Cela devient cher d’être pauvre ! - Eh oui, M’sieur Martin, - TopicsExpress



          

Cela devient cher d’être pauvre ! - Eh oui, M’sieur Martin, c’est la vie ! Qu’est-ce que j’vous sers ? Si le Social Business, entre les mains aujourd’hui d’une confrérie de prédateurs cyniques, n’était pas un danger aussi grand pour notre société, pour les pauvres et les êtres humains en voie de paupérisation, on serait tenté de rigoler devant le titre du dernier ouvrage de l’ancien Président d’Emmaüs, ancien Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté dans le gouvernement Fillon, ancien créateur de l’ignoble statut OACAS des communautés de l’abbé Pierre, et aujourd’hui, en attendant mieux, Président de l’Agence du service civique et co-Président du “think tank” Entreprise et Pauvreté. Mais, hélas, il faut garder tout son sérieux pour analyser avec lucidité le phénomène dont l’entreprise de Martin Hirsch n’est qu’un symptôme médiatisé parmi les plus visibles. En effet, de quoi est-il question dans ce livre, qui recopie les idées (déjà bien datées) du think tank Entreprise et Pauvreté ? Que cherche-t-il encore à nous vendre, cet ancien énarque qui prétend avoir pour vocation la lutte contre la pauvreté, alors qu’elle n’est de toute évidence qu’une étape comme une autre dans son plan de carrière ? Car la carrière, chez Martin Hirsch, c’est sacré ! L’engagement dans une grande cause où l’on fait fructifier ses propres intérêts, grâce à laquelle on peut gravir les échelons du Pouvoir, il n’y a rien de plus beau au monde, comme son père le lui écrivait dans cette fameuse lettre envolée à la fin du quinquennat Sarkozy, et dont il fit un livre inspiré du divan (La lettre perdue, Stock, 2012). Les « produits » de Martin Hirsch et de ses associés (1) sont de deux types qui se rejoignent pour créer un secteur commercial dynamique et pseudo « innovant » : 1• On pense, on théorise à la louche, on fait des statistiques de masse sur les besoins supposés des pauvres, on expérimente quelques solutions homéopathiques à grands coups de marketing viral, et on vend des plans de lutte contre la pauvreté, des conseils, des stratégies, des publications, des conférences nationales et internationales sur cette lourde activité cérébrale et bureaucratique coupée de toute réalité politique, en acceptant au passage quelques subventions déguisées de l’État – collectionneur de rapports, d’études, de synthèses, etc. – et bien sûr des décorations et des récompenses du néo-libéralisme travesti dans le solidaire. 2• On s’attaque ponctuellement à quelques secteurs sensibles – l’alimentation, avec le « Programme Malin » le bien nommé, les communications, avec la « Téléphonie Solidaire », la mobilité, avec « Renault Mobiliz Garage Solidaire », la santé, mais seulement des yeux pour l’instant, avec « Optique Solidaire », le logement, avec de tristes constats de comptoir, des “observations” et de pâles expériences bricolées ici ou là pour dire qu’on essaie de faire quelque chose là où l’on ne peut rien faire sans volonté politique, et enfin le Graal du pauvre, selon l’idéologie dominante : l’insertion à la petite semaine, c’est-à-dire, la mise à disposition d’une main d’œuvre nécessiteuse étudiée, exploitée et sous-payée (comme chez Emmaüs), à des employeurs partenaires, autoproclamés « solidaires ». La petite boutique du “tank” Entreprise et Pauvreté, comme celle de PlaNet Finance du très libéral Attali, ou comme d’autres de la même engeance dont l’économiste Esther Duflo assure la propagande de façon magistrale, fonctionne bien, très bien. Elle a réussi en trois ans à prendre toute sa place dans « le marché du pauvre », où il s’agit de mettre sous tutelle et de canaliser vers des marchands partenaires les quelques deniers insaisissables des aides diverses accordées à ces pauvres et de leurs allocations légitimes (logement, vieillesse, handicap, RSA, etc.). C’est le principe du BOP (Bottom of the Pyramid), concept infect théorisé par l’économiste américano-indien, feu C.K. Prahalad : moins de bénéfices et de marges sur chaque produit vendu, mais beaucoup plus de clients que l’on