Discours d’orientation politique 2 octobre 1983 Président - TopicsExpress



          

Discours d’orientation politique 2 octobre 1983 Président Thomas SANKARA Acte 3 Le caractère et la portée de la révolution d’août Les révolutions qui surviennent de par le monde ne se ressemblent point. Chaque révolution apporte son originalité qui la distingue des autres. Notre révolution, la révolution d’août, n’échappe pas à cette constatation. Elle tient compte des particularités de notre pays, de son degré de développement et d’assujettissement au système capitaliste impérialiste mondial. Notre révolution est une révolution qui se déroule dans un pays agricole arriéré, où le poids des traditions et de l’idéologie sécrétées par une organisation sociale de type féodal, pèse énormément sur les masses populaires. Elle est une révolution dans un pays qui, à cause de la domination et de l’exploitation que l’impérialisme exerce sur notre peuple, a évolué de la situation de colonie qu’était ce pays, à celle de néo-coloniale. Elle est une révolution qui se produit dans un pays caractérisé encore par l’inexistence d’une classe ouvrière consciente de sa mission historique et organisée et par conséquent, ne possédant aucune tradition de lutte révolutionnaire. C’est une révolution qui se produit dans un petit pays continental, au moment où, sur le plan international, le mouvement révolutionnaire s’effrite de jour en jour sans l’espoir visible de voir se constituer un bloc homogène à même d’impulser et de soutenir pratiquement les mouvements révolutionnaires naissants. Cet ensemble de circonstances historiques, géographiques et sociologiques donne une certaine empreinte singulière à notre révolution. La révolution d’août est une révolution qui présente un double caractère : elle est une révolution démocratique et populaire. Elle a pour tâches primordiales la liquidation de la domination et de l’exploitation impérialistes, l’épuration de la campagne de toutes les entraves sociales, économiques et culturelles qui la maintiennent dans un état d’arriération. De là découle son caractère démocratique. De ce que les masses populaires voltaïques sont partie prenante à part entière dans cette révolution et se mobilisent conséquemment autour de mots d’ordre démocratiques et révolutionnaires qui traduisent dans les faits leurs intérêts propres opposés à ceux des classes réactionnaires alliées à l’impérialisme, elle tire son caractère populaire. Ce caractère populaire de la révolution d’août réside aussi dans le fait qu’en lieu et place de l’ancienne machine d’État s’édifie une nouvelle machine à même de garantir l’exercice démocratique du pouvoir par le peuple et pour le peuple. Notre révolution présente, ainsi caractérisée, tout en étant une révolution anti-impérialiste, s’effectue encore dans le cadre des limites du régime économique et social bourgeois. En procédant à l’analyse des classes sociales de la société voltaïque, nous avons soutenu l’idée selon laquelle la bourgeoisie voltaïque ne constitue pas une seule masse homogène réactionnaire et anti-révolutionnaire. En effet, ce qui caractérise la bourgeoisie des pays sous-développés sous le rapport capitaliste, c’est leur incapacité congénitale de révolutionner la société à l’instar de la bourgeoisie des pays européens des années 1780, c’est-à-dire à l’époque où celle-ci constituait encore une classe ascendante. Tels sont les caractères et les limites de la présente révolution déclenchée en Haute-Volta depuis le 4 août 1983. En avoir une claire perception et une définition exacte de son contenu nous prémunit des dangers de déviation et des excès qui pourraient porter préjudice à la marche victorieuse de la révolution. Que tous ceux qui ont pris fait et cause pour la révolution d’août se pénètrent de la ligne directrice ainsi dégagée en vue de pouvoir assumer leur rôle de révolutionnaires conscients et, en véritables propagandistes intrépides et infatigables, en fassent une diffusion au sein des masses. Il ne suffit plus de se dire révolutionnaire, il faut en plus se pénétrer de la signification profonde de la révolution dont on est le fervent défenseur. C’est le meilleur moyen de mieux la défendre contre les attaques et les défigurations que les contre-révolutionnaires ne manqueront pas de lui opposer. Savoir lier la théorie révolutionnaire à la pratique révolutionnaire sera le critère décisif permettant désormais de distinguer les révolutionnaires conséquents de tous ceux qui accourent à la révolution mus par des mobiles étrangers à la cause révolutionnaire. De la souveraineté du peuple dans l’exercice du pouvoir révolutionnaire