DIRECTIVE EUROPEENNE TABAC Des documents confidentiels internes de Philip Morris, numéro un mondial du tabac, que Le Soir a pu consulter, prouvent que les services internes du cigarettier ont sondé systématiquement l’ensemble des parlementaires européens afin de déterminer s’ils pourraient reporter le vote de la directive européenne sur le tabac ou l’amender. Un texte qui propose notamment d’interdire les saveurs comme le menthol, impose 75% de surface du paquet avec des mises en garde sanitaires et entend soumettre la cigarette électronique aux exigences imposées à un médicament, notamment prouver son efficacité et son absence de danger. Dans ces documents, chaque parlementaire est épinglé en vert, orange ou rouge selon qu’il est acquis aux thèses du cigarettier. L’exercice est détaillé: le parlementaire est-il favorable au paquet neutre, sans marque? Veut-il l’interdiction du menthol? Est-il partisan d’avertissements sanitaires agrandis? D’interdire l’exposition du produit à la vente? Des Belges épinglés Beaucoup de parlementaires analysés proviennent de nouveaux pays de l’Union. Manifestement, le poids des arguments économiques y est davantage entendu que dans les «vieilles nations». Quelques Belges sont quand même épinglés: Marianne Thyssen, ancienne présidente du CD&V, est notée défavorablement pour une possible présidence de commission. Manifestement, ce qu’elle a laissé filtrer de ses positions en matière de santé ne laisse rien augurer de bon pour les intérêts du marchand de nicotine. La parlementaire Anne Delvaux (CDH) n’a pas été percée à jour, son «bulletin» reste blanc. Par contre, Frédérique Ries, MR, est totalement annotée de rouge, comme étant opposée aux thèses du cigarettier. Mais les lobbyistes du cigarettier, qui ont au moins été 161 à agir sur ce dossier, ne se contentent pas d’évaluer l’avis du parlementaire. En août 2012, avant même l’adoption de la directive par la commission de la santé, ils ont déjà rencontré de manière approfondie 257 élus européens, un exploit quand on connaît leur agenda surchargé. La firme a développé une méthode standardisée, pour être sûre de déployer ses thèses. Les arguments à employer sont listés: «mesure inefficace» ou «problèmes juridiques de protection des marques». L’effet sur les petites entreprises doit être évoqué. Les lobbyistes ont aussi deux autres arguments formatés: «Où s’arrêtera-t-on dans la réglementation de la vie en société?» et «Mieux vaut éduquer les jeunes à ne pas fumer». Cette sensibilisation est quasi inefficace, mais ils n’en ont cure. Les lobbyistes du cigarettier disposent de budgets conséquents, dont plus de 500.000 euros pour «des événements». S’arrêtent-ils à des repas de travail ou débordent-ils vers la corruption? Il y a peu, dans un autre dossier, des parlementaires avaient avoué avoir reçu de l’argent pour soumettre des textes «pré-écrits». Les documents dévoilés aujourd’hui restent muets sur ce point. Philip Morris rétorque d’ailleurs que ce travail est dûment conforme aux règles qui encadrent le lobbying à Bruxelles. Mais les lobbyistes du cigarettier semblent vraiment parfaitement informés. Dès août 2012, dans leur planning, ils prévoient par exemple la manifestation «spontanée» des vendeurs de tabac dans la capitale européenne, plusieurs semaines ensuite… Spontanée, vraiment?
Posted on: Mon, 23 Sep 2013 20:48:12 +0000
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