A quand la religion du droit ? Lundi, 02 Septembre 2013 - TopicsExpress



          

A quand la religion du droit ? Lundi, 02 Septembre 2013 08:37 Nos expériences politiques sont si douloureuses que nous avons hâte de tourner la page après chaque psychodrame institutionnel. Malheureusement, cette volonté collective précipitée de passer à autre chose nous empêche de tirer les enseignements des erreurs du passé et nous contraint de les répéter. Qu’avons-nous retenu des crises et des troubles de 1972, 1991, 2002 et 2009 ? A chaque fois, on se dit « plus jamais ça ». Pourtant, on recommence de plus belle. Il y a bientôt 40 ans, on a cru qu’il fallait que le pays soit mené par un militaire. Cela a abouti à un fiasco. Longtemps plus tard, on a cru qu’il s’agissait d’un problème de génération et que la mise à l’écart progressive des dinosaures apporterait de la sérénité à la vie politique malgache. Pourtant, l’émergence de trentenaires et quadragénaires n’a pas apporté le changement en profondeur. La meilleure solution pour éviter le cycle des crises est incontestablement de donner la primauté à l’ordre et à la loi, parallèlement au développement économique. Cet argument a été répété cent fois mais une fois de plus ne fera pas de mal. Notre relation à la loi est instable et immature. On souhaite ardemment le retour à l’ordre constitutionnel, alors que ce dernier n’existait pas au temps de Marc Ravalomanana qui a piétiné la Constitution avec gourmandise. Le rétablissement de l’ordre et de la loi va au-delà du simple retour à l’ordre constitutionnel. Il implique le respect absolu et en permanence de la Constitution, ainsi que celui des lois, ordonnances, décrets, règlements et usages, même les plus élémentaires. A quoi peut donc servir un retour à l’ordre constitutionnel si toutes les institutions prévues par la Constitution ne sont pas mises en place ? Pressés de s’enrichir en toute impunité une fois qu’ils ont accédé au pouvoir, de nombreux politiciens oublient vite leurs promesses de campagne concernant notamment la mise en place de la Haute Cour de Justice qui est supposée juger nos dirigeants qui violent la Constitution. Toujours évoquée mais jamais installée, la Haute Cour de Justice est pourtant un garde-fou essentiel à la mise en œuvre d’un Etat de droit digne de ce nom, à condition bien entendu que cette Haute Cour soit vraiment indépendante. Au lieu de mettre en place la totalité des institutions pérennes prévues par la Constitution, on se complait dans de fragiles structures ad hoc créées au gré de la conjoncture, comme c’est le cas avec la Cour Electorale Spéciale (CES) inventée pour les besoins de la Feuille de Route. Pour remédier aux doutes portant sur l’impartialité de la Haute Cour Constitutionnelle, on a instauré la CES qui a fondé sa toute première décision sur des motifs plus politiques que juridiques. Quand notre journal a dénoncé cette décision et s’est interrogé sur les influences qu’aurait pu subir la CES, celle-ci n’a rien trouvé de mieux à faire que de monter sur ses grands chevaux et de menacer d’engager des poursuites pour diffamation à notre encontre. Cependant, la suite des évènements a donné raison à nos journalistes puisque la première CES a été désavouée et donc dissoute et sa décision a été révisée. Sachant que la première décision de la CES était dénuée de fondement juridique, le citoyen malgache et les étrangers ont des raisons légitimes de douter de la légalité des jugements et arrêts rendus par les cours et tribunaux de l’ordre judiciaire et administratif. La décision politique du 3 mai 2013 n’est pas faite pour encourager les autres magistrats à rendre des décisions conformes au droit. Sachant que l’exemple vient du haut, quand des magistrats seniors de premier grade ne se limitent pas à l’application stricte de la loi, pourquoi les jeunes juges fraichement sortis de l’école le feraient-ils ? Déjà que de nombreux jeunes magistrats manquent de courtoisie envers leurs aînés, il ne faut pas s’étonner que cette tendance s’accentue après la décision du 3 mai 2013. De fil en aiguille, quand, en amont, le droit n’est pas appliqué au pied de la lettre, il ne faut pas s’offusquer si les décisions judiciaires ne sont pas exécutées en aval. A quoi bon réclamer la souveraineté de la justice si celle-ci n’est pas empreinte de respectabilité ? Quand la justice perd de sa crédibilité à partir du sommet, c’est tout le respect de la hiérarchie au sein de l’appareil judiciaire qui est bousculé et c’est toute la République qui est secouée. On peut reprocher à la Communauté Internationale son ingérence insupportable dans les affaires internes malgaches mais si elle n’avait pas brandi la menace de sanctions, on se serait résigné à la décision manquant de base légale rendue par la CES le 3 mai 2013. Celle-ci a révélé au grand public le défaut d’indépendance de la fonction juridictionnelle qui n’est pas prête d’être érigée en pouvoir judiciaire. Elle a souligné à quel point l’incohérence pouvait se dresser entre la loi et la raison. Elle a mis en évidence la nécessité d’instaurer une nouvelle religion du droit.
Posted on: Tue, 03 Sep 2013 07:28:02 +0000

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