Un des traits distinctifs de la révolution d’août, avons-nous dit, et qui lui confère son caractère populaire, c’est qu’elle est le mouvement de l’immense majorité au profit de l’immense majorité. C’est une révolution faite par les masses populaires voltaïques elles-mêmes avec leurs mots d’ordre et leurs aspirations. L’objectif de cette révolution consiste à faire assumer le pouvoir par le peuple. C’est la raison pour laquelle le premier acte de la révolution, après la Proclamation du 4 août, fut l’appel adressé au peuple pour la création des Comités de défense de la révolution (CDR). Le CNR a la conviction que pour que cette révolution soit véritablement populaire, elle devra procéder à la destruction de la machine d’État néo-coloniale et organiser une nouvelle machine capable de garantir la souveraineté du peuple. La question de savoir comment ce pouvoir populaire sera exercé, comment ce pouvoir devra s’organiser, est une question essentielle pour le devenir de notre révolution. L’histoire de notre pays jusqu’à nos jours a été essentiellement dominée par les classes exploiteuses et conservatrices qui ont exercé leur dictature anti-démocratique et anti-populaire, par leur mainmise sur la politique, l’économie, l’idéologie, la culture, l’administration et la justice. La révolution a pour premier objectif de faire passer le pouvoir des mains de la bourgeoisie voltaïque alliée à l’impérialisme aux mains de l’alliance des classes populaires constituant le peuple. Ce qui veut dire qu’à la dictature anti-démocratique et anti-populaire de l’alliance réactionnaire des classes sociales favorables à l’impérialisme, le peuple au pouvoir devra désormais opposer son pouvoir démocratique et populaire. Ce pouvoir démocratique et populaire sera le fondement, la base solide du pouvoir révolutionnaire en Haute-Volta. Elle aura pour tâche primordiale la reconversion totale de toute la machine d’État avec ses lois, son administration, ses tribunaux, sa police, son armée qui avaient été façonnés pour servir et défendre les intérêts égoïstes des classes et couches sociales réactionnaires. Elle aura pour tâche d’organiser la lutte contre les menées contre-révolutionnaires de reconquête du « paradis perdu » en vue d’écraser complètement la résistance des réactionnaires nostalgiques du passé. Et c’est là que résident la nécessité et le rôle des CDR, comme point d’appui des masses populaires à l’assaut des citadelles réactionnaires et contre-révolutionnaires. Pour une juste compréhension de la nature, du rôle et du fonctionnement des CDR L’édification de d’État de démocratie populaire qui est l’objectif final de la révolution d’août n’est pas et ne sera pas l’oeuvre d’un seul jour. C’est une tâche ardue qui exigera de nous des sacrifices énormes. Le caractère démocratique de cette révolution nous impose une décentralisation et une déconcentration du pouvoir administratif afin de rapprocher l’administration du peuple, afin de faire de la chose publique une affaire qui intéresse tout un chacun. Dans cette oeuvre immense de longue haleine, nous avons entrepris de remodeler la carte administrative du pays pour une plus grande efficacité. Nous avons aussi entrepris de renouveler la direction des services administratifs dans un sens plus révolutionnaire. En même temps, nous avons « dégagé » des fonctionnaires et militaires qui, pour des raisons diverses, ne peuvent suivre la cadence de la présente révolution. Il nous reste beaucoup à faire et nous en sommes conscients. Le Conseil national de la révolution, qui est dans le processus révolutionnaire déclenché depuis le 4 août le pouvoir de conception, de direction, et de contrôle de la vie nationale tant sur le plan politique, économique que social, se doit d’avoir des instances locales dans les divers secteurs de la vie nationale. Et c’est là que réside le sens profond de la création des CDR qui sont les représentants du pouvoir révolutionnaire dans les villages, les quartiers des villes, les lieux de travail. Les CDR constituent l’organisation authentique du peuple dans l’exercice du pouvoir révolutionnaire. C’est l’instrument que le peuple s’est forgé pour se rendre véritablement souverain de son destin et étendre de ce fait son contrôle dans tous les domaines de la société. Les armes du peuple, le pouvoir du peuple, les richesses du peuple, ce sera le peuple qui les gèrera et les CDR sont là pour cela. Quant à leurs rôles, ils sont immenses et diversifiés. Leur mission première est l’organisation du peuple voltaïque tout entier en vue de l’engager dans le combat révolutionnaire. Le peuple ainsi organisé dans les CDR acquiert