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Rédigé par Henry Buzy-Cazaux le Mardi 22 Octobre 2013 à 08:37 | Permalien | Commentaires (0) Immobilier La future loi Duflot est-elle anticonstitutionnelle? On sait que Cécile Duflot ne fait pas un tabac dans la communauté immobilière. Les figures de la profession, syndicales ou entrepreuneriales, nont pas de mots assez durs pour son projet de loi ALUR, parfois même pour elle: si lœuvre est criticable, cest que lauteur nest pas à la hauteur. Il faut dire que le coup est rude: oui, le législateur est en train de prendre la main sur le marché, quon parle de la fixation des prix ou des règles du jeu entre professionnels et clients, avec la volonté de protéger sinon de défendre les seconds contre les premiers. Le coup est doublement rude pour les organisations professionnelles, qui puisent leur légitimité dans leur capacité à infléchir le cours de lhistoire, et qui sen sentent aujourdhui quasi impuissantes. Pour moi, jai dit et je redis quelles nen peuvent mais. Trop tard. Quand le skieur a pris trop de carre, la chute est inévitable. On autorisera à lancien sponsor de la voile que je suis une autre métaphore: quand le bateau gite trop, le chavirage est inéluctable. En clair, il est des traitements quil aurait fallu administrer avant pour que le législateur ne sen mêle pas. Car la question est là: la profession au fond ne sindigne que dune chose, que sa liberté contractuelle soit malmenée. Quelle nait plus le droit de tarifer comme elle lentend, de fixer les loyers comme elle le croit pertinent, quelle ne puisse plus équilibrer comme elle veut les obligations des locataires et des propriétaires ou encore le fonctionnement pratique de la copropriété. Je suis daccord avec cette indignation. Je ne me distancie dune partie de la profession que pour une raison: je prétends quil y avait matière à vouloir réguler, quil y avait de mauvaises habitudes qui cohabitaient avec les bonnes et quon ne sen est pas assez soucié, quon a oublié et le client et sa solvabilité et ses attentes de service. Alors quand on reconnaît un problème, on na pas le cœur de hurler contre sa solution, fût-elle par définition discutable. Tenez, pour preuve que je massocie aux souffrances de la profession, je trouve incroyable quil faille que le législateur exige une formation continue pour les agents immobiliers et les administrateurs de biens. Comme président détablissement de formation, je pourrais me lécher les babines et me réjouir quon me crée un fonds de commerce. Sauf que, là encore, la question aurait dû être réglée par le corps professionnel lui-même. Le scénario a été bien différent: la profession, par un livre blanc solennel édité en 2009, a demandé à être contrainte. Voilà qui révèle combien elle a été inapte à simposer la formation, et croyez que je prends ma part de responsabilité: mes combats pour la formation immobilière ont un quart de siècle, et je ne suis pas fier quils se soldent par un armistice imposée par lEtat. Bref, le sujet est là : est-il admissible que lEtat se mêle de ce qui devrait être du ressort de linitiative privée des acteurs ? Cest cette réflexion de fond qui inspire à certains lidée de considérer la future loi Duflot comme anticonstitutionnelle. De quel droit Madame Duflot va-t-elle encadrer les loyers libres, qui ne le seront donc plus, les relations contractuelles, qui seront donc figées et sans souplesse, du bail-type à létat des lieux-type en passant par le mode de placement des fonds des copropriétés et le contrôle la liberté de ne plus louer un logement ou encore de vendre à la découpe un immeuble? De quel droit? A nen pas douter, tout cela nest pas catholique, disons conforme à la loi suprême, la Constitution. Et puis, si cela ne suffit pas, on pourrait invoquer le droit européen, qui garantit la liberté du commerce. Je comprends la tentation intellectuelle. Je comprends surtout que lénergie du désespoir conduise sur ce chemin: à des professionnels malheureux, il faut bien donner une raison despérer. Et puis cest une posture de lobbying: tout tenter toujours. Pour autant, je ne crois pas un instant que la démarche dattaquer en inconstitutionnalité la loi Duflot lorsquelle aura été promulguée puisse prospérer. Pourquoi? Juste parce que le logement nest pas une denrée comme une autre, et que cette conception prévaut en France et en Europe depuis laprès-guerre. Mettons de côté les circonstances directement relative à la guerre, comme la réquisition ou la loi de 48; au-delà de cette période précise de lHistoire, lEtat, quil fût de droite, de gauche ou du centre, a toujours eu sur le logement un regard particulier. Il na jamais livré le marché à lui-même. Le logement dans notre pays a toujours été administré. On la toujours tenu pour un service à part, condition de la dignité et simplement de la sociabilité, et à ce titre on a toujours posé des garde-fous, plus ou moins sévères, contre les seuls effets de marché. A ceux qui ont en tête que le juge constitutionnel pourrait désavouer le Parlement, et le Gouvernement derrière lui, je rappelle dailleurs que le décret de blocage des loyers franciliens est attaqué sans succès chaque année depuis sa première parution en 1989. Jai moi-même travaillé, lorsque jétais plus institutionnel que je ne le suis aujourdhui, à une dizaine de recours avec les avocats les plus prestigieux, en vain... Quant à lEurope, je ne sache pas quelle ait sanctionné lAllemagne et son dispositif de miroir des loyers, que nous sommes en train de transposer chez nous. Dailleurs, le logement nest pas à proprement parler une compétence communautaire. Je ne pense pas différemment pour la GUL : serait-il attaquable que lEtat tienne les assureurs privés à lécart de la construction du futur dispositif sils expriment la volonté dentrer dans le jeu ? Il faudrait que les assureurs prouvent quils auraient fait au moins aussi bien que la puissance publique, et ce ne serait pas facile. Je crois davantage au dialogue pour convaincre quà larme judiciaire, et si les assureurs me consultaient sur ce point, je ne les inclinerais pas à sengager dans cette bataille. Bref, je vois un gros risque dans la tentation politique du recours juridique, dont jentends quelle taraude les représentants professionnels : faire monter chez les professionnels, peut-être chez certains investisseurs -quon a beaucoup affolés- un espoir qui pourrait bien être sèchement déçu. Pour une raison majeure finalement: une loi est le fruit dune philosophie et de lair du temps, qui sajoutent lun à lautre. Les juges auront bien du mal à négliger la première et à sabstraire du second. Il en resterait alors une amertume majorée, le sentiment de la profession que tous les pouvoirs se liguent contre elle et le sentiment du public que la profession refuse les règles du jeu. Alors que ce texte peut être une occasion de réconciliation des professionnels avec lopinion, sils montrent quils comprennent combien le logement est précieux et sils se mettent plus résolument du côté du consommateur.
Posted on: Tue, 22 Oct 2013 21:05:51 +0000

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