Il y a toujours quelque chose dabsent qui me tourmente, Camillle - TopicsExpress



          

Il y a toujours quelque chose dabsent qui me tourmente, Camillle Claudel . Veja um pouco da historia de perdas e ganhos da autora da frase, Junior Pi: Camille Claudel a été l’élève de Rodin. Les heures qu’elle passe à travailler pour lui, sont autant d’heures volées à sa propre création. Ce désir d’exister par elle-même en tant qu’artiste est très manifeste dans la correspondance. De ce point de vue, la rupture avec Rodin, si elle est désastreuse pour la femme, a peut-être été bénéfique à l’artiste. Mais ce désir d’émancipation se conjugue peu à peu avec le délire qui prend forme sous nos yeux, au fur et à mesure que nous progressons dans la lecture des lettres. « C’est à toi que je confie ces trouvailles, ne les montre pas ! » souligne-t-elle en 1893 dans une lettre à son frère Paul, où elle lui expose ses nouveaux projets. Une série d’oeuvres majeures naîtront, traduisant le déchirement intérieur de Camille : l’Implorante, la Valse, l’Age mûr, Persée et la Gorgone, la Fortune et la Niobide blessée. Innombrables sont les lettres où Camille fait part de ses ennuis d’argent. Il faut pour le sculpteur, se procurer des matériaux qui coûtent chers, et malgré l’aide de son père qui ne se démentira pas, de son frère, de Rodin qui lui envoie des clients sans qu’elle le sache, Camille croule bientôt sous les dettes. « Il semble naturel que je doive tout endurer, maladies, manque d’argent, manque de toute affection ». L’état de santé de Camille se délabre, les créanciers menacent « de l’engloutir toute entière », le protecteur bienveillant qu’était « M. Rodin », s’est transformé en un ennemi sournois et acharné, qu’elle surnommera bientôt « le triste sire », « la fouine », « le huguenot Rodin ». Elle accuse « la bande à Rodin » de copier ses oeuvres, de vouloir la dépouiller de tout ce qu’elle possède. En 1909, dans une lettre à Paul, elle écrit : « Je suis dans la position d’un chou qui est rongé par les chenilles ; à mesure que je pousse une feuille elles la mangent ». On ne saurait mieux dire. Camille se barricade, dans son atelier du quai de Bourbon. Volets toujours fermés, elle vit calfeutrée chez elle et ne sort plus que la nuit. Bientôt, ce sera la nuit asilaire. A lire la correspondance nul doute qu’ils se sont aimés. Rodin, le seul et unique homme de sa vie. « Il y a toujours quelque chose d’absent qui me tourmente... » écrit Camille à Rodin en 1886. Fragilité constitutive de Camille que la rupture avec Rodin précipitera dans un délire de persécution. Il faut mettre ceci en regard de ce qu’elle écrit à propos de sa mère en 1938, quelques années après la mort de celle-ci, dans une lettre à Paul : « Les grands yeux où se lisait une douleur secrète, l’esprit de résignation qui régnait sur toute sa figure, ses mains croisées sur ses genoux dans l’abnégation complète : tout indiquait la modestie, le sentiment du devoir poussé à l’excès, c’était bien là notre pauvre mère ». Cette mère, dont Paul Claudel dira : « Elle ne nous embrassait jamais ». Mère présente dans la réalité du quotidien, mais absente émotionnellement, mère froide, certainement dépressive. Rodin dans le délire de Camille va tenir la place de la mère que Camille n’ose affronter en face. Le père mort, la mère donnera libre cours à sa haine. Camille confondra d’ailleurs la date de son internement et celle de la mort de son père, qui a toujours soutenu sa vocation d’artiste, au grand dam de sa mère. Elle a eu lieu quelques jours plus tôt sans que Camille en soit avertie, ni conviée à l’enterrement : « Quand je pense que mon pauvre papa est mort sans que j’en ai rien su et qu’il réclamait sa fille, sa fille ! et que sa fille n’est pas venue ! » Peu après son internement en mars 1913 à l’asile de Ville-Evrard, celui-là