non seulement le droit de regard sur les problèmes de son devenir, mais aussi participe à la prise de décision sur son devenir et à son exécution. La révolution comme théorie juste pour détruire l’ordre ancien et, en lieu et place, édifier une société d’un type nouveau ne saurait être menée que par ceux qui y ont intérêt. Les CDR sont alors les détachements d’assaut qui s’attaqueront à tous les foyers de résistance. Ce sont les bâtisseurs de la Haute-Volta révolutionnaire. Ce sont les levains qui devront porter la révolution dans toutes les provinces, tous nos villages, tous les services publics et privés, tous les foyers, tous les milieux. Pour ce faire, les militants révolutionnaires au sein des CDR doivent rivaliser d’ardeur dans les tâches primordiales suivantes : 1°) L’action en direction des membres du CDR : il revient aux militants révolutionnaires le travail d’éducation politique de leurs camarades. Les CDR doivent être des écoles de formation politique. Les CDR sont les cadres adéquats où les militants discutent des décisions des instances supérieures de la révolution, du CNR et du gouvernement. 2°) L’action en direction des masses populaires vise à les entraîner à adhérer massivement aux objectifs du CNR par une propagande et une agitation intrépides et sans relâche. A la propagande et aux calomnies mensongères de la réaction, les CDR doivent savoir opposer une propagande, une explication révolutionnaires appropriées selon le principe que seule la vérité est révolutionnaire. Les CDR se doivent d’être à l’écoute des masses afin de se rendre compte de leur état d’esprit, de leurs besoins, pour en informer à temps le CNR et faire à ce sujet des propositions concrètes. Ils sont invités à examiner les questions touchant l’amélioration des intérêts des masses populaires, en soutenant les initiatives prises par ces dernières. Le contact direct avec les masses, populaires, par l’organisation périodique des assemblées ouvertes où sont discutées les questions qui les intéressent, est une nécessité impérieuse pour les CDR s’ils veulent aider à l’application correcte des directives du CNR. Ainsi, dans l’action de propagande, les décisions du CNR seront expliquées aux masses. Seront aussi expliquées toutes les mesures destinées à l’amélioration de leurs conditions de vie. Les CDR doivent lutter avec les masses populaires des villes et des campagnes contre leurs ennemis et l’adversité de la nature, pour la transformation de leur existence matérielle et morale. 3°) Les CDR devront travailler de manière rationnelle illustrant ainsi un des traits de notre révolution : la rigueur. Par conséquent, ils doivent se doter de plans d’action cohérents et ambitieux qui s’imposent à tous leurs membres. Depuis le 4 août, date devenue désormais historique pour notre peuple, répondant à l’appel du CNR, les Voltaïques ont développé des initiatives pour se doter de CDR. Ainsi des CDR virent le jour dans les villages, dans les quartiers des villes, bientôt sur les lieux de travail, dans les services, dans les usines, au sein de l’armée. Tout ceci est le résultat de l’action spontanée des masses. Il convient maintenant de travailler à leur structuration interne sur une base claire, et à leur organisation à l’échelle nationale. C’est ce à quoi s’attelle actuellement le Secrétariat général national des CDR. En attendant que des travaux de réflexions qui se mènent actuellement sur la base des expériences déjà accumulées, sortent des résultats définitifs, nous nous contenterons d’esquisser le schéma et les principes directeurs généraux du fonctionnement des CDR. L’idée première poursuivie avec la création des CDR consiste en la démocratisation du pouvoir. Les CDR devenant ainsi des organes par lesquels le peuple exerce le pouvoir local découlant du pouvoir central dévolu au CNR. Le CNR constitue, en dehors des assises du congrès national, le pouvoir suprême. Il est l’organe directeur de tout cet édifice dont le principe directeur est le centralisme démocratique. Le centralisme démocratique est basé d’une part sur la subordination des organes de l’échelon inférieur aux organismes de l’échelon supérieur dont le plus haut est le CNR auquel se subordonnent toutes les organisations. D’autre part, ce centralisme reste démocratique, car le principe électif est de rigueur à tous les niveaux et l’autonomie des organes locaux est reconnue pour toutes les questions relevant de leur ressort, toutefois dans les limites et le respect des directives générales tracées par l’instance supérieure.
Posted on: Mon, 16 Sep 2013 08:17:02 +0000

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