Chers tous, Quand on vous dit de tout faire pour éviter - TopicsExpress



          

Chers tous, Quand on vous dit de tout faire pour éviter l’amalgame, vous comprendrez pourquoi en lisant la brillante contribution du talentueux Sidi Mohamed ICHRACH ; un des leaders les plus brillants de la communauté Touareg. Ancien leader de la rebellion des années 90, Sidi Mohamed est un démocrate republicain qui a le courage de ses opinions. Lisez ci-joint. Bonne journée Votre dévoué serviteur Abdoullah COULIBALY Vice président FFB --------------------------------------------------- Décentralisation au Mali: Comment impliquer les chefferies traditionnelles dans la gestion des collectivités territoriales ? Par Sidi Mohamed ICHRACH Inspecteur des Douanes – Bamako [email protected] I. Introduction : Après vingt ans de décentralisation, il apparaît opportun d’observer un temps d’arrêt pour jeter un regard sur la mise en œuvre de cette politique et, éventuellement, corriger les imperfections constatées. De façon générale, plusieurs insuffisances sont reprochées à la mise en œuvre de la décentralisation dans notre pays, parmi lesquelles on citera : - L’inadéquation entre les moyens transférés par l’Etat aux différentes collectivités et les missions qui leur sont conférées par la loi ; - L’insuffisance des moyens humains (qualité et effectif) mis à la disposition des collectivités ; - L’option pour une décentralisation immédiate et générale se traduisant par la création de communes non viables ; - La qualité et la représentativité réelle des élus (savoir faire et savoir être) ; - Le mode d’élections qui en réalité se traduit surtout par l’achat des voix ; - Les rapports entre les Collectivités et l’Administration d’Etat ; - La non prise en compte de certaines couches sociales dans le schéma de la décentralisation, se traduisant par leur mise à l’écart dans les processus locaux de prise de décision : autorités traditionnelles, coutumières et religieuses et des femmes ; - L’absence de restitution des activités des collectivités aux électeurs, ce qui supprime toute possibilité de contrôle populaire sur la gestion locale. Dans la présente réflexion, je développerai quelques idées visant à améliorer la participation des autorités traditionnelles au processus de décentralisation au Mali. II. Problématique : a) Généralités : On peut définir le pouvoir traditionnel comme étant celui exercé par les chefs de fraction (en milieu nomade) et les chefs de village ou de quartier (en milieu sédentaire) sur des populations identifiées et qui reconnaissent et acceptent le pouvoir desdites autorités. En milieu nomade, l’autorité du Chef traditionnel s’exerce souvent sur des régions administratives ou géographiques entières (cas de la région de Kidal et Ménaka) alors que dans d’autres, plusieurs chefferies traditionnelles coexistent sur le même espace (cas des régions de Gao, Tombouctou et Mopti). En milieu sédentaire, le pouvoir traditionnel couvre généralement les limites d’un village mais peut, dans de rares cas, s’étendre au-delà (cas de Hombori et Boni par exemple où le pouvoir traditionnel s’inspire plus du modèle nomade que sédentaire). Il existe une coexistence traditionnelle entre les chefferies sédentaires et nomades : les liens sont très complexes et sont bâtis sur les principes d’entente, de cohésion et de complémentarité économique. Les rapports sont parfois conflictuels mais il existe des mécanismes locaux pour régler les conflits locaux. Ces mécanismes font intervenir des notables d’autres entités (villages ou fractions voisins ou éloignés, griots, forgerons, érudits musulmans, femmes, etc.). Pour une même fraction ou village, le Chef est unique et incontesté. Il gère et règle tous les problèmes naissant au sein de sa communauté. Il jouit du respect et de la considération aussi bien des membres de sa communauté que des chefs des autres fractions et villages. Son statut de Chef lui procure également un certain confort personnel, le mettant à l’abri des besoins de base. Il est neutre, ce qui lui permet d’arbitrer les conflits internes à sa communauté. Il est surtout une autorité morale auprès de laquelle chacun sait trouver la protection nécessaire. Le rôle essentiel du Chef traditionnel est d’administrer sa communauté : sécurisation des