Samedi 10 Aout 1895 – Samedi 10 Aout 2013 : 118 ans que Cheikh - TopicsExpress



          

Samedi 10 Aout 1895 – Samedi 10 Aout 2013 : 118 ans que Cheikh Ahmadou Bamba partait en Exil au Gabon, sacrifiant sa vie au nom de l’Islam Cheikh Ahmadou Bamba quitta le Sénégal en direction du Gabon un 18 Safar 1313 du calendrier musulman, coïncidant avec le Samedi 10 Août 1895 du calendrier grégorien. Une date pleine de sens pour les Musulmans en général, et les Mourides en particulier. Elle a été retenue par Cheikh Ahmadou Bamba, pour en faire une journée de louanges adressées à Dieu, pour lui remercier des grâces divines qu’il obtiendra à l’issue de la réussite de sa mission. Un siècle et 18 années ont passé, nous sommes encore un Samedi de 10 Août 2013. L’occasion nous est donnée donc de revisiter quelques péripéties de cet Exil, en publiant un Article d’Oumar Ba, ancien archiviste aux Archives nationales du Sénégal, et portant le titre de « Politique Française à l’égard de Ahmadou Bamba de 18886 jusqu’en 1903 ». Par ce geste, nous invitons encore toute la communauté islamique à mieux s’imprégner de l’œuvre de ce Saint Homme, qui, sacrifiant toute sa vie durant au nom de l’Islam, a élevé à jamais le statut de l’homme noir. Bonne Lecture ! Politique Française à l’égard de Ahmadou Bamba de 1886 jusqu’en 1903 Le Jeudi 5 Septembre 1895 à 9 heures sur la convocation du Gouverneur, le Conseil Privé s’est réuni dans la salle ordinaire de ses délibérations. Etaient présents : M. Mouttet, Gouverneur, Président. De Hersaint Gilly, Commissaire des colonies, chef du Service administratif ; Boyer, lieutenant-colonel, commandant supérieur des troupes par intérim ; Jurquet, directeur de l’intérieur par intérim ; Cnapelynck, procureur général par intérim ; Clarac, médecin principal, chef du service Santé. Hogaret, lieutenant de vaisseau, délégué du Commissaire de la Marine ; J. Béziat, conseiller privé titulaire ; Lombain, conseiller privé suppléant ; Superville, secrétaire archiviste. Après avoir examiné certain problèmes relatifs à la colonie, le Conseil approuve la décision des membres ci-dessus désignés d’exiler au Gabon le Marabout Ahmadou Bamba qui doit être embarqué le 21 Septembre 1895. Une pension de 50 francs par mois lui sera accordée durant son séjour au Gabon. (Procès-verbal no 1. Délibération no 16). Les Damels, les Teignes et les Bourbas avaient, après l’année 1886, relativement disparu de la scène politique par suite de la dislocation de la royauté et de l’aristocratie locales littéralement écrasées par les forces de la colonisation. L’apparition donc, en cette époque, sur la scène religieuse de Ahmadou Bamba dont l’influence était considérable et s’étendait au-delà des frontières du Baol, ne tarda pas de susciter de vives inquiétudes chez les autorités françaises qui avaient encore l’esprit les souvenirs des marabouts conquérants tels que El Hadji Omar, les Samory, les Mabadiakhou, etc. Par ailleurs la royauté et l’aristocratie sénégalaise éclipsée par les forces montantes de l’Islam et la renommée de ses prédicateurs, semblaient, au regard de l’administration locale, céder la place aux Sérignes dont Ahmadou Bamba incarnait le vrai symbole. D’autre part, la présence auprès du Sérigne des anciens amis et membres des familles Lat Dior, des Mabadiakhou, etc., dont certains s’étaient unis à sa famille par les liens du mariage, n’était certes pas de nature à apaiser les craintes d’une tutelle ayant toujours rencontré une résistance héroïque dans le pays. Aussi Ahmadou Bamba ne tarda-t-il pas à devenir l’objet d’une stricte surveillance. D’ailleurs, les craintes perpétuelles éprouvées par les pouvoirs administratifs de cette époque e à l’égard du marabout n’ont pas manqué d’être soulignées dans les rapports politiques adressés jusqu’en 1915 au Gouverneur du Sénégal par ses administrateurs. En effet, le 14 Mai 1903, l’Administrateur Vienne, commandant le cercle de Thiés, faisait, dans une lettre adressée au Gouverneur, la suggestion suivante à propos du Sérigne : « Je viens télégraphier à M. de Laurens pour lui demander d’inviter avec ménagement le marabout Ahmadou Bamba à venir conférer avec moi à Thiés. Je ne crois pas qu’il obéisse, mais dans le cas où il se présentait à la Résidence, peut-être pensez-vous qu’il serait d’une bonne politique que je vous l’envoie à Saint Louis d’où il ne devrait plus revenir ? » Après avoir insisté sur l’impérieuse nécessité de mettre Ahmadou Bamba à l’arrêt, mais