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La formation est un droit pour chaque salarié La formation est un droit pour chaque salarié Un salarié qui a été perpétuellement exclu de toute formation pendant sa carrière dans l’entreprise peut prétendre à des dommages et intérêts de ce fait, notamment quand il est licencié pour motif économique. LES FAITS Un ouvrier est recruté, sans compétence ni expérience, au poste d’opérateur de lignes auquel le forme une entreprise. Là s’arrêtent les efforts de formation de l’employeur : pendant seize ans, le salarié ne bénéficiera de rien d’autre. LES DEMANDES ET ARGUMENTATIONS Licencié pour motif économique, il réclame à l’employeur une indemnité pour « manquement à l’obligation de formation ». Il vise, en fait, l’article L. 6321-1 du Code du travail selon lequel : « L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. » L’employeur soutient que le poste de travail n’a connu depuis son embauche aucune évolution particulière nécessitant une formation d’adaptation et que le salarié peut donc prétendre sans difficulté à des postes similaires dans l’industrie mécanique. Il ajoute que le salarié avait toute latitude pour demander le bénéfice d’un Cif ou d’un Dif, ce qu’il n’avait pas fait. Il considère donc qu’il n’a commis aucun manquement. LA DÉCISION, SON ANALYSE ET SA PORTÉE L’explication de l’employeur ne satisfait pas la Cour de cassation. En négligeant d’accomplir son obligation d’adaptation, l’employeur a commis une faute qu’il doit réparer : « Vu l’article L. 6321-1 du Code du travail ; Attendu que selon ce texte, l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations [...] » Cet arrêt nous apporte plusieurs enseignements. → L’accès au plan de formation est un droit individuel On pouvait en douter. Le dispositif de formation des salariés, on le sait, se divise en trois catégories. D’abord, le Cif, congé « individuel » de formation, alloué à la demande du salarié, pris en charge par le Fongecif ou l’Opacif selon l’effectif de l’entreprise ; ensuite le Dif, droit « individuel » à la formation, résultant d’une codécision entre l’employeur et le salarié ; enfin, le plan de formation, défini par l’employeur après consultation du comité d’entreprise. La loi ne donne pas formellement à chaque salarié un crédit ouvert sur les actions du plan de formation. Sauf accord collectif contraire, l’employeur peut, en principe, déterminer quels en seront les bénéficiaires, à condition que ses critères de sélection soient exempts de toute discrimination. Mais, par le biais de l’obligation d’adaptation, la jurisprudence a, au travers de deux arrêts, transformé ce droit global en un véritable droit individuel : chaque salarié doit pouvoir, un jour ou l’autre, bénéficier du plan de formation. Quel était le premier arrêt ? Une décision de 2007 (Cass. soc., 23 oct. 2007, no 06-40.950) : un employeur avait licencié pour motif économique deux salariées alors qu’elles avaient respectivement 24 et 12 ans d’ancienneté. Au cours de ce long parcours au service du même employeur, elles n’avaient, en guise de formation, bénéficié, en tout et pour tout, que d’un stage de trois jours. Les deux salariées avaient demandé et obtenu des dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation d’adaptation, s’ajoutant à l’indemnité de licenciement abusif. Et comme il s’agit d’un devoir de l’employeur, celui-ci ne peut s’en remettre au salarié pour l’accomplir. Il ne peut pas – et c’est l’apport du présent arrêt – attendre que le salarié se manifeste par une demande de Cif ou de Dif. C’était important de le dire : en effet, l’extrême variété des offres de formation, Cif, Dif, périodes de professionnalisation (voir C. trav., art. L. 6312-1) pouvait laisser à penser que l’important, c’est d’assurer à chaque salarié la satisfaction de ses besoins en formation, quel qu’en soit le vecteur. Ce n’est pas comme cela qu’il faut comprendre la loi. → À partir de quand peut-on dire que l’employeur est défaillant ? Sur quelle période s’exerce ce droit ? L’arrêt ne le précise pas mais, comme dans l’espèce jugée en 2007, on constate que le salarié avait une ancienneté importante. Néanmoins, on peut penser que le manquement existe indépendamment de toute ancienneté et que l’employeur est tenu dès lors qu’il prend conscience d’une évolution d’un métier ou qu’il se rend compte que ce métier va disparaître dans son entreprise. Dans le cas particulier, il est frappant de voir que l’employeur pensait s’affranchir de toute obligation par le simple constat que le métier d’opérateur de lignes n’avait pas changé en 16 ans. L’intéressé, soulignait-il, pouvait facilement se reclasser dans l’industrie mécanique, autrement dit à l’extérieur de l’entreprise. C’était oublier que le premier devoir de l’employeur consiste à essayer de reclasser le salarié à l’intérieur de l’entreprise et donc de lui donner par anticipation la formation qui, le moment venu, lui permettra de changer de poste et d’éviter le licenciement. → Le manquement au devoir d’adaptation ouvre droit à une indemnisation spécifique Le chapitre du Code du travail qui traite de la formation à l’initiative de l’employeur et au plan de formation s’ouvre sur l’article L. 6321-1 du Code du travail qui démarre par ces deux phrases : « L’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations. » Ce n’est qu’en janvier 2000, au travers d’un discret article de la loi Aubry II, que ce devoir patronal d’adapter les salariés à l’évolution de leur emploi a été introduit