Il y a déjà un moment que les Québécois ne se transforment - TopicsExpress



          

Il y a déjà un moment que les Québécois ne se transforment plus en bêtes de cirque lorsqu’ils ouvrent la bouche en France. Mais si leurs hôtes ne croulent plus de rire devant eux, ces derniers ne sont toujours pas, à leurs yeux –et à leurs oreilles- des francophones comme les autres. Pour plusieurs –surtout des Parisiens - le français parlé par les Québécois est un vieux patois de paysans mal dégrossis. Même lorsqu’il est parlé par un intellectuel ou un prof d’université. Et parfois, on pousse l’impolitesse, ou le manque de savoir-vivre un peu loin. Dernier d’une longue lignée, Fred Pellerin a été ridiculisé, il y a quelques semaines, sur un plateau de télé française. Il était de passage à l’émission On n’est pas couché, diffusé sur France 2, lorsqu’un autre invité, le réalisateur Jean-Pierre Mocky, l’a interrompu lors de son entrevue pour lui dire qu’il n’arrivait pas à comprendre ses propos en raison de son accent québécois. « Mais qu’est-ce qu’il dit?? » L’homme a aussi insulté d’autres invités, lançant à une dénommée Natacha Polony qu’elle n’avait dit que des conneries depuis le début de l’émission. Bon. Il est vrai que les plateaux d’émissions françaises sont autrement plus animés que les nôtres, où il règne généralement une unanimité et un consensus soporifiques. Mais la sortie de ce réalisateur démontre qu’encore, en 2013, un Français en apparence éduqué ne peut concevoir, comprendre ou imaginer qu’il y a d’autres façons que la sienne de parler français. Pourrait-on imaginer une situation semblable dans un talk-show britannique ou américain? Un intellectuel ou un artiste australien ou canadien se faire ridiculiser parce qu’il ne parle pas avec le bon accent? Passer pour l’idiot du village? Bien sûr que non. On se moque de l’accent des autres, bien sûr, depuis que le monde est monde. Mais un animateur londonien ne fera pas passer un Américain pour un demeuré en raison de son accent « différent ». « Il aurait l’air d’un plouc lui-même s’il faisait ça. Ça ne passerait pas », me dit Julie Barlow, journaliste et auteure, qui forme avec son conjoint, Jean-Benoît Nadeau, un couple totally bilingue, publiant en anglais et en français. Ils se spécialisent dans l’histoire des langues et ont publié The Story of French, et tout récemment The Story of Spanish. Leur prochain défi : l’Arabe. Ça fait longtemps, poursuit Julie Barlow, que les Britanniques savent que leur langue, l’anglais, ne leur appartient plus. Qu’elle vit sa propre vie en Australie, aux États-Unis, en Inde. « Ils sont fiers de l’enrichissement de l’anglais dans le monde . » De la même manière, l’espagnol n’appartient plus aux Espagnols. La langue de Cervantes compte 22 Académies dans autant de pays, 22 accents, et 22 manières de la parler. Je ne dis pas qu’un Madrilène ne va pas se moquer de l’accent d’un type de Buenos Aires ou de Caracas, ou qu’un Londonien ne fera pas de même avec l’accent du Bronx ou de Dallas. Mais il le fera en privé. Ou dans un spectacle d’humour. Jamais à la manière de Jean-Pierre Mocky à France 2. Les Espagnols et les Britanniques sont rendus ailleurs. Une langue normalisée « On est pris avec les Français, mais les Belges et les Suisses aussi, dit Jean-Benoît Nadeau. Le français est une langue normative. Les Parisiens ont imposé leur manière de parler et leur accent à la France tout entière. Il n’y a pas si longtemps que la France parle français. Les langues régionales étaient bien vivantes il y a de cela un ou deux siècles. » Le français a donc été normalisé. Tandis que les Québécois ont fait évoluer leur propre langue, elle-même un assemblage, dit Jean-Benoît Nadeau, enrichi par des immigrants venus de plusieurs régions différentes. Les Québécois, des Nord-Américains, n’essaient pas de parler comme ils écrivent, poursuit-il. « On est moins normatif dans notre façon de parler. On fait plus d’humour que d’esprit. On est plus désinvolte. On a une culture plus populaire de la langue. » Les Français ayant été de piètres colonisateurs, leur langue s’est fort peu répandue dans le monde autrement que comme une langue seconde, apprise à l’école, comme c’est le cas dans plusieurs pays africains. Elle n’est pas devenue une langue maternelle comme l’espagnol l’a été pour quelques centaines de millions de personnes du continent américain, le portugais pour l’immense Brésil, l’anglais pour les États-Unis, l’Australie. La France n’a jamais été dépassée en nombre par une colonie. « Les Français se sentent encore propriétaires de leur langue », dit Julie Barlow. D’où sa certitude sur la « bonne » manière de parler français. Misère. Mais ça évolue. « Il y a 20 ans, Fred Pellerin aurait été sous-titré lors de cette émission à France 2», dit Jean-Benoît Nadeau. Il y a effectivement du progrès. En 2013, il ne se fait qu’insulter! Bonne Saint-Jean quand même ! Pagination
Posted on: Mon, 24 Jun 2013 23:46:49 +0000

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