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JEU VIDÉO Enfants du punk & du thatchérisme désormais quadras Au prix d’un budget faramineux, le studio britannique Rockstar Games lance demain son rouleau compresseur, satire d’un monde à la violence assumée. Le 26 avril 2008, Libération consacrait toute sa une à la sortie de GTA IVavec pour titre «Le plus grand jeu du monde». Cinq ans plus tard, on ne prendrait pas grand risque à réemployer la même formule à propos de GTA V, qui sort demain mondialement et semble voué à battre lui aussi tous les records de l’industrie du jeu vidéo. Mais pas seulement : si la série des GTA est l’une des plus emblématiques de l’histoire des jeux, son impact déborde largement la seule sphère du gaming. En stricts termes comptables, GTA IV avait déjà décroché la timbale ultime : c’est, à ce jour, l’objet culturel le plus rentable jamais produit. Variety, bible de l’entertainment hollywoodien, avait médusé le monde du cinéma en calculant que, le jour de sa sortie, le jeu avait déjà rapporté plus de bénéfices que Pirates des Caraïbes 2, blockbuster de l’époque, sur toute sa période d’exclusivité… En une semaine, 6 millions d’exemplaires de GTA IV étaient écoulés, pour un chiffre d’affaires dépassant les 375 millions d’euros. Investissements. Aujourd’hui, alors que le parc installé de consoles PS3 et Xbox, et donc le nombre de joueurs potentiels, a considérablement augmenté, on ne voit pas bien ce qui pourrait empêcher GTA V de faire mieux, voire beaucoup mieux (1). Selon certains analystes, 25 millions d’exemplaires pourraient être vendus au cours de sa première année de commercialisation, pour des recettes estimées à 1,1 milliard d’euros. Le studio Rockstar North qui, sous le parapluie de l’éditeur Take Two, en pilote le développement, y a mis les moyens : avec un budget avoué d’environ 200 millions d’euros, GTA V est de loin la production la plus coûteuse jamais engagée dans le secteur, le précédent record étant détenu par le jeu online Star Wars : The Old Republic, budgété autour de 150 millions. Même comparé à l’industrie du cinéma, le chiffre est colossal : Avatar, par exemple, a coûté 180 millions d’euros ; seul Pirates des Caraïbes 3, avec 225 millions d’euros, peut prétendre avoir été plus dépensier… mais GTA V sera probablement plus rentable. Pour expliquer de tels investissements, il faut d’abord avancer la longueur du développement, auquel les équipes de Rockstar se consacrent depuis plus de quatre ans. Il faut également souligner son amplitude : GTA V, projet auquel se sont attelées plus de 300 personnes, s’annonce comme un jeu particulièrement immense et profond (lire ci-contre), dans lequel ont été modélisés Los Angeles et ses environs (la cité des Anges étant rebaptisée cité des Saints : Los Santos) avec un souci du détail et du réalisme qu’on pouvait déjà admirer dans les rues de Liberty City, qui figurait New York dans l’épisode précédent. Phénomène. Le sérieux avec lequel est travaillée la qualité de cette immersion n’est pas toujours visible. Pour GTA V, on a notamment fait appel aux ressources nouvelles du «big data», afin d’analyser les données officielles des recensements fédéraux et les croiser avec la réalité statistique du marché automobile en Californie (la jouissance de la bagnole sous toutes ses formes étant une des promesses de base de toute la série des Grand Theft Auto). Une cohorte d’experts, consultants et spécialistes de tout poil a aussi été appelée à la rescousse : anciens officiers de police, historiens, géographes, architectes, et même d’ex-membres de gangs locaux notoires, qui ont pour certains prêté leur voix à quelques doublages. Mais une fois que l’on a bien assimilé ces chiffres et leur vertige, la question de la raison d’un tel succès reste entière : pourquoi la série des GTA est-elle devenue un tel phénomène ? D’abord grâce à ses qualités spécifiques : quel que soit l’aspect de la fabrication du jeu, ses développeurs fournissent toujours ce qui se fait de meilleur. En ce sens, GTA est le patron de l’industrie : le jeu auquel on compare tous les autres, celui qui établit les standards techniques ou narratifs, qui fait mûrir les exigences du game-design et qui de surcroît rencontre le meilleur feedback auprès des joueurs, parce qu’ils se sentent respectés. Cette dernière dimension, d’un ordre sensible et presque affectif, est sans doute la vraie clé du mystère GTA. Une fois que l’on a cité son fun inimitable, son encouragement permanent à la digression et au vagabondage, l’acuité de son style, la chaleur pop ou la grisaille existentielle de ses graphismes, le soin apporté à ses choix musicaux (lire ci-contre), on ne peut qu’invoquer des motifs plus obscurs et personnels. Si, depuis plus de dix ans, la saga GTA fait aussi fortement écho chez les générations actuelles, c’est sans doute parce qu’elles y retrouvent une certaine vérité du monde moderne, son pessimisme instable, son matérialisme foncier, son désordre culturel, son métissage intense et bien sûr sa violence, le tout transfiguré dans un espace virtuel colossal où l’on renoue avec un inestimable sentiment de liberté. Punk. Evidemment, la violence constitue la question la plus délicate à négocier quand il s’agit du jeu vidéo, toujours sommé de rendre des comptes à propos de sa moralité - exactement comme la littérature ou le cinéma avant lui. Il est vrai que, lâché dans la jungle de GTA V, le joueur pourra braquer n’importe quel véhicule et canarder tout ce qui bouge… mais il n’ira pas bien loin en agissant ainsi, et passera même complètement à côté de l’aventure s’il persiste uniquement dans cette voie. Contrairement à une idée répandue par l’ignorance, GTA n’est pas un jeu immoral, il est au contraire sous-tendu par une vision politique extrêmement cohérente. Les frères britanniques Sam et Dan Houser, qui sont à l’origine de toute la saga, assument à la perfection leurs rôles d’activistes en chef de la sphère vidéoludique. Enfants du punk et du thatchérisme désormais quadras, ils ont injecté de la substance et de la solidité dans un média trop longtemps tenu pour régressif ou puéril. En refusant par exemple d’intégrer de vraies publicités dans les décors du jeu (ce qui leur garantirait de substantiels revenus), ils montrent dans quelles limites ils veulent tenir le ver du marketing. C’est exactement à ce type de loyauté que GTA doit son aura parmi les gamers… et les autres. (1) Bien que probable et parfois évoquée pour la fin de l’automne, une sortie de «GTA V» sur PC n’a pas été confirmée. Olivier SÉGURET libération .fr
Posted on: Tue, 17 Sep 2013 10:23:02 +0000

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