personnes et de leurs biens, répartition des terres, protection des faibles, justice et règlement des conflits, relations avec les autres communautés. Ayant été maladroitement utilisée par l’Administration (aussi bien coloniale que malienne) pour exécuter (parfois de façon musclée) des tâches subalternes pas toujours populaires (scolarisation forcée, paiement des impôts, diverses contributions, etc.), la chefferie traditionnelle tire aujourd’hui une part importante de sa puissance dans la qualité de ses rapports avec cette administration : c’est pourquoi tout chef traditionnel tient à ce que nul autre que lui ne puisse être un interlocuteur entre sa communauté et l’administration. b) Chefferie traditionnelle, administration moderne et Démocratie : Le monde moderne a imposé aux sociétés traditionnelles (sédentaires ou nomades) un nouveau modèle d’administration où les puissants s’appellent Gouverneur, Commandant (Préfet), Chef d’Arrondissement (Sous Préfet), etc. La chefferie traditionnelle s’est accommodée de ce système sans l’accepter mais en essayant de l’utiliser au mieux de ses intérêts. Ce système a créé des réseaux de copinage et d’intérêts entre les administrateurs et les chefs traditionnels, système dont les premières victimes furent les populations. L’avènement de la démocratie va bouleverser ce schéma en instaurant un nouveau système où le pouvoir est conféré par les citoyens à travers les urnes : chacun peut donc accéder à un statut de chef (ou à un statut au moins équivalent à celui du chef) et gérer les affaires dont une partie relevait initialement du Chef traditionnel. L’élu devient donc le ‘’concurrent’’ du Chef traditionnel aussi bien au sein de la Communauté que dans les rapports de celle-ci avec l’extérieur (en l’occurrence l’Administration et le Monde politique). Cette situation a créé un conflit latent entre l’autorité élue (maire, député) et la chefferie traditionnelle, mettant en jeu aussi bien l’exercice du pouvoir que des intérêts personnels, contribuant à minimiser (voire à ternir) l’image du Chef traditionnel et à bloquer l’action de l’Elu. Pour sortir de cette trappe, la solution adoptée par les Chefs traditionnels a consisté à participer aux joutes électorales, ce qui dans certains cas a aggravé le problème car, s’il perd les élections, le Chef perd la face et s’il les gagne, il aura perdu en crédibilité parce qu’un de ses administrés a osé lui porter publiquement la contradiction. A l’expérience, on a observé que tout chef qui perd des élections crée et entretient des troubles permanents au sein de la communauté rendant la collectivité instable et ingouvernable alors que la population se trouve ‘’perdue’’ entre les divers ‘’pôles’’ de pouvoir. Cela a énormément contribué à accentuer certains conflits en ce sens qu’ils n’ont pas été gérés dans le délai qu’il faut ou qu’ils ont été gérés par le ‘’mauvais pouvoir’’ : on peut constater que dans beaucoup de cas, la décentralisation n’a pas servi de levier au développement parce qu’elle s’est uniquement limitée à des guerres de clans animées dans beaucoup de cas par les chefs traditionnels ou par leurs soutiens, ce qui revient au même. III. Fraction, Tribu, Communauté : C’est quoi ? Pour camper le débat, quelques définitions me paraissent importantes : Fraction nomade : ensemble de personnes (ménages ou non) se reconnaissant des liens de parenté et se réclamant de l’autorité traditionnelle d’un seul chef appelé Chef de fraction (amanokal n tawset en langue tamachèque). Les fractions sont désignées par leurs noms, lesquels sont complétés, au besoin, par des chiffres (lorsqu’il existe plusieurs fractions portant le même nom). Il peut y avoir plusieurs fractions apparentées rattachées à une même commune mais une même fraction ne peut s’étaler sur plus d’une commune. Tribu/Communauté nomade : ensemble de fractions se réclamant de l’autorité traditionnelle d’un seul chef (Amanokal) appelé Chef de tribu. Les tribus sont désignées uniquement par leurs noms. Dans une même région administrative, il ne peut y avoir plus d’une tribu portant le même nom, même avec des éléments de précision tels les chiffres, les noms de lieu ou de personne. Ce sont donc les fractions qui s’associent pour constituer une tribu sous la direction d’un chef (Amanokal) dont le pouvoir est reconnu et accepté par tous sur un espace géographique reconnu par tous. Le principe est qu’aucune décision ne peut être prise sans l’accord de tous les chefs de fraction(ou sans concertation préalable). Il faut toutefois noter qu’au Mali la notion de tribu, c’est-à-dire le regroupement de plusieurs fractions sous une seule autorité traditionnelle, existe dans les faits mais n’a pas de nom spécifique en langue tamachèque. C’est le vocable ‘’Kel, les gens de’’ qui est utilisé pour désigner le concept de tribu. Exemples : Kel Adagh, Kel Azawagh, Kel Air, Kel Ahaggar, etc.