hors du Baol, M. Vienne venait de reconnaitre : L’agitation que soulèverait dans le pays une pareille affaire causerait le plus grave des préjudices et ne manquerait pas de nuire à nos institutions déjà acceptées par la majorité des indigènes… » Mais le résident de Thiès ne s’arrêtait pas à ces simples suggestions nuancées de crainte ; il alla plus loin et déclarait le 27 mai 1903, à propos de la convocation du Sérigne à Saint-Louis : « Marabout Ahmadou Bamba fait savoir qu’il ne reconnait aucun Maitre que Dieu et refuse de se rendre à votre convocation. Je considère la situation comme particulièrement grave. En présence des échecs des chefs indigènes, j’ai donné l’ordre formel d’éviter toutes provocations et d’agir avec prudence. Etant donné l’influence de Ahmadou Bamba, je crains que le Résident du Baol ne puisse assurer l’ordre si le marabout reste longtemps dans la région. » Mais il faut noter que ces craintes n’étaient pas les soucis des seuls pouvoirs administrant. Les chefs coutumiers, jaloux du prestige du Sérigne et craignant de voir s’affaiblir leur autorité, les partageaient également. Ainsi le chef supérieur du Saloum occidental, écrivait, au commandant de cercle de sa région, toujours au sujet du Sérigne : « j’ai l’honneur de vous adresser la présente lettre ayant pour but de vous informer qu’il est de mon devoir de m’occuper de la police, de ce qui se passe dans ma province et de vous en rendre compte. Maintenant, j’ai remarqué que depuis ‘arrivée du grand marabout Sérigne Bamba dans le Baol occidental, il y’a certains marabouts qui vont et reviennent lui faire des visites. N’ayant pas confiance en ces gens qui vont et reviennent, je vous écris pour vous mettre au courant de la situation de mon pays ». Le 25 Avril 1903, un autre chef dont nous ne citerons pas le nom, s’adressait au Gouverneur Général sur ces termes : « J’attends vos ordres au sujet de Ahmadou Bamba, ne voulant pas agir directement ». Après avoir mis l’accent sur l’urgente nécessité pour lui de faire stopper le progrès de l’Islam, qui risquait de toucher « le sérère maniable et travailleur », il avouait : « D’après tout ce qui suit, vous pouvez constater que Ahmadou Bamba joue un rôle beaucoup plus important que moi, que son influence porte atteinte à mon pouvoir et à mon prestige. Quelques chefs de canton sont venus me rendre compte qu’ils ne sont plus écoutés par leurs administrés à cause de l’influence du Mouridisme qui règne dans leurs cantons. Vous comprenez donc bien il me sera difficile de diriger cette partie de ma province où je ne peux plus aller sans m’exposer à un nouvel affront et être abaissé comme je l’ai été ». Et le chef supérieur devait conclure : « Je vous serais donc reconnaissant d’examiner la situation dans laquelle je me trouve actuellement, car c’est le Gouvernement français qui m’a investi et à qui appartient le devoir de me soutenir ». On voit donc que toute la correspondance officielle de 1895 à 1903, relative au Mouridisme de Ahmadou Bamba n’a été que le reflet de la crainte éprouvée par les autorités et chefs traditionnels. Conséquence directe d’un état d’esprit conditionné par le souvenir des El Hadji Omar, des Samory et de bien d’autres prestigieuses figures de l’islam noir, la politique qui avait abouti à la déportation au Gabon, en 1895, de Ahmadou Bamba devait de nouveau le conduire en résidence obligatoire à Guet el Ma, en Mauritanie (1903). Le simple tort du Sérigne fut d’avoir créé un ordre religieux largement accepté par ses compatriotes, car original et purement africain sur le plan de l’islam universel et, partant, prélude à une prise de conscience nationale. Si les conjonctures de cette époque de pleine colonisation, faite de méfiance et d’incompréhensions, et la tentative des héroïques survivants des anciennes cours disloquées de trouver une consolation dans le fatalisme de l’Islam nécessitèrent des mesures injustes et spectaculaires à l’encontre du Sérigne, la postérité, elle, ne devait pas tarder à reconnaitre son immense mérite. Et aujourd’hui, au Sénégal comme dans tous les pays musulmans, son nom est prononcé avec vénération, non comme celui d’un vaillant capitaine, mais d’un saint homme doublé de fin lettré qui a consacré toute sa vie de dévolution au service de Dieu et de son Prophète. Oumar Ba, « Ahmadou Bamba face aux autorités coloniales (1889-1927) », p22 , 23 et 24.
Posted on: Sat, 10 Aug 2013 20:50:54 +0000

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