Le Soir, vendredi 2 août 2013 - Par Jean-Marie Wynants Un - TopicsExpress



          

Le Soir, vendredi 2 août 2013 - Par Jean-Marie Wynants Un Rhinocéros, ça charge énormément SCÈNES Un imposant ouvrage retrace dix ans de coopération artistique Créée en 2003 par Olivier Blin, « La charge du rhinocéros » jette un pont artistique entre l’Occident, l’Afrique, Haïti, l’Afghanistan… Laurent Ancion lui consacre un livre passionnant explorant toutes les facettes de cette singulière aventure. Invitée à jouer "Les monologues du vagin" à Haïti en 2003, la comédienne Estelle Marion, très enthousiaste, débarque sur place en pleine soirée. « Comme je suis d’origine africaine, raconte-t-elle dans" La Tectonique des planches", le fait d’aller jouer là-bas, 200 ans après la décolonisation, semblait un moment assez important dans mon parcours. » Le lendemain matin, c’est le choc. En traversant la ville, elle découvre une pauvreté terrible. À tel point qu’elle se sent totale ment déplacée : « J’avais joué en Belgique et je me rendais compte que le thème, pour moi, renvoyait à des préoccupations petites- bourgeoises. Ce n’était pas le bon endroit pour jouer Les Monlogues du vagin. Je me sentais excessivement mal à l’aise. » Sur les lieux de la première représentation rien ne fonctionne comme prévu. Elle devra jouer l’extérieur avec un seul projecteur, sans élément de décor…Et pourtant ! « Quand le public arrive, je ne réfléchis plus. Je me lance. Je grimpe sur les praticables à moitié défoncés, je m’accroche à mes chaussures et j’y vais… Et là-bas, sous les manguiers, avec la lune qui m’éclairait, il se crée un moment de grâce comme il en arrive très rarement au théâtre. » Le public est captivé, la discussion qui suit est passionnante et Estelle Marion découvre une nouvelle dimension de son travail… Tout cela, elle le raconte admirablement dans "La tectonique des planches" remarquable ouvrage sorti cet été à l’occasion des 10 ans d’existence de la Charge du Rhinocéros. Depuis 2003 en effet, cette association créé par Olivier Blin a porté une multitude de créations théâtrales jouées en Belgique mais aussi et surtout à Haïti, en Afghanistan, en Afrique,… Ardent défenseur d’une vraie coopération culturelle, Olivier Blin a donné naissance à une expérience unique dont Laurent Ancion dévoile ici toutes les facettes. On peut parfaitement ne rien connaitre de la Charge du Rhinocéros ou même ne jamais aller au théâtre et se plonger dans cet ouvrage avec délectation. Car ce qui nous y est raconté est d’abord une formidable aventure humaine. Au fil des 240 pages, l’auteur nous fait rencontrer tous ceux et celles qui y ont participé. Portraits, interviews, récits, témoignages, réflexions, tous les genres sont utilisés pour explorer au mieux tous les aspects de ces dix années. Avec, d’abord, la réponse à la question que tout le monde se pose : comment ça charge, un rhinocéros ? Et ce n’est pas un gag. Les premières pages de l’ouvrage sont bel et bien consacrées à cet étrange animal, à ses caractéristiques, à ce qui l’anime. Une façon malicieuse et intelligente de nous faire entrer dans le quotidien de cette association vraiment pas comme les autres. La suite le prouve. On y découvre la genèse du projet du côté de Haïti, les premiers pas aussi passionnants que difficiles avec Pietro Varrasso, Daniel Marcelin, Max Parfondry… Rien n’est oublié. Ni les grands moments inoubliables ni les ratages. Ni l’incroyable capacité d’adaptation et de réaction de toute une équipe ni la fragilité du projet même après dix années d’expérience. On y découvre la vie théâtrale dans tous les pays visités mais aussi la vie quotidienne, les liens entre la scène et la rue, l’importance de la culture dans des pays parfois en plein chaos. De Guy Régis Junior à Pie Tshibanda en passant par Philippe Laurent, Ivan Fox et des dizaines d’autres, évoquent cette formidable aventure qui les a transformés. Mais la nostalgie n’étant pas le moteur de cette fine équipe, on se tourne aussi vers le présent et le futur avec de nombreuses questions cruciales explorées dans les deux dernières parties de l’ouvrage et même, chose rare, l’esquisse de propositions pour un futur plus juste. Depuis dix ans, le Rhinocéros fonce droit devant. S’il s’arrête ici un moment sur son passé, c’est pour mesurer le chemin parcouru mais aussi et surtout pour prendre la mesure des charges à venir. JEAN-MARIE WYNANTS / Le Soir - « La tectonique des planches. 10 ans de Charge du rhinocéros », Laurent Ancion, PAC éditions
Posted on: Mon, 05 Aug 2013 07:49:23 +0000

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