue, ce n’est pas un luxe. En attendant la fin des travaux, le service social de la Ville délivre des entrées à la piscine pour permettre aux gens de se laver. Dans le jargon social, ça s’appelle « les besoins primaires ». Se laver, manger, une question de survie. Même cela n’est plus possible. Comme les douches sont collectives, il faut trouver des maillots de bain. Mais il n’y a pas de maillots de bain à Emmaüs… Alors, il faut en acheter. Surso fournit aussi des dosettes de savon. Entre deux consultations sous pression, le Dr Alain Wendling, médecin psychiatre de permanence aujourd’hui à Surso, me tombe dessus : « Il faut créer d’urgence des places à l’hôpital. Je viens de voir une mère souffrante avec son bébé de deux mois, c’est une femme suicidaire qui a des antécédents psychiatriques, je ne sais pas quoi faire, où l’orienter, il n’y a pas de prise en charge… C’est ingérable ! Mais vous n’allez pas écrire tout ça… » Une jeune femme s’approche pour expliquer la situation d’une de ses compatriotes, arrivée à Mulhouse le 30 mai dernier. Zyrafete, d’origine albanaise, est là avec ses deux petits, Bleona, 3 ans, et Eris, 1 an. Son mari, qui souffre d’épilepsie, est en consultation à l’hôpital. Depuis qu’ils sont à Mulhouse, ils ont passé quasiment toutes les nuits dehors, dans les squares. Les enfants tombent souvent malades. Zyrafete a le regard vide, les traits tirés. Ses enfants sont pâles. Pas l’ombre d’un sourire. Leur mère est à bout. Il y a aussi deux autres couples avec leurs enfants, en provenance de Tirana, à Mulhouse depuis quinze jours. « On n’a jamais dormi à l’abri, pas de place au 115, même pas à l’hôtel. » Artur et Hane et leurs deux fils de 13 et 10 ans, Gentian et Silvan, et leur fille de 9 ans. « On se réfugie à la gare, mais à minuit, la police nous dit de sortir. » Bien sûr, les enfants ne vont pas à l’école. Ils n’y pensent même pas. « Le plus dur, c’est dormir dehors. » De la prison au 115 Un jeune homme veut encore apporter son témoignage. Il s’appelle G., il est âgé de 23 ans. Il est sorti de prison il y a une semaine, sans aucun accompagnement. G. a un métier (BEP de chauffagiste mais aussi trois ans chez les marins-pompiers de Marseille). Il a aussi la tête sur les épaules. « Si on me reprend chez les sapeurs-pompiers, je signe tout de suite, mais avec mon casier judiciaire j’ai peur que ça bloque… » Depuis qu’il est sorti, il doit faire quotidiennement le 115. « Tant que je n’ai pas un toit, ça sera difficile de trouver un travail. Je donne quoi comme adresse ? Comment je fais ? » Il vient de voir une assistante sociale qui lui a parlé d’un délai minimum de deux mois. « Je ne cherche pas un 115 m² dans la tour de l’Europe, juste un toit. Comment on peut se projeter quand on traîne son sac avec ses affaires ? Si j’ai un domicile, je peux me débrouiller, je trouverai un travail. » G. en veut à l’État de se retrouver dehors, sans aide. Midi, Surso va fermer ses portes. Elena, jeune femme enceinte de six mois, quitte les lieux avec son mari Marjus pour une nouvelle nuit d’errance… Hier, Journée mondiale de refus de la misère, le 115 a reçu 173 appels dits « sérieux ». Les 164 places d’hébergement d’urgence dans les différents foyers sont occupées, 128 personnes ont été orientées en hôtel. Le 115 n’a pas trouvé de solution pour 38 familles (121 personnes dont 45 enfants mineurs) et 18 « isolés ». « On a six mois de retard , indique-t-on dans le service, tous les gens qui sont arrivés après avril sont à la rue.»
Posted on: Fri, 18 Oct 2013 03:36:31 +0000

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