Un poème de mon génie de fils Aurélien Un pont d’érable - TopicsExpress



          

Un poème de mon génie de fils Aurélien Un pont d’érable vert Nous n’avions pas encore l’expérience requise Ni les veines gonflées pour saigner dans la vie ; L’aventure partout, telle une terre promise, S’offrait à nos regards dévorés par l’envie. Nous nous réunissions le dimanche matin Ou bien le mercredi quand il pleuvait très fort, En ce temps nous n’étions qu’une bande de gamins : Des apprentis de l’être en quête de mauvais sorts. Nous cachions nos sandales pour courir pieds nus Parmi les hautes herbes de la voie ferrée Qui croisait l’aérien de nos tendres battues En une intersection d’Eden et de plaies. Souvent on s’amusait à jeter des cailloux A l’abri des regards sur les trains qui passaient. Ensemble on préférait s’écorcher les genoux Plutôt que de choyer nos pantalons épais. Alors nous empruntions ce pont d’érable vert Qui enjambait le fleuve de nos contradictions, Sur des planches fendues nous marchions à l’envers Pour ne pas effrayer notre destination. Chaque brin de lumière, chaque halo de prairie Suspendait à nos cils l’apparence du Monde. Nous éludions nos peines en accusant la pluie Quand coulaient sur nos joues quelques larmes fécondes. D’un buisson dégarni nous faisions un maquis, D’une flaque de boue un profond marécage. On sculptait des couteaux car nous avions appris Que comme le pain frais les rêves se partagent. Nous traversions parfois le jardin du pasteur Parce qu’il entretenait de jolis framboisiers, Sereins nous nous gavions car on connaissait l’heure Où le valet du ciel mentait aux ouvriers. Je me souviens aussi de cette vieille nappe Qui seule, se balançait sur un fil de fer, Découpée par nos soins pour transformer en capes Ce triste bout d’étoffe aux couleurs printanières. Ainsi grimés d’orgueil de paix et de justice, L’air déterminé, nous scrutions l’horizon, En attendant, les mains sur nos colts factices, La charge imminente d’un troupeau de bisons. Nous pouvions tour à tour traquer le dinosaure, Endosser le costume de vulgaires hors-la-loi, Nous muer en pirates pour une chasse au trésor Ou bien s’improviser mousquetaires du roi… La Nature n’était pas qu’un grand terrain de jeu Mais l’écrin vallonné des naissantes passions, Si d’une fille du village l’un tombait amoureux, Nous tenions des colloques sur la reproduction. Assis au pied d’un arbre ou sur un rocher plat En fixant les nuages nous discutions des heures, Alternant les sanglots et les rires aux éclats, Ivres de poésie nous échangions nos cœurs. Le crépuscule venait toujours un peu trop tôt Et c’est la tête basse et la mine sévère, Avançant côte à côte sans prononcer un mot Que nous réempruntions ce pont d’érable vert.
Posted on: Sun, 07 Jul 2013 15:00:30 +0000

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