TOUTE UNE ARRIVÉE ─ Que venez-vous faire au Canada? ─ Ouvrez votre valise ─ Pourquoi êtes-vous passé par le Portugal et les Açores? ─ Quavez-vous à déclarer? Je devais avoir lair louche, car je portais un habit sur mesure que je venais de terminer. Un habit sur mesure à 18 ans cest suspect. De plus avec la fatigue dun tel voyage, même à 18 ans je devais être cerné comme un drogué. Comme je nétais pas à laise dans cette situation, jétais nerveux et cette nervosité aussi était suspecte. Je nen veux pas aux douaniers, ils font leur travail, mais mon arrivée au Canada a été un peu gâchée par cette méfiance bien légitime. Ma valise fut vidée et tâtée, mes vêtements furent inspectés un à un. Mon bagage de cabine a subi le même sort. Je fus fouillé de la tête aux pieds. Mes papiers ont été examinés attentivement, javais vraiment limpression dêtre un malfaiteur, un bandit, un trafiquant. Je ne métais pas préparé pour cette situation, jai su ce soir-là ce quétait la solitude. Les douaniers mont laissé dans une pièce, seul. Je navais plus ni papiers didentité, ni bagages. Le temps ma paru séterniser. Jétais tétanisé. Je comprends maintenant à quel point lhomme est vulnérable, je nai plus aucun contrôle de ma destinée. Je pense à ma famille laissée sur le quai de laéroport de Bordeaux Mérignac. Eux sont déjà dans une nouvelle journée, mon absence va vite devenir normale. Ai-je fait le bon choix? Quel est mon avenir? Une éternité plus tard, les douaniers sont revenus accompagnés dun supérieur. Le questionnaire a recommencé. Calmement, jai répondu et jai expliqué que le Québec manquait de tailleurs, cest pour ça que le Canada a payé ce bizarre de trajet pour me permettre de venir travailler ici. Je ne sais pas pourquoi tout dun coup, ils ont remis de lordre dans mes affaires, mont remis mon passeport, mes papiers et mont délivré un document attestant de mon entrée légale au Canada. Ils ont bien pris la peine de mexpliquer que ce document était très important, il ne fallait absolument pas que je le perde. Tout dun coup, lattitude des douaniers était devenue paternaliste. Méticuleusement, jai refait ma valise. Jai placé tous les documents importants à lintérieur. Quand enfin je suis sorti du bureau dimmigration Canada, jai senti, jai touché à ce que lon appelle, la liberté. Il me fallait encore sortir de la zone des voyageurs pour entrer dans celle du vrai monde, celui qui mattend, celui qui va faire de moi lhomme que je rêve de devenir un jour. Vous vous demandez peut-être quel est ce rêve que je me souhaite. Ce nest pourtant pas compliqué, mais jai beaucoup dambitions. Je rêve dêtre heureux ici, tout simplement heureux. Le dernier poste de contrôle passé, je pousse enfin cette lourde porte vitrée qui souvre sur mon avenir. Je constate alors quil fait nuit dehors. Je suis étonné, quelle heure est-il? Je nai pas de montre. Il me faut trouver mon futur patron qui doit mattendre dans cet espace.
Posted on: Tue, 26 Nov 2013 01:26:03 +0000
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