tond un peu moins, dans un marché exponentiel qui n’a aucune raison de se rétracter ; on y veille. Ce que l’on ne peut plus taxer chez les riches ou les classes moyennes à bout de souffle, il faut le draguer chez les pauvres dont les besoins vitaux sont incompressibles : alimentation, communication, mobilité, santé, logement, travail… Et nous retrouvons ici tous les points abordés par Martin Hirsch dans son livre, comme par ses associés dans leur “tank” d’une guerre qui n’est encore et toujours que commerciale. Martin Hirsch, comme tant d’autres acteurs du Social Business, affirme apporter des « solutions innovantes », mais c’est faux. Il ne lutte pas contre la pauvreté, il la prend en otage, il la canalise vers ses partenaires, trop heureux de faire quelques jolis profits tout en s’offrant une image charitable, solidaire. Pour avoir droit à ses fameuses opportunités calibrées de la consommation au rabais, version Martin Hirsch, il faut accepter d’être mis à nu, mis en fiches, accepter d’être un cas de pauvreté avéré, étudié par des experts sous toutes les coutures, puis validé par des ONG spécialisées, des acteurs estampillés de la loufoque galaxie de l’« économie solidaire » ou des services sociaux accrédités. Quid du pauvre extrême comme moi, qui refuse ce système d’encartage forcé et d’assistanat intrusif qui le prive de son autonomie et de sa Liberté ? Pour avoir une carte prépayée SFR, il faut la retirer avec ses tristes justificatifs dans l’une des boutiques de Emmaüs Défi… Pourquoi conduire les pauvres vers cette structure, cette entreprise florissante, plutôt que vers les concessionnaires habituels de la téléphonie, ou même vers la Poste ou les bureaux de tabac ? Pour se déplacer, il faut obligatoirement choisir Renault et ses vieilles Twingo dont personne ne veut ! Pour avoir accès à une meilleure vue, il faut se rendre – toujours avec sa brouette de justificatifs – dans des magasins partenaires où Essilor et ses opticiens font à longueur d’année des profits énormes, avec des marges gigantesques ; mais attention, vous devez y aller « en dehors des heures de pointe », comme Entreprise et Pauvreté le demande à ses pauvres, des fois que leur odeur – à l’instar de l’incident au Musée d’Orsay (2) – incommoderait les clients traditionnels ! Etc. Le Social Business est une manœuvre cynique qui n’a aujourd’hui rien de “social”, et qui permet aux riches, ayant choisi cette option abusivement dite « solidaire », de s’enrichir davantage sur le dos des plus pauvres. C’est fin 2008, alors que la misère s’affirmait durable en Europe, que HEC (École des Hautes Études Commerciales) inaugura comme par hasard sa chaire : « Social business, entreprises et pauvreté », avec pour objectif, par l’entremise de “tanks” amis et d’associations structurées sur mesure, d’aider les décideurs et les grands patrons à développer ce juteux “business model”. Inutile de le dire : c’est à l’initiative de cette chaire HEC, de ce « laboratoire d’expérimentations sociales », que la boîte Entreprise et Pauvreté fut créée, en 2010, en tout opportunisme… Alors oui, M’sieur Martin, ça devient cher d’être un pauvre manipulé par des structures douteuses comme la vôtre, qui sont en fait un produit déguisé du néo-libéralisme et du capitalisme financier cherchant à nous vendre des packages de fausses solutions aux problèmes qu’ils ont engendrés et à la misère qu’ils produisent chaque jour dans le monde. Je suis sûr que si l’on vous parachutait à Lampedusa, au lieu de lutter contre les causes politiques de l’exode et de la misère, vous trouveriez le moyen de vendre aux survivants des couvertures chauffantes de la filière textile d’Emmaüs, des paniers de yoghourts périmés Danone, des GPS d’occasion de sous-traitants Schneider, des flacons à prix brisés de chez L’Oréal pour sentir meilleur. Vous seriez un ambassadeur impayable et un grand secouriste de ce triste monde ! Et ça, ça mériterait bien une dernière médaille de tartuffe pour la route… - Allez, c’est ma tournée ! Christophe LECLAIRE
Posted on: Fri, 18 Oct 2013 10:48:07 +0000

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