L’emploi et la jeunesse : le point de vue du Prof. Fulbert - TopicsExpress



          

L’emploi et la jeunesse : le point de vue du Prof. Fulbert AMOUSSOUGA GERO Depuis le gel des recrutements systématiques des jeunes, à la fin de leur formation, dans l’administration publique et dans les entreprises publiques, en raison des mauvaises conditions macroéconomiques et de la mauvaise gestion des ressources publiques à la fin des années 80, le problème du chômage est devenu l’un des problèmes sérieux auquel font face depuis quelques années, les gouvernements notamment celui du Bénin. Le chômage en général et celui des jeunes en particulier constitue un problème important pour au moins trois raisons. Premièrement, le chômage constitue une perte de ressources disponibles du fait que les chômeurs représentent un stock de main d’œuvre non utilisé. Deuxièmement, le chômage cause une misère personnelle au chômeur. En effet, le travail permet de créer de la valeur ajoutée et l’individu gagne de revenu, de salaire ou de profit à travers sa participation au processus de production. L’implication directe est que, le chômeur ne participant pas à la création de la richesse, il ne dispose donc pas de ressources financières pour acheter les biens et services nécessaires pour satisfaire ces besoins. Troisièmement, un taux important de chômage peut conduire à des problèmes sociaux généralisés pouvant aller à l’instabilité politique. En effet, le chômage des jeunes ou le sous-emploi de ces derniers semble être un problème politique et de sécurité cruciale à l’Afrique en générale et au Bénin en particulier en plus des autres problèmes sociaux. Le chômage alimente les conflits et la criminalité, qui tous deux, à leur tour, accroissent encore plus le chômage par leurs effets négatifs sur les performances économiques, la confiance des investisseurs et les structures sociales physiques et institutionnelles. Par conséquence, la création d’emploi est un outil de prévention des conflits. Mais, que signifie ce concept ? Quelles sont les explications qu’en donne la littérature économique ? Ces arguments sont t-ils pertinents pour appréhender le chômage des jeunes au Bénin ? Quelle est la pertinence des mesures publiques en faveur de l’emploi des jeunes ? Le chômage est une situation dans laquelle les gens veulent travailler et cherchent activement un emploi mais ne trouvent pas d’emploi. Les causes du chômage sont nombreuses. Le prix est un indicateur de rareté et un instrument d’affectation des ressources y compris la main d’œuvre dans une économie donnée. Sur un marché parfaitement flexible, il est déterminé par l’offre et la demande, la diminution de la demande ou l’augmentation de l’offre entraine la diminution des prix. Mais, si le prix est peu flexible ou ne varie qu’après délai, ces changements donnent naissance à une offre excédentaire ou, sur le marché de travail, au chômage. L’explication que les économistes néo-classiques donnent au chômage s’inscrit dans ce cadre d’analyse et le chômage est considéré comme déséquilibre entre l’offre de travail (côté ménage) et la demande de travail (côté entreprise) ; plus précisément par un excès d’offre de travail par les ménages sur la demande de travail par les entreprises. De ce point de vue, les salaires sont considérés comme flexibles et capables d’assurer l’équilibre du marché du travail. L’équilibre du marché de travail est une situation où les ménages qui désirent travailler au taux de salaire en vigueur trouvent un emploi et les entreprises qui demandent de travail en trouvent. Dans ce schéma, seul les mécanismes de marché permettent de corriger ce déséquilibre. Cette explication du chômage présente des limites pour au moins deux raisons. Premièrement, dans le monde réel, les salaires sont rigides à la baisse. Deuxièmement, les forces du marché n’ont pas permis d’éviter la crise de l’emploi depuis 1929 où on a assisté à un chômage généralisé. Pour les Keynésiens, le chômage ne résulte pas de la confrontation entre l’offre et la demande d’emploi, mais plutôt de la rencontre entre la demande globale et l’offre globale. Les composantes de la demande globale étant la consommation, l’investissement, le solde extérieur et les dépenses publiques. Le chômage est dû à l’insuffisance de la demande globale. Le chômage peut être temporaire, et cela est dû au délai d’ajustement entre l’offre et la demande d’emploi (chômage frictionnel). Apparemment, ce type de chômage ne pose pas de sérieux problèmes. Par exemple, un jeune sorti de nos structures de formation y compris les universités peut ne pas automatiquement trouver un emploi, mais le trouvera dans la durée. Il en est de même pour un travailleur qui, compte tenu de l’état de la conjoncture, a perdu son emploi, dispose d’un délai pour en trouver un autre. Curieusement ce type de chômage affecte plus les jeunes que les autres catégories de demandeur d’emploi. Le chômage de ces derniers est sensible à la conjoncture. En effet, les travailleurs expérimentés ne sont pas un facteur de production aussi variable que ne le laissent entendre les exposés simplifiés de la théorie micro économique de la production. En période de ralentissement économique, les employeurs hésitent à les mettre à pied de peur d’avoir à en former d’autres quand les beaux jours reviendront. En conséquence, les jeunes absorbent une bonne part de l’ajustement à la conjoncture économique. Ayant moins de formations spécifiques à l’emploi et n’ayant pas encore fait leurs preuves, ils sont souvent les premiers mis à pied. Il faut dire que l’analyse du chômage en Afrique de façon générale est compliquée du fait que le marché du travail dans ces pays est caractérisé par deux segments à savoir le marché du travail formel et le marché du travail informel. Le marché du travail formel est structuré et réglementé. Les