CRISE EGYPTIENNE : le contre-exemple algérien Un prix Nobel de - TopicsExpress



          

CRISE EGYPTIENNE : le contre-exemple algérien Un prix Nobel de la paix, l’imam de la plus haute autorité religieuse de l’islam sunnite, le chef de la communauté copte autour d’un général qui jure protéger l’Egypte « du terrorisme, de l’ignorance et de l’extrémisme ». Du jamais vu. L’avant-veille, la nation vivait la plus grande manifestation de son histoire pour la liberté. Plus qu’une révolution, c’est une résurrection.Avec ses anges, ses apôtres et son glaive réunis, le tout précédé par la ferveur de la foule des adeptes. La scène est d’autant plus saisissante que, pour une fois, un pays à majorité musulmane associait des chrétiens à sa renaissance. Il y avait quelque chose qui relevait du sacré dans ces images. Du moins en apparence. Quelques milliers de kilomètres plus à l’ouest, les débats algériens s’installèrent aussitôt dans les tranchées des radicalismes expéditifs. Les amateurs de la démocratie kaki se prenaient, à nouveau, pour les élus de l’Histoire, avec l’abus pour argument de campagne et la gâchette comme bulletin de vote. Les islamistes, amateurs du scrutin sans retour, rappelaient que le peuple les avait choisis. Partout et une fois pour toute. Si l’on excepte la notable chronique de Kamal Daoud, d’autant plus méritoire qu’elle surnage dans un organe moulé dans le tribalisme, on serait bien en peine de trouver un commentaire ou une analyse rendant compte d’une situation où, faute de pouvoir anticiper les évolutions immédiates, la complexité invite à la prudence et la nuance. Certes, les éléments de rapprochement entre l’Algérie et l’Egypte existent. Malgré la méfiance qui a fini par peser sur les deux orientations, le nassérisme a bel et bien inspiré le boumediénisme. Le militarisme pécuniaire est à la base des deux systèmes. En Egypte l’armée revendique en tant qu’institution sa place et sa part dans le complexe militaro-économique alors qu’en Algérie les militaires interviennent par des sous-traitances occultes, échappant ainsi à la concurrence et à l’impôt. On peut ajouter à ces similitudes le fait que les oligarchies militaires ont joué de l’islamisme contre la démocratie et il ne faut pas oublier que Nasser, prenant appui sur son affidé Ben Bella, a, croyant les éradiquer, exfiltré les frères musulmans dès 1962 vers l’Algérie. Tactique sur une problématique éminemment stratégique, la recette a fait long feu : les islamistes ont essaimé en Algérie et le pays qui les a vus naître endure aujourd’hui, dans le sang et le désordre, ses nuisances mitotiques. La comparaison, déjà consistante, s’arrête là. En 1991 le FIS, néophyte des croisades à rebours, affirmait à qui voulait l’entendre, avant même d’avoir investi les institutions, que dans un pays rendu à Dieu, le vote valait blasphème ; légitimant l’intervention de l’armée. En Egypte, Morsi, comme d’ailleurs Ghannouchi en Tunisie ou Erdogan, dans un autre conteste, en Turquie, s’emploie à rogner les libertés par des procédés qui prétendent emprunter les chemins de la légalité. La démarche rend plus délicate le recours aux interventions militaires intempestives. Le propre des frères musulmans est l’entrisme et il faudra se préparer à livrer bataille à leurs gouvernements par les combats de procédure aussi si on ne veut pas que les forces démocratiques qui les affrontent soient assimilées à des feuilles de vigne masquant les intérêts maffieux d’armées prétoriennes. Les démocrates algériens, qui ont été les premières victimes de la police politique avant d’être les cibles privilégiées de l’islamisme, savent ce qu’il en coûte, en termes d’image et de statut, de se retrouver dans la situation où il faut choisir entre la peste et le choléra. Autre distinction notable entre l’Egypte et l’Algérie, hormis la Kabylie et la capitale où s’est mobilisée une partie des femmes, les populations, exaspérées par l’incurie du FLN, avaient basculé vers l’islamisme. Et même quand ce dernier s’est livré à la barbarie, il y a eu peu de manifestations de masse pour s’y opposer politiquement. Il est vrai que dans le cas algérien, le conflit laissait peu de place à l’argument politique. Mais quand bien même la violence empêchait-elle l’échange pacifique, il reste que les adversaires du projet islamiste, qui ne se recrutaient que dans l’opposition démocratique, était empêchée de développer un projet alternatif à l’islamisme sur lequel surenchérissait le pouvoir. Qui peut oublier la sortie de Belaid Abdeslam, rappelé en tant que chef du gouvernement sauveur de la nation, quand il déclara: « nous ne laisserons jamais le FIS appliquer la chariâa, c’est nous qui l’appliquerons ». Imagine-t-on, dans les années 1990, un Khaled Nezzar prenant solennellement la parole à côté d’un imam rejetant l’extrémisme et de l’Algérien monseigneur Duval ? A-t-on un jour entendu un général algérien