Cherif Ferjani L’UGTT ET LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF : BOUCS - TopicsExpress



          

Cherif Ferjani L’UGTT ET LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF : BOUCS EMISSAIRES DE L’ENLISEMENT DE LA TRANSITION Cherif FERJANI (Article envoyé au magazine REALITES pour sa livraison du 28 novembre au 4 décembre 2013) A peine commencé, ce qui fut présenté comme ultime étape du dialogue national a été suspendu : l’attachement d’Ennahda à « l’homme providentiel » de la discorde, Ahmed Mestiri, d’un côté, l’arrogance des radicaux de la Troïka à l’ANC, de l’autre, ont conduit à un nouveau blocage d’une transition qui s’éternise. Le Tribunal Administratif, qui refuse de cautionner les irrégularités de la procédure adoptée pour le choix des membres de la future ISIE, est accusé de multiplier les obstructions pour empêcher l’ANC de faire son travail. Les organisations de la société civile formant le Quartet, et plus particulièrement l’UGTT, qui refusent de jeter l’éponge et multiplient les efforts pour que le dialogue national reprenne rapidement, sont accusées de faire durer une parodie de dialogue dont les seuls bénéficiaires sont les islamistes et leurs alliés de la Troïka. Certes, ceux qui s’acharnent contre le Tribunal Administratif ne sont pas les mêmes que ceux qui stigmatisent le rôle de l’UGTT et du Quartet ; mais, d’un côté comme de l’autre, les cibles choisies représentent les contre-pouvoirs les plus importants sur le chemin du coup d’Etat rampant d’Ennahda. En l’absence d’une Cour Constitutionnelle et d’autres contre-pouvoirs institutionnels, le Tribunal Administratif représente l’unique recours contre l’arbitraire d’une assemblée qui a délaissé les missions pour lesquelles elle a été élue pour s’instituer en pouvoir législatif absolu. Prendre pour cible cette institution, c’est s’attaquer au seul obstacle légal au projet islamiste visant à démanteler les rouages d’un Etat moderne pour restaurer les habous et d’autres institutions surannées. A travers le tribunal administratif et les magistrats qui luttent pour l’indépendance de la justice, ce qui est visé c’est l’aspiration à un Etat de droit où les gouvernants ne sont pas au dessus de la loi et ne pourront plus disposer du pouvoir comme d’un butin ou d’un patrimoine personnel. Concernant l’UGTT et le Quartet, en l’absence d’une classe politique capable de s’entendre sur un agenda qui évite au pays une guerre civile ou d’un scenario à l’égyptienne, les Tunisien(e)s doivent apprécier le rôle que jouent ces expressions autonomes de la société civile depuis l’expiration du mandat de l’ANC. Minimiser ce rôle, critiquer ces organisations en leur reprochant de se mêler de ce qui ne les regarde pas tout en leur demandant d’appeler à la grève générale et à des actions pour faire tomber le gouvernement, c’est d’abord incohérent puisque l’on attend d’elles plus que ce qu’elles ne peuvent apporter sur le terrain de l’action politique tout en leur reprochant de s’en occuper ; c’est aussi s’attaquer aux seules forces capables de s’opposer sur le terrain de l’action au coup d’Etat rampant d’Ennahda à travers les luttes quotidiennes qu’elles encadrent contre les limogeages des compétences, les nominations partisanes, la corruption, les pratiques mafieuses et les mesures qui contribuent au démantèlement des institutions et des services de l’Etat, à la destruction de l’appareil économique, à l’appauvrissement de la population et à l’aggravation du chômage et des inégalités sociales et régionales. Mettre sur le dos de ces organisations l’échec du dialogue national, c’est oublier que leur rôle se limite à réunir autour de la table les acteurs politiques qui n’arrivent ni à dialoguer sérieusement ni à aller jusqu’au bout de leur intransigeance : Tout le monde déclare qu’il faut éviter le scenario égyptien mais personne ne veut assumer les compromis nécessaires pour éviter la guerre civile. On oublie que la feuille de route du Quartet n’est que la résultante des accords entre les principaux acteurs politiques et de la société civile engagés dans le dialogue national. Si elle comporte des failles, et elle en comporte, c’est la responsabilité de tous les acteurs qui n’avaient pas accepté les concessions nécessaires pour qu’elle soit meilleure : Ennahda et ses alliés n’ont pas accepté la dissolution, pourtant nécessaire et justifiée, de l’ANC devenue un véritable boulet et le principal obstacle à la réussite de la transition ; l’opposition n’est pas assez unie pour parler d’une seule voix à la Troïka et pour changer le rapport de forces de façon à imposer la dissolution de l’ANC et la mise en place d’un gouvernement de compétences présidé par une personnalité réellement indépendante. Ennahda et ses alliés ont profité de la désunion de l’opposition au sujet du choix du futur chef de gouvernement pour se dérober à leurs engagements. Le Tribunal administratif, l’UGTT et le Quartet n’y sont pour rien. Les prendre pour boucs émissaires et leur faire assumer la responsabilité de l’échec du dialogue national n’est ni juste, ni responsable, ni conforme à la vérité. L’erreur est de croire que le rôle joué par ces acteurs suffit à lui seul pour abréger le règne de la Troïka, accélérer la fin de la transition et faire échouer le coup d’Etat rampant d’Ennahda. Parallèlement à ce rôle indispensable, tous les acteurs du champ politique et de la société civile doivent se mobiliser pour changer le rapport de forces en faveur d’une issue démocratique de la transition qui passe par la réalisation des objectifs de la feuille de route du Quartet. Les grèves, les sit-in, les recours en justices, et les autres formes d’actions à la portée des différents acteurs sont aussi indispensables. La grève générale que beaucoup demandent, à tout bout de champ, à l’UGTT d’organiser est une arme qu’il ne faut ni banaliser ni considérer comme une solution miracle. Elle n’est efficace que lorsqu’elle est bien maniée et opposée à un pouvoir qui a le souci d’éviter le pire pour l’économie et les intérêts du pays. Les gouvernants actuels ont donné toutes les preuves que c’est là le dernier de leurs soucis. C’est la raison pour laquelle d’autres moyens doivent être envisagés avant d’y recourir. Pour que le dialogue redémarre sur des bases moins aléatoires, il serait important de tirer les leçons des erreurs qui ont conduit à sa suspension : Concernant le choix du prochain chef de gouvernement, il est important que les candidats se déclarent eux-mêmes et donnent, au moins, une profession de foi indiquant leurs orientations. L’opposition démocratique doit, de son côté, éviter de se diviser à nouveau en examinant d’avance les candidatures et en s’entendant sur les noms qui correspondent à ses critères. En cas de désaccord, il faut que le choix du Quartet s’impose à tous et n’accepter le veto d’aucun parti. Pour ce qui est du gouvernement que proposera la personnalité indépendante choisie pour le présider, il n’a pas à passer par la validation de l’ANC. Celle-ci doit se consacrer aux seules tâches qui lui restent à finir dans les délais prévus par la feuille de route (à partir de la reprise de ses travaux) : l’adoption de la constitution et de la loi électorale, assortie d’un calendrier pour les élections, et la formation de l’ISIE conformément aux remarques du Tribunal Administratif. Une fois le travail de l’ANC terminé, elle doit être dissoute pour éviter de continuer à entretenir un boulet qui ne fait qu’entraver l’aboutissement de la transition. Le conseil du dialogue national accompagnera le gouvernement dans la gestion de ce qui reste de la transition jusqu’aux prochaines élections.
Posted on: Sat, 30 Nov 2013 22:08:58 +0000

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