travailleurs sur ce segment du marché jouissent d’une protection sociale. Le marché du travail formel présente un certain nombre de barrières à l’entrée dont les plus importantes sont le diplôme et la qualification requis, le clientélisme politique, l’expérience et les considérations tribales. Les salaires y sont généralement plus élevés que ceux offerts par le secteur informel. L’activité des syndicats y est très importante. Ce segment du marché à son tour comprend deux sous-segments : le marché du travail public où l’Etat est le seul pourvoyeur d’emploi et le marché du travail privé. Quant au marché du travail informel (emploi ruraux, les artisans, les conducteurs de taxis moto etc.), il est facile d’accès, plus flexible et dispose d’une capacité d’absorption élevée. Les rémunérations ici se négocient entre employeur et travailleur. Contrairement au marché du travail formel, les syndicats (les organisations paysannes, l’association des artisans etc) ne sont pas vraiment structuré, ce qui fait que ces derniers ne sont pas puissants sur segment du marché par rapport aux syndicats du secteur public. Il est important de souligner que la coexistence de ces deux types de segments offre l’avantage à certaines familles notamment les pauvres de s’assurer le minimum vital. Plusieurs raisons expliquent la montée du chômage des jeunes au Bénin et nous allons focaliser l’attention sur les plus importantes. L’histoire récente de la perception de l’emploi en Afrique de façon générale et au Bénin en particulier restreint ce dernier à un travail de bureau- fonctionnaire de l’Etat notamment-. Cette perception de l’emploi a des conséquences sur la valorisation de certains types d’emploi. En effet, être un bon agriculteur, un bon maçon, un bon peintre, etc. est moins valorisé par la société qu’être un planton dans l’administration publique. Cette conception de l’emploi fait que, lorsqu’on n’est pas fonctionnaire de l’Etat, il semble qu’on se considère comme chômeur parce que généralement cette catégorie de travailleurs cherche toujours à rentrer dans la fonction publique. En conséquence, la faible valeur que la société accorde à ces types d’emplois ne favorise pas la promotion de ces derniers. Un changement des mentalités est souhaité à ce niveau. A y voir de très près, il semble que cette vision de l’emploi est renforcée par le mode de fonctionnement de l’administration publique. L’administration publique, dans ces quinze dernières années est caractérisée par une politisation et une corruption qui dépasse ce que l’on peut imaginer et qui sont aujourd’hui devenues des pièges pour le développement. Ces deux caractéristiques de notre administration font que la productivité de l’administration est faible et le fait d’avoir un statut d’agent permanent de l’Etat constitue un moyen de réaliser de gains facilement (travailler peut et gagner beaucoup d’argents par rapport à sa productivité). Certains analystes peuvent attribuer ce désire de travailler pour l’Etat par la sécurité de l’emploi. De toutes les façons, il est aujourd’hui clair que l’Etat ne peut plus être pourvoyeur d’emploi pour les jeunes parce que les marges de manœuvre de ce dernier en termes de recrutement sont faibles. Son rôle est dans ces conditions de créer les conditions favorables à la création d’emploi. Une autre raison du chômage des jeunes au Bénin est le poids excessif des syndicats sur le marché du travail formel notamment dans le secteur public. La lutte syndicale au Bénin se réduit seulement à la défense des intérêts des travailleurs en termes d’augmentation des salaires, de réclamation de primes, le prolongement de l’âge à la retraite et autres avantages sociaux. Ce comportement des syndicats béninois contribue à rendre couteuse la main d’œuvre et donc contribue à l’augmentation de coûts de production. Cet accroissement du coût de la main d’œuvre dissuade les entreprises privées à recruter. Nos syndicats ne militent jamais pour un accroissement de la productivité alors qu’un accroissement plus rapide des coûts de production par rapport à celui de la productivité est défavorable à la jeunesse. L’augmentation de la productivité nécessite des réformes structurelles qui ont généralement un coût à court terme pour les travailleurs mais qui sont porteur de croissance et d’emploi pour les jeunes. Le blocage de ces genres de réformes par les syndicats empêche aussi le secteur privé de bénéficier des externalités positives associées à ces réformes. Les entreprises privées ont un rôle très important à jouer dans la création de la richesse et donc dans la réduction du chômage des jeunes. Mais malheureusement, au Bénin, en dehors de quelques entreprises multinationales, le pays dispose de peu d’entreprises et celles qui existent sont pour la plupart dans les activités d’importation. Le pays n’a pas encore un nombre critique d’entreprises de qualité capables de conquérir de marchés extérieurs. Cette faiblesse des entreprises privées explique aussi le chômage des jeunes. Conscient de l’enjeu que représente l’emploi pour la jeunesse, le Gouvernement à traduit sa volonté politique par la création d’un ministère chargé de l’emploi des jeunes et de la micro fiance. En plus de cela, le Gouvernement essaie de mettre à la disposition des entreprises des services publics de qualité -télécommunication, infrastructures routières, etc.- afin de réduire les coûts de production de ces derniers. Pour les jeunes, de façon spécifique, un Fonds National pour la Promotion de l’emploi des Jeunes a été mis en place sans oublier l’Agence Nationale pour l’Emploi et le Programme de Micro crédit au plus pauvres. Ces interventions publiques en faveur de l’emploi au Bénin sont de nature à réduire progressivement le chômage des jeunes.
Posted on: Tue, 19 Nov 2013 14:18:15 +0000

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