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• ÉLYSÉE MEDIAPART - Le problème, c’est aussi François Hollande 14 novembre 2013 | Par Lénaïg Bredoux En dix-huit mois, le président de la République n’a pas seulement réussi à coaliser contre lui des fronts très divers et à dérouter des pans entiers de sa majorité. Même sa garde rapprochée est désormais gagnée par l’inquiétude. A quel moment un quinquennat bascule-t-il ? Nul ne le sait par avance. Mais quand le doute s’installe, y compris chez les plus proches, c’est sans doute le signe d’un délitement dont nul ne sait non plus ce qu’il produira. En dix-huit mois, François Hollande n’a pas seulement réussi à coaliser contre lui des fronts très divers et à dérouter des pans entiers de sa majorité. Même sa garde rapprochée, ses visiteurs discrets et ses conseillers sont désormais gagnés par l’inquiétude. Eux qui se gardaient jusque-là de tout commentaire acerbe le disent du bout des lèvres, en espérant se tromper, sous le coup d’une exaspération parfois passagère. Une question les taraude : et si, au bout du bout, c’était lui le problème ? Lui, François Hollande. Et si celui qu’ils ont soutenu avec tant d’ardeur n’était pas à la hauteur ? Une sorte de « syndrome de Peter », qui veut que, dans son ascension, on finisse par atteindre le point de son incompétence et de ses limites personnelles. Un ministre raconte, embarrassé, qu’il n’y comprend plus rien. Que, bien sûr, il savait que la ligne politique de François Hollande tendait plus vers le centre que vers le Front de gauche. Que son appétit pour la synthèse tactique trouverait ses limites à la tête de l’État. Mais il estimait ses qualités – l’habileté, l’écoute, la capacité d’apaisement, le sens politique. Là, dit-il, il ne reconnaît plus ce François Hollande-là. Ils sont plusieurs au gouvernement, parmi ceux qui l’apprécient, à se demander si un syndrome mystérieux ne s’est pas emparé de lui. « Il a pété un câble », jure lun de ses proches. « Certains disent qu’il a vrillé », rapporte un conseiller. En petit comité, même le premier ministre Jean-Marc Ayrault aurait fini par lâcher : « S’il continue comme ça, il va finir à 2 %. » Depuis plusieurs mois, les témoignages de conseillers (soumis à un devoir d’anonymat par leur fonction) s’accumulent aussi, fatigués de l’organisation du président de la République qui omet de les avertir quand il rend un arbitrage. Quand il participe à l’émission Capital sur M6, en juin dernier, François Hollande annonce un abattement exceptionnel sur les plus-values de cessions immobilières. Mais il n’a prévenu ni son conseiller logement, ni celui de Matignon, ni le ministère concerné, qui découvrent l’annonce faite par le chef de l’État à la télévision. « Hollande considère que son cabinet ne sert à rien », croit savoir un collaborateur, qui jure que le chef de l’État envoie plus de SMS aux ministres qu’à ses propres conseillers. Claude Bartolone avait subi le même sort, au sortir de l’affaire Cahuzac, et découvert sur le petit écran les propositions du président de la République. Le président de l’Assemblée nationale avait été reçu à Matignon par Jean-Marc Ayrault, il avait plaidé sa cause et croyait avoir été entendu. Alors, quand il a regardé le président de la République imposer la transparence du patrimoine des députés, « (sa) mâchoire a failli se décrocher », raconte-t-il des mois après. « François Hollande est le plus convivial mais aussi le plus solitaire. C’est même le plus grand solitaire de la République. Cela complique les choses », dit encore « Barto ». Ces derniers temps, même ses partisans ne comprennent plus très bien ce que le président veut faire. Depuis plusieurs mois, certains ministres comme Bernard Cazeneuve ou Stéphane Le Foll répètent quil faut mieux « expliquer » et/ou « assumer » la politique conduite. Mais quand François Hollande promet une « pause fiscale », son budget prévoit une hausse des impôts ; quand il plaide pour un « choc de simplification », qui doit raccourcir les procédures administratives, il demande au même moment d’accélérer le calendrier parlementaire où les lois, les unes après les autres, ajoutent de la norme à la norme. Lors d’une réunion à l’Élysée, en présence de plusieurs ministres, alors que Christiane Taubira présente les mesures de « simplification » que son ministère a préparées, François Hollande lance, laissant coi son auditoire : « Mais ce n’est pas la question… Ce qu’il faut, c’est pouvoir divorcer en 24 heures. » « Il est à l’ouest », dit un conseiller. Certains visiteurs ont eu la même impression au plus fort de l’affaire Leonarda Dibrani. Ceux-là témoignent d’un « discours confus » du président de la République, ne comprenant pas la colère suscitée par l’expulsion de la collégienne au beau milieu d’une sortie scolaire, justifiant Valls sans l’appuyer sur le fond, évoquant les sondages tout en les remettant en cause. Et quand ses proches à l’Élysée lui ont déconseillé d’intervenir à la télévision, François Hollande n’en a eu que faire. Avec le résultat que l’on sait. « C’est comme si l’appareil d’État se rentrait dedans toute la journée, s’emmêlait les jambes et finissait donc par tomber », dit un conseiller hollando-compatible désabusé. Le retour des vieux reproches L’amertume est parfois si grande que ceux qui l’adulaient finissent parfois par décrire un autre homme que celui qu’ils ont “vendu” pendant des années. Celui d’un responsable politique dépassé, coupé de la réalité, voire sous influence des « puissants ». « C’est le plus intelligent de tous. Mais il a son égo et il est complètement obsédé par le fait d’être populaire. Alors il est toujours le copain des gens populaires pour rester dans le sillage des puissants », dit un de ses soutiens de longue date. Le “Hollande bashing” est contagieux. À tel point que revient dans les discussions le vieux reproche adressé à François Hollande par ses meilleurs ennemis au parti socialiste, selon lequel il « ne travaille pas ». Ou pas assez. À Bruxelles, le président du conseil Herman Van Rompuy s’est parfois étonné des maigres prises de parole du président français devant ses pairs. Des conseillers, français ou européens, ont à plusieurs reprises regretté que François Hollande ne mène pas plus frontalement la bataille face à Angela Merkel, donnant l’impression de s’occuper davantage de sa conférence de presse, devant « ses » journalistes (la presse française), que des dossiers européens. Une accusation que rejettent les plus proches, encore convaincus que c’est le signe de l’incompréhension de la méthode de leur patron et de sa façon de n’avoir jamais l’air d’y toucher. Bien sûr, tout cela pourrait n’être qu’anecdotes. La politique ne se limite pas aux individus qui l’incarnent et il faut se garder des analyses par trop psychologisantes en ce qu’elles sont dépolitisantes et superficielles. Il n’empêche : la Ve République fait du président de la République, et donc de sa personne, un rouage crucial des institutions. À leur manière, les chefs de l’État qui se sont succédé l’ont parfois démontré, à l’instar d’un Nicolas Sarkozy dont la personnalité a contribué à accentuer l’hystérie de ses discours. Et ce sont surtout les failles profondes de cette architecture institutionnelle que révèlent les doutes des proches du chef de l’État. Celle d’un président prisonnier de sa superbe solitude, coupé de la réalité de la société, et celle de la dérive personnelle d’un système politique. Candidat en campagne, François Hollande racontait qu’il se souvenait avec suffisamment d’acuité de ses années de conseiller à l’Élysée puis du traumatisme de 2002 pour ne pas reproduire les erreurs de ses aînés. Plusieurs de ses proches jurent qu’il a récemment pris la mesure de ses failles. Des amis sont venus lui proposer de l’aide, le président a accepté. Un conseiller acerbe dit : « C’est déjà ça. »
Posted on: Sat, 16 Nov 2013 20:48:19 +0000

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