Alors voilà, je devais avoir 4 ans quand ma soeur est arrivée à - TopicsExpress



          

Alors voilà, je devais avoir 4 ans quand ma soeur est arrivée à la maison. Elle en avait 6 et elle avait la peau plus noire quune sorcière de Salem. Je ne me suis pas posé de question. On ma dit : Voilà ta soeur. elle navait pas de famille, maintenant elle nous a nous. Voilà ta soeur. Quand on est enfant, on a le cerveau et les émotions très plastiques, on accepte tout sans trop détonnement. Jétais content. Nous sommes allés à lécole publique, celle de la République française, celle qui porte un drapeau tricolore et ces trois mots sacrés : Liberté, Egalité, Fraternité. On jouait, on apprenait, on jouait : je vous laisse relier les points, mais lensemble était cohérent. Là aussi, jétais content. Un soir, nous rentrions à la maison en voiture, ma soeur pleurait. Un gamin lui avait dit dans la cour décole quelle nétait quune sale négresse et que ta famille nétait pas ta famille car eux, ils sont blancs. Je ne sais plus ce que mes parents ont fait pour la consoler. Que peut-on dire ? Elle est noire, elle restera noire. Tant mieux. Plus tard, cest devenu un jeu entre nous : je la traitais de négresse, elle me répondait cul-blanc, je la traitais de bouffeuse de poulets elle rétorquait bouffeur de saucisson. Cétait idiot : jadore le poulet bien plus quelle, elle raffole du saucisson bien plus que moi. Va savoir.... Les insultes nous appartenaient, on se les appropriait : ceux qui disaient cela avec du mépris dans la bouche en étaient dépossédés. Un jour, ma sœur a déménagé sur Paris. Elle sest fait des amis, noirs comme elle, adoptés, comme elle, et par des blancs, comme elle. Pas de communautarisme, non, mais personne naime être seule et les autres noirs quelle rencontra sur la capital ne lacceptaient pas, la traitaient de Bounty : tes noire à lextérieur, mais blanche à lintérieur. Alors elle sest entourée damis qui lui ressemblaient. il est rassurant de toujours rappeler que les blancs nont pas le monopole des discriminations : si la bêtise humaine était comestible, personne au monde ne souffrirait de malnutrition. Malheureusement, elle ne se mange pas. Contrairement aux bananes. Elle est pour qui la banane ? Elle est pour la gueunon ! Hurle la petite fille au ministre de la Justice. Ca a été crié très fort, ça a été fimé, ça a été vu, ça a été commenté. Je nirai pas jusquà traiter cette enfant de petite conne, comme la fait lexcellent F. Morel. Ou alors je dirai pauvre petite conne parce que, et dâme et desprit, cette enfant semble avoir été privé de bien des qualités. Elle en souffrira. Bien plus que la ministre de la Justice à qui ce fruit était destiné. Je ne reviendrai pas sur tout le bien que je pense de ces bons citoyens appartenant au mouvement de la manif pour tous. Je ne commenterai pas le silence assourdissant de cet abbé de Civitas qui, alors quil assiste à la scène, sourit et applaudit des deux mains avant dajouter, hilare : Ya bon banania !. Avec des prélats comme lui, léglise qui ma baptisé na pas besoin dennemis. Ça fleurait bon le sud des États Unis dAmériques des années 30. Je ne veux pas défendre la ministre de la justice Christiane Taubira (je nai même pas voté pour son parti lors des précédentes élections). Ce ministre na pas besoin de moi, elle est de ces grands Hommes qui font avancer le pacte républicain plus avant en survolant les insultes et des quolibets. On ne se souvient plus des injures qui furent lancées à lencontre de Simone Veil ou de Robert Badinter. Mais on se souvient de Veil et de Badinter. Ce qui minterpelle ? Pourquoi, dans ce beau pays de France, que jaime et dont je suis fier, dans ce beau et grand pays, héritier des lumières, de Diderot et de Voltaire, aucun grand intellectuel na pris la plume pour dire haut et fort : Attention, Mesdames et Messieurs, Attention ! Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark ! Attention ! Où sont-elles, nos lumières ? Où se cachent-ils, nos grands intellectuels, nos académiciens, immortels et engagés ? Hé ! Les vieux ! Voilà la saison des prix littéraires terminée, vous pouvez quitter vos restaurants huppés, vos tanières et vos hôtels bon chics bons genres. Vous pouvez même parler un peu. Cest important, les mots : avec, on peut faire pleurer, rire ou réfléchir. On peut dénoncer une injustice et indigner un peuple. On peut, du verbe pouvoir, qui est aussi un nom commun : - pouvoir : n. m., capacité de produire un effet, possibilité daction sur quelquun ou sur quelque chose. Un grand pouvoir donne de grandes responsabilités, pas seulement le privilège de sasseoir hôtel Drouant pour consommer à lœil en dissertant sur qui mérite davoir le Goncourt ou le Renaudot. Parce que pendant que vous vous astiquez la tige pituitaire, il se passe des choses dans ce pays. Des choses moches et moisies. Oh ! Je ne vous demande pas de défendre Christiane Taubira parce que cest une femme ou parce quelle est noire. Je vous demande de défendre un représentant de létat. Dailleurs, il nest pas question pour moi décrire un article à caractère politique. La politique, si elle permet de dépasser nos égoïsmes individuels pour construire un pacte commun, un vivre-ensemble, est avant tout un métier. Je ne suis pas compétent pour men mêler. Messieurs les politiciens, vous avez lavantage dêtre bien plus intelligents que moi (ce qui fait sans doute de moi quelquun de plus heureux que vous ou, pour le moins, bien plus naïf : jaime beaucoup ma naïveté... Elle me permet décrire ce que je veux sans trop encourir de reproches. Elle est presque aussi utile que mon stylo...) Lors de son entrée à lassemblée, madame Taubira a été salué par les députés. Ils se sont levés, et lont applaudie. Unanimement ? Non. Les députés UMP sont restés assis et silencieux. Cette inaction est une tache, messieurs, sur vos jolis cols blancs. On ne vous demandait pas dêtre daccord avec Madame Taubira, non, on vous demandait de montrer que le pacte républicain était là, intact, sacré. Peu importe que madame la ministre appartienne au parti socialiste, du front national ou du front de gauche -qui sont autant de partis nécessaires à la bonne marche de notre démocratie- on vous demandait de vous lever pour dire : Mesdames et messieurs les Français, regardez, nous nous dressons comme un seul homme pour crier haut et fort quil y a des choses qui ne se font pas dans notre magnifique et vieille république. Nous sommes, ma soeur et moi, des enfants de lécole publique, celle qui est laïque, républicaine et indivisible. Nous sommes des enfants de la République. [...] Je ne reconnais plus ma Mère. [...] Alors messieurs les sénateurs, messieurs les grands intellectuels de ce grand pays de France, ma sœur et moi nous vous posons une question : nous aurait-on mentis à lécole ? Comme je ne peux résolument pas me faire à cette idée, je crois détenir une réponse à la fameuse question de savoir pour qui est la banane. Elle est pour qui la banane ? Elle est pour vous, les grands intellectuels et les grands politiciens de tous bords, pour vous donner des forces. Cest plein de calories et de potassium, la banane. Ensuite, après dégustation, installez-vous à vos pupitres et usez du talent qui est le votre. Utilisez votre pouvoir. Indignez-vous, comme dirait papi. Les enfants de la république, ceux qui agitent des bananes et ceux qui ont des soeurs noires, en ont besoin. Vraiment
Posted on: Wed, 13 Nov 2013 14:47:59 +0000

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