Voici bientôt quatre longues semaines que les gens normaux, - TopicsExpress



          

Voici bientôt quatre longues semaines que les gens normaux, jentends les gens issus de la norme, avec deux bras et deux jambes pour signifier quils existent, subissent à longueur dantenne les dégradantes contorsions manchotes des hordes encaleçonnées sudoripares qui se disputent sur le gazon lhonneur minuscule dêtre champions de la balle au pied. Voilà bien la différence entre le singe et le footballeur. Le premier a trop de mains ou pas assez de pieds pour sabaisser à jouer au football. Le football. Quel sport est plus laid, plus balourd et moins gracieux que le football ? Quelle harmonie, quelle élégance lesthète de base pourrait-il bien découvrir dans les trottinements patauds de vingt-deux handicapés velus qui poussent des balles comme on pousse un étron, en ahanant des râles vulgaires de boeufs éteints. Quel bâtard en rut de quel corniaud branlé oserait manifester sa libido en senlaçant frénétiquement comme ils le font par paquets de huit, à grand coups de pattes grasses et mouillées, en ululant des gutturalités simiesques à choquer un rocker dusine ? Quelle brute glacée, quel monstre décérébré de quel ordre noir oserait rire sur des cadavres comme nous le vîmes en vérité, certain soir du Heysel où vos idoles, calamiteux goalistes extatiques, ont exulté de joie folle au milieu de quarante morts piétinés, tout ça parce que la baballe était dans les bois ? Je vous hais, footballeurs. Vous ne mavez fait vibrer quune fois : le jour où jai appris que vous aviez attrapé la chiasse mexicaine en suçant des frites aztèques. Jeusse aimé que les amibes vous coupassent les pattes jusquà la fin du tournoi. Mais Dieu na pas voulu. Ca ne ma pas surpris de sa part. Il est des vôtres. Il est comme vous. Il est partout, tout le temps, quoi quon fasse et où quon se planque, on ne peut y échapper. Quand jétais petit garçon, je me suis cru longtemps anormal parce que je vous repoussais déjà. Je refusais systématiquement de jouer au foot, à lécole ou dans la rue. On me disait : «Ah, la fille !» ou bien : «Tiens, il est malade», tellement lidée danormalité est solidement solidaire de la non-footabilité. Je vous emmerde. Je nai jamais été malade. Quant à la féminité que vous subodoriez, elle est toujours en moi. Et me pousse aux temps chauds à rechercher la compagnie des femmes. Y compris celles des vôtres que je ne rechigne pas à culbuter quand vous vibrez aux stades. Pouf, pouf. Pierre Desproges 16 juin 1986 Extrait de Chroniques de la haine ordinaire aux éditions Points catégorie Virgule page 163-164.
Posted on: Thu, 21 Nov 2013 21:16:11 +0000

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