dans le Code du travail. Il a ensuite été reformulé en mai 2004. En 2002 également, le législateur est revenu sur l’obligation d’adaptation pour l’intégrer dans le chapitre relatif au licenciement économique. Le licenciement économique, en effet, « ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient » (C. trav., art. L. 1233-4). On aurait pu concevoir que le manquement au devoir d’adaptation que le texte met sur le même pied que le manquement à l’obligation de reclassement soit sanctionné par l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Bien que licencié pour motif économique, le salarié n’a pourtant pas fondé sa demande sur l’article L. 1233-4 du Code du travail mais sur l’article L. 6321-1 précité. Il a donc obtenu gain de cause sans que son licenciement pour cause économique soit pris en considération. Ce qui veut dire qu’une indemnité peut être due à un salarié qui, sans avoir perdu son emploi, se plaindrait de n’avoir pas reçu de formation maintenant ou. améliorant son employabilité. Le préjudice serait alors la perte d’un espoir de promotion ou d’évolution professionnelle. Texte de l’arrêt LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant : Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Numec en qualité d’opérateur, coefficient 170 de la convention collective de la métallurgie de la Vendée le 20 septembre 1990 ; qu’ayant refusé une modification de son contrat de travail portant sur la diminution de son salaire horaire et la suppression d’une prime dite de 5/8, il a été licencié pour motif économique le 2 avril 2007 ; qu’il a saisi la juridiction prud’homale de diverses demandes de rappels de salaire, dont l’une à titre du travail de nuit en application du principe « à travail égal, salaire égal », et en paiement de dommages et intérêts, notamment pour violation de l’obligation de formation ; Sur les deuxième et troisième moyens : Attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ; Sur le quatrième moyen : Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en paiement d’une somme à titre de salaire pour travail de nuit, alors, selon le moyen, que l’employeur est tenu d’assurer pour un travail identique ou de valeur égale, l’égalité de rémunération entre tous les salariés de l’entreprise ; que la différence d’organisation du travail ne justifie pas une disparité de rémunération entre les salariés ; qu’en déboutant M. X... de sa demande de rappels de salaire fondée sur l’existence d’une discrimination salariale au titre de la majoration des heures de nuit au motif que M. X... qui travaillait dans le cadre d’une organisation de travail en continu par roulement d’équipes successives accomplissait régulièrement des heures de travail la nuit tandis que les autres salariés auxquels il se comparait n’accomplissaient qu’exceptionnellement ces mêmes heures, quand il n’était pas contesté que les salariés effectuaient un travail de valeur égale, la cour d’appel a violé les articles L. 3221-2, L. 3221-4 et L. 3221-7 du code du travail et le principe « à travail égal, salaire égal » ; Mais attendu que la majoration de 40 % du salaire pour les heures exceptionnellement travaillées la nuit qui était accordée aux salariés de l’atelier de mécanique générale compensait une sujétion différente de celle subie par le salarié, qui travaillait habituellement la nuit, puisqu’en continu par équipes successives, justifiant une majoration spécifique de 25 % de sa rémunération ; que le moyen n’est pas fondé ; Mais sur le premier moyen : Vu l’article L. 6321-1 du code du travail ; Attendu que selon ce texte, l’employeur assure l’adaptation des salariés à leur poste de travail et veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations ; Attendu que pour rejeter la demande en paiement d’une somme à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de formation, l’arrêt retient que le salarié a été recruté sans compétence ni expérience au poste d’opérateur de lignes auquel il a été formé par l’employeur ; que son expérience lui permet désormais de prétendre à des postes similaires dans l’industrie mécanique ; que son poste de travail n’a connu depuis son embauche aucune évolution particulière nécessitant une formation d’adaptation ; qu’il lui appartenait par ailleurs de demander à bénéficier d’un congé individuel de formation ou du droit individuel de formation ; qu’en conséquence aucun manquement n’a été commis par l’employeur ; Qu’en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés de l’adaptation au poste de travail ou de l’utilisation des congé ou droit individuels de formation, alors qu’elle constatait qu’en seize ans d’exécution du contrat de travail l’employeur n’avait fait bénéficier le salarié, dans le cadre du plan de formation de l’entreprise, d’aucune formation permettant de maintenir sa capacité à occuper un emploi au regard de l’évolution des emplois, des technologies et des organisations, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il a rejeté la demande en paiement d’une somme à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de formation, l’arrêt rendu le 17 mai 2011, entre les parties, par la cour d’appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel d’Angers ; Condamne la société Numec aux dépens ; Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq juin deux mille treize. Cass. soc., 5 juin 2013, pourvoi no 11-21.255, arrêt no 1034 FS-P+B Auteur : Marie Hautefort
Posted on: Fri, 13 Sep 2013 08:49:51 +0000

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