même qui accueillera bientôt Artaud, Camille Claudel dans une lettre à Charles Thierry, son cousin, écrit ces mots prémonitoires : « Te rappelles-tu le pauvre marquis de Sauvencourt, du château de Muret, ton ex-voisin ? Il vient de mourir, après avoir été enfermé pendant trente ans ! » Camille pressent-elle ce qui l’attend ? Sait-elle que « tombée dans le gouffre », elle n’en sortira plus ? « Je vis dans un monde si curieux, si étrange. Du rêve que fut ma vie, ceci est le cauchemar... » écrira-t-elle 22 ans plus tard, de l’asile de Montevergues, où elle a été transférée le 7 septembre 1914. Elle y mourra en 1943, après trente ans d’internement ininterrompu. Camille n’a pas tout à fait tort, quand on connait les conditions qui lui ont été faites, d’écrire à propos de son internement : « Maman et ma soeur ont donné l’ordre de me séquestrer de la façon la plus complète, aucune de mes lettres ne part, aucune visite ne pénètre ». Ce qui est rigoureusement exact. Les seules visites ou lettres qui lui sont autorisées, sont celles de sa famille. Elle se résume à trois personnes depuis que le père est mort : la mère, qui ne lui rendra pas une seule visite jusqu’à sa mort en 1929, Louise sa sœur que dans ses délires elle appelle « la dame de Massary » et qu’elle accuse avec « le huguenot Rodin » d’avoir scellé de « bons baisers sur la bouche » un pacte afin d’hériter de son atelier, à qui sera léguée la maison natale à laquelle elle rêve tant de retourner dans ses lettres d’asile, une visite, et Paul quatorze visites qu’il lui accordera à ses brefs retours des antipodes où il a fui le sanctuaire familial, Paul le frère chéri qui malgré ses supplications de la reprendre avec lui à Villeneuve après la mort de leur mère, ne cédera pas lui non plus. Les derniers mots qu’elle prononcera avant de mourir seront pour lui « Mon petit Paul... ». A Montevergues, elle souffre de la faim, du froid, de l’isolement où elle est reléguée : « les maisons de fous sont des maisons faites exprès pour souffrir, surtout quand on ne voit jamais personne », « Quant à moi, je suis tellement désolée de vivre ici, que je ne suis plus une créature humaine. », de la promiscuité avec les pensionnaires : « Dis-toi bien Paul que ta soeur est en prison. En prison, et avec des folles qui hurlent toute la journée, font des grimaces, sont incapables d’articuler trois mots sensés. Voilà le traitement que, depuis près de vingt ans, on inflige à une innocente ! ». Elle rêve de retourner à Villeneuve, « ce joli Villeneuve qui n’a rien de pareil sur la terre ! », sur cette terre du Tardenois, où Camille aimait avec Paul à chercher de la glaise, autour de la grotte du Geyn. Sans cette part de rêve et d’enfance, Camille aurait-elle pu faire face à l’adversité, au malheur et à la souffrance et ne pas devenir tout à fait folle ? Son délire ne disparaîtra pas, même après la mort de Rodin. Vieilles obsessions remâchées qui n’empêchent pas l’étonnante acuité de ce regard empreint d’ironie qu’elle porte sur elle-même et sur le monde. Voici le portrait qu’elle fait d’elle, en 1932, dans une lettre à Paul où elle relate la visite de ses petits-neveux : « Je les ai reçus clopin-clopant, avec mon rhumatisme dans le genou, un vieux manteau râpé, un vieux chapeau de la Samaritaine qui me descendait sur le nez. Enfin c’était moi. Pierre se souvenait de sa vieille tante aliénée. Voilà comment j’apparaîtrai dans leurs souvenirs dans le siècle à venir ». Camille Claudel Correspondance Édition revue et augmentée de Anne Rivière et Bruno Gaudichon. Gallimard, Coll. Art et artistes, 10 avril 2008, 27, 60 €. Sur le site dessinoriginal et artactu : le catalogue de l’exposition Camille Claudel au Musée Rodin et plus amples informations.
Posted on: Sat, 26 Oct 2013 21:29:40 +0000

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