….. C’est cette réalité organisationnelle qui a fait dire à certains spécialistes que le pays touareg était organisé sous une forme confédérale. Chaque fédération était administrée par son Amanokal mais aucune décision ne pouvait s’appliquer à l’ensemble des fédérations si tous les chefs ne l’ont pas acceptée. Cette organisation, décentralisée dans la pratique, a constitué un grand handicap pour la société touarègue : le colonisateur a joué les chefs les uns contre les autres, ce qui a bloqué toute prise de décision unique pour s’opposer à l’envahisseur. C’est donc fédération par fédération que les touaregs ont fait face à la colonisation, chacune avec ses armes. Des conflits sont ainsi nés de cette époque dont certains persistent encore aujourd’hui. Depuis quelque temps, un nouveau concept commence à s’imposer dans le langage politique local : la communauté. On parle ainsi de Communauté Imghad, Communauté Ifoghas, de Communauté Bellah, etc. Ces nouvelles entités sont dirigées par des Coordinateurs désignés par l’assemblée des fractions concernées. Seul problème : ce concept aussi n’a pas d’équivalent en langue tamachèque. IV. Propositions : - Adopter un statut formel des Chefs traditionnels (Chefs de fraction ou de village, Coordinateur de Communauté) comportant une clause leur interdisant expressément (eux, leurs descendants et ascendants) de participer d’une façon ou d’une autre au jeu partisan (neutralité politique) d’une part et comportant des avantages matériels et financiers d’autre part ; - Relire la loi sur la décentralisation afin de faire participer de façon automatique les chefs traditionnels aux différentes assemblées élues suivant le schéma suivant : • Créer un répertoire des chefs traditionnels par commune, cercle et région ; • Faire des chefs de fraction/village couvrant une commune des membres de droit du Conseil Communal avec voix délibérative ; • Réserver un quota de Conseillers de Cercle aux chefs de fraction/village à désigner de façon proportionnelle parmi les chefs de fraction/village siégeant au niveau des Conseils communaux ; • Elargir l’Assemblée régionale aux coordinateurs des communautés avec voix délibérative. Cette approche aura deux avantages essentiels : - Oter aux chefs traditionnels le besoin de se battre sur le terrain politique pour se faire entendre au niveau local et régional ; - Elargir les différentes assemblées (locales et régionales) afin de faire participer le maximum d’acteurs locaux aux délibérations concernant la vie des populations. A ce titre, il n’est pas inutile de souligner que les assemblées locales et régionales telles qu’elles existent aujourd’hui ne sont pas suffisamment représentatives ni des sensibilités politiques ni de la société civile ni même des compétences techniques régionales. Cela explique en grande partie l’incapacité de ces assemblées à élaborer et à exécuter de vrais programmes de développement local ou régional. V. Mode opératoire : - La désignation des autorités traditionnelles comme membres de droit des collectivités territoriales nécessite la relecture de la Loi électorale ; - Dans la pratique, chaque collectivité territoriale comprendra deux catégories de membres : des membres élus et des membres désignés. Les membres désignés peuvent l’être par Arrêté du Ministre chargé des collectivités. - Il faut cependant être prudent : la réforme doit éviter de favoriser la création de nouvelles fractions et villages dont les promoteurs ne visent qu’à être membres des collectivités. Il faut donc stabiliser les fractions et éviter leur multiplication. Bamako, le 21 octobre 2013
Posted on: Thu, 07 Nov 2013 12:53:33 +0000

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