Girl from Ipanema Poste de secours n°5 sur Copacabana. Fabien - TopicsExpress



          

Girl from Ipanema Poste de secours n°5 sur Copacabana. Fabien s’impatiente. Nous avons rendez-vous avec Silvia, cette carioca qu’il a connu il y vingt ans très exactement, au cours d’un déplacement professionnel. Elle, guide accompagnant la délégation, lui jeune salarié du groupe. Pendant que de vieux briscards lui faisaient grossièrement la cours, elle l’avait certainement repéré, lui aussi, s’observant mutuellement du coin de l’œil, suffisamment pour s’échapper ensemble le moment venu et rejoindre une répétition de samba avant d’aller boire le thé dans son appartement du quartier d’Ipanema. Il la rejoindra l’été suivant, sur l’ile de Fernando de Norohna plus précisément, puis c’est elle qui viendra en France, puis plus rien, à part cette carte postale … du Népal. Dix huit ans d’absence de part et d’autre. Quelques tentatives pour la retrouver lors du fameux retour au Brésil en 2008, puis 2011. En vain. Facebook arrangera cela et en 2012, ils se voient, l’un ne sachant que faire et quoi dire, réciproquement pour l’autre. Le temps a passé. Mais l’estime et l’admiration de Fabien sont intactes pour cette carioca, non pas qu’elle soit brésilienne, mais pour ce qu’elle représente, une femme romanesque ! En effet, ce personnage qui arrive enfin, mais grippé, représente une héroïne à ses yeux. Elle nous a donné rendez-vous à cet endroit, parce qu’il est le plus proche d’une favela où elle compte nous emmener. Nous embarquons sur ces fameuses motos - taxis et nous retrouvons en un jet au sommet de la colline sur laquelle s’adossent les maisons dans un perpétuel jeu d’équilibre. Elle se libère à peine de son casque qu’une nuée d’enfants et d’adolescents se jettent sur elle pour l’embrasser, la serrer dans leurs bras. Leurs yeux pétillent, comme si ils venaient de revoir leur maman après une trop longue absence, où leur grande sœur. Silvia, qui n’en pouvait plus de ce tourisme vulgaire, après un trip ‘’baba-écolo’’, s’est finalement tournée vers les laissés-pour-compte. Elle, la descendante de riches ‘’barons’’ du café, s’occupent aujourd’hui des plus nécessiteux. ‘’En leur donnant un petit peu, on réussit à faire de grande chose’’, nous assure-t-elle, ses yeux bleus disparaissant soudain dans un vague à l’âme dont on ne peut saisir la consistance. Effectivement, les gamins nous saluent à leur façon, extrêmement conviviale, et ne cessent de réclamer des photos auprès de Fabien qui s’exécute de bonne grâce. En visionnant ensemble les clichés, des liens se créent. Les jeunes filles me donnent leurs noms pour que je leur transfère les photos via facebook. Fabien s’est fait un nouvel ami, un petit gamin lui montre son savoir-faire : pas de danse, grand écart, poses photo. Il n’arrête pas, hyperactif et semblant très perturbé. Nous apprendrons que la communauté de la favela l’écarte volontairement de ses parents et comprenons que cela vaut mieux pour lui. Nous étions venu assister à une répétition de percussions qui n’aura pas lieu, l’un d’entre eux est mort. On nous dit rien et nous ne posons pas de question. En redescendant à pied, Silvia nous explique que demain elle doit partir avec sa mère voir sa tante mourante, du côté de Sao Paulo. Ses yeux d’un bleu profond disparaissent dans le lointain, quelque part on ne sait où, en France à moins que ce ne soit l’Italie ou encore l’Inde, peut être bien son Brésil natal. Silvia semble constamment en ébullition, ne sachant où aller, se poser, toujours sur la brèche à près de cinquante ans. Fille d’une noble héritière portugaise, colonisateur du Brésil et propriétaire des cultures de café d’un côté, et d’un roturier d’origine italienne militant communiste de l’autre, sa famille pourchassée doit fuir la dictature de la junte militaire qui exproprie au passage son grand-père (grand industriel) aidé en cela par la CIA américaine ! D’abord le Chili, puis Paris où son père profite d’une bourse universitaire pour soutenir une thèse de sciences humaines et sociales à la Sorbonne. Il deviendra un éminent professeur à l’université de Sao Paulo, mais surtout un député aux idées larges mais avec un goût un peu trop prononcé pour le pouvoir, selon sa fille. En France, elle découvrira la joie des sports d’hiver avec sa meilleure amie, Cristiana Reali dont le père, journaliste est également en exil. Les deux familles italo-brésiliennes se retrouvent ainsi, les deux mamans très liées, les trois sœurs Perrone souvent fourrées chez les quatres Reali, et inversement. C’est une époque heureuse, insouciante avant de revenir sur sa terre natale. Silvia continuera à faire des allers retours avec l’Europe, deux ans à Milan avec son copain italien, l’Angleterre - qu’elle détestera - pour perfectionner son anglais, etc., incapable de réellement s’établir, s’inscrivant dans une perpétuelle fuite comme si un bout de culture lui manquait pour asseoir ses besoins pragmatiques et ontologiques, son exil prolongé lui ayant peut être modifié ses valeurs culturelles naissantes opposées aux disparités de ses différentes vies européennes pour lesquelles elle a certainement du se réinventer à chaque fois, dans un grand élan d’adaptation forcée. La conséquence de cette vie éclatée divisera la famille. Les parents divorcent, l’un préoccupé de politique, l’autre vivant sa vie de hippie-bohème-artiste, parcourant le monde sur un voilier. L’une de ses sœurs vivra un temps à New York avec un fils de sombres acteurs hollywoodiens, tatoueur de Johnny Depp et Iggy Pop, qu’elle côtoiera à un moment. Puis une succession de drames : son grand-père adoré, qui lui avait offert sa première paire de skis à l’époque du Chili, sera assassiné par des malfrats qui en voulaient au petit magot qu’il lui restait, puis son père décède juste avant l’une de ses sœurs, la plus proche, tragiquement disparue dans un accident de moto. Mais ce petit bout de femme (-enfant ?) se bat avec l’énergie du désespoir pour exister dans cet immense Brésil qu’elle aime tant mais qui lui a pratiquement tout pris. Son combat et ses projets en sont la preuve bien vivante, quand elle annonce fièrement que son petit protégé, qu’elle a vu grandir et repérer chez lui des aptitudes physiques hors normes, va probablement intégrer le « cirque du soleil », ou encore cette idée de colonie de vacances, inimaginable là-bas, qu’elle va finir par concrétiser ! Elle fourmille d’idées, trop peut être, désordonnée mais bien vivante, toujours prête à recommencer. Aujourd’hui, ça va. Elle a un petit copain, un militaire dont la rigueur la stabilise s’exclame-t-elle, dans un grand éclat de rire plein de dérision, elle qui aura fui son pays par leur faute ! Arrivée en bas de la favela, son regard s’éclaire puis se perd, là-bas vers la mer, cet océan qu’elle a tant de fois traversé, hésitant probablement encore maintes et maintes fois au départ, vers un ailleurs dont elle seule connaît l’endroit. A la faible lueur d’un lampadaire, son visage apparaît, doux et mélancolique, se confondant étrangement avec celui de la pochette de ‘’The Astrud Gilberto Album’’. La fille d’Ipanema, c’est elle.
Posted on: Tue, 20 Aug 2013 10:12:20 +0000

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