affirmer, dans le feu de l’action, ce qu’assume le général Sissi : nous n’accepterons jamais que le pays soit livré « à l’extrémisme, au terrorisme et à l’obscurantisme ». Si le terme terrorisme est banalisé dans le jargon des dirigeants algériens, les concepts de libéralisme politique ou de laïcité revendiqués par les opposants aux frères musulmans en Egypte ont été reniés et même combattus par le pouvoir. Il a fallu l’arrivée de Boudiaf pour que l’islamisme soit mis en débat et qu’un tribunal, présidé par une femme, prononce la dissolution d’un FIS, engagé depuis des mois dans l’insurrection armée. Autre indice qui, pour être factuel, n’en est pas moins révélateur de la différence d’approche de la position et de la manière dont le militaire conçoit son rôle. Patron du renseignement militaire avant d’être chef d’Etat-major et ministre de la défense, le général Sissi est venu devant les caméras annoncer la mise à l’écart du président Morsi. On attend toujours une déclaration publique du général Gaid Salah ou du général Toufik ne serait-ce que pour énoncer un constat aussi anodin qu’une vacance de pouvoir. Non, l’Algérie n’est pas l’Egypte et 1991 n’est pas 2013. Il n’en demeure pas moins que les Algériens peuvent tirer, dès maintenant, certains enseignements de l’expérience égyptienne. Du moins sur les moyens et long termes. Tous les mouvements islamistes, du plus light au plus radical, islamisme chiite compris, plongent leurs racines dans la confrérie des frères musulmans fondée en Egypte par Hassan Al Banna en 1928. Et s’il est encore trop tôt pour parler de tombeau, c’est bien dans le berceau de l’islam politique que l’on assiste au désaveu populaire le plus massif et le plus structuré politiquement dans la mesure où le libéralisme, l’humanisme et la laïcité sont ouvertement assumés par El Baradei et ses partisans. Autre chose, la crise égyptienne, précédée par les turbulences turques, a démontré que les tentations autoritaires sont inévitables dans tous les régimes islamistes ; révélateur qui remet en cause la thèse de l’islamisme modéré. Il faudra du temps avant que cette démonstration dévoile toutes ses implications. Et, aussi paradoxal que cela puisse paraître, c’est par l‘exercice du pouvoir que l’islamisme, quand il s’astreint au pacifisme, a été déconstruit. La répression exaltant le martyr, il est extrêmement difficile d’emporter l’adhésion en s’adressant à la raison dans des mouvements où ignorance et frustration sont les premières pourvoyeuses de candidats aux sacrifices voire au suicide. Au regard de l’histoire politique, une voie majeure vient de s’ouvrir pour la démocratie en terre d’islam. Pourtant, l’immense soulèvement égyptien a un goût amer. Une fois de plus c’est la baïonnette qui semble ponctuer une révolution citoyenne. Lancinante et éternelle question : l’armée a-t-elle sauvé un pays ou un régime ? Il faudra attendre de connaitre les données internes au pouvoir égyptien avant le coup d’Etat du jeudi 4 juillet pour mieux appréhender la réalité. Morsi, comme il se dit ici et là, allait-il limoger l’Etat-major pour promouvoir ses proches ? Les risques d’affrontements étaient-ils si grands que les dérapages eussent été irrattrapables ? L’armée égyptienne avait-elle la latitude de laisser la pression populaire continuer à isoler le gouvernement islamiste dont la chute par la rue aurait certainement été plus conforme à l’esprit du mouvement qui a, avec ou sans l’appui des militaires, réussi la plus grande manifestation pour la démocratie en Egypte et peut-être dans le monde ? Loin des évènements et devant la gravité des violences et les pressions des incertitudes qui ne manqueront pas de se multiplier en Egypte, les démocrates vont devoir vivre, dans l’insatisfaction intellectuelle et le malaise moral, une situation que la rationalité ne peut admettre. Nul ne peut dire aujourd’hui comment et à quel prix le peuple égyptien va gagner la paix et accéder à la liberté. On doit néanmoins lui reconnaître le mérite de poser une problématique que l’Algérie n’a pas su ou voulu assumer. La démocratie peut-elle être réduite à l’élection ? On peut les appeler préalables, postulats ou cahier des charges ; c’est à ce qui fonde la conquête, le contrôle et l’exercice du pouvoir démocratique que nous invite à réfléchir la nouvelle Egypte. Un beau challenge qui parle à la fois au quotidien et à l’histoire, à la politique, l’éthique et la philosophie. Privé une première fois des avantages d’une indépendance qui a profité à tant de peuples, l’Algérien, qui a pourtant payé le tribut le plus lourd à l’inégrisme, ne sera pas, cette fois encore, le premier bénéficiaire de son sacrifice. Rachid Bali Publié le dimanche 7 juillet 2013 algerie-express/ae/chronique1/2677-crise-egyptienne-le-contre-exemple-alg%C3%A9rien?hitcount=0
Posted on: Sun, 07 Jul 2013 18:33:04 +0000

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