LES VENTS DU SCHTROUMPF-PETEUR La « survie du plus apte » - TopicsExpress



          

LES VENTS DU SCHTROUMPF-PETEUR La « survie du plus apte » n’est pas issue du darwinisme. Elle le précède ; elle le recrute. C’est une mentalité qui se retrouve autant dans la paideia spartiate que dans les divagations les plus modernes des coaches qui, sur M6, infantilisent la ménagère (discours sur les winners) ; dans l’idéologie de la compétitivité prônant le benchmarking autant qu’en géopolitique avec le « conflit de civilisation ». On ne doit pas s’étonner que cette même vision du monde ait si tôt fait de contaminer l’économie. Le « virus Schumpeter » est des plus virulents qui soient en ce début de XXIème siècle. La théurgie de « l’ouragan perpétuel » fait l’unanimité auprès des survivants de la Silicon Valley. S’il fallait comparer la jungle de Schumpeter au spencerisme sectaire des exaltés de la sélection, le couple « hasard » (des mutations) / « nécessité » (de la sélection) se verrait relayer dans une perspective macro-économique par la complémentarité de l’« innovation » et de la « destruction ». L’innovation produit la variabilité ; la destruction, en tant qu’elle accomplit le tri sélectif entre le lard et le cochon, permet ensuite la transmission – précaire – des variations à forte valeur ajoutées. L’innovation apparaît donc en son principe comme la puissance motrice de la croissance économique, mais également comme un agent de corruption. Elle est la plaie et le couteau. La ruine et la richesse. Shiva, chez les hindous, projette sur le plan « religieux » cette parfaite interdépendance de la création et de l’annihilation – de l’annihilation en vue de la création. On ne fait pas, écrit en 1942 l’auteur de Capitalisme, Socialisme et Démocratie, d’omelette industrielle sans briser de secteurs d’activité. L’obsolescence est le tribut de l’innovation. Le leadership des uns se paie au prix de la résorption des marchés concurrents – des marchés « dépassés ». Mais tant s’en faut que toute innovation soit promise au succès : sur la pléiade des ambitieuses start-up lancées sur le marché, peu se maintiennent assez longtemps pour boucler leur année fiscale. Pour ce pérenniser (= passer l’année ; lat. perennis, de per, « par » et annus, « an »). Combien d’éliminées pour que se perpétue l’espèce ? Combien de codons qui n’impriment pas ou plus s’éteignent ? Il n’y aura pas à chercher loin pour apprécier l’ampleur de l’hécatombe. Car représentatif : la faillite de Kodak. Le numérique enterre au pied levé les appareils à pellicule photosensible et, ce faisant, redéfinit radicalement les fondations – pratiques, techniques et théoriques – de plusieurs secteurs d’activité : photographie, cinématographie, traitement de l’image, etc. Disparition des chambres noires qui développaient dans de petites boutiques les argentiques de vos vacances. D’autres exemples de « technologies de rupture » sont l’Internet, ex-Arpanet, qui a plombé le Minitel, le MP3 sicaire du baladeur, le lecteur DVD escarpe du magnétoscope ; plus proche de nous, l’étrange objet que vous tenez entre vos mains qui a flingué le codex, et le codex le parchemin, et le parchemin le papyrus, et le papyrus la tablette en argile pour se voir détrôner – ainsi la boucle sera bouclée – par la tablette numérique. Toute entreprise vecteur d’innovation est appelée à se dissoudre au profit d’autres entreprises vecteur innovations dotées de meilleurs avantages compétitifs. L’ENVERS D’UNE APOLOGÉTIQUE On peut comprendre ce discours comme une « naturalisation » (soit, en définitive, une légitimation) de processus cycliques de destruction de secteurs d’activité. L’économie n’est pas mauvaise : elle est, comme la tornade, comme le typhon, un tumulte permanent. Après l’hiver vient le printemps. Mais le printemps n’éclot que des rigueurs de l’hiver. Quant à l’entrepreneur, son rôle, c’est cacahouète. Le modèle de Schumpeter exclut l’agent humain d’un bout à l’autre du « processus » : tant en amont de l’innovation (facteur décisionnel), qu’en aval de la chaîne, où s’opère la liquidation de l’emploi et des bassins d’emploi liés à l’absence d’innovation. L’ « écodicée » de Schumpeter occulte tout fait comportemental d’amorce. La tornade passe. Dommage collatéral. C’est la faute à Voltaire. La direction est ainsi dédouanée de son incapacité à impulser l’élan (le conatus) de sa péréxistence ; l’actionnariat est déclaré – comme c’est pratique – irresponsable de l’absence de prise de risque nécessaire à son adaptation. Adaptation qui ne doit plus être appréhendée dans un modèle biaisé de sélection (Darwin, Spencer), mais de transformation, en reculant d’un bond jusqu’à Lamarck. Lamarck, pour ce qu’il réintroduit l’initiative comme ressort de la mutation là où les théories de la sélection (idoines en biologie, en biologie seulement) n’y mettent que le hasard. Lamarck déchausse dans son domaine, mais ne dépare pas partout. Assimiler l’économie a un fait météorologique (image de l’ouragan) ou biologique (trope de la mutation) revient à éluder que tout progrès/regrès industriel est fait de (mauvais) choix et d’occasions (manquées). La mirifique rationalisation de Schumpeter se fêle alors pour apparaître, sous ses dehors positivistes, pour ce qu’elle est : la berceuse sédative, la vaseline apologétique qu’elle a toujours été. Il y a donc loin de ce qu’elle se donne pour être à ce qu’elle est : une légitimation spécieuse de l’incapacité des entreprises à l’anticipation, à la ré-invention ; comme si chaque entreprise n’était jamais le support que d’une seule innovation, recluse à cette innovation qu’elle porterait comme un fardeau (génétique, natürlich) et devait périr avec elle. Une manière dilatoire de ne pas résoudre l’antinomie entre le courtermisme castrateur de l’actionnariat obnubilé par son viager et la mobilité – pari sans assurance – que présuppose la course au monopole. Une entreprise, comme un cerveau, ne s’use que si l’on ne s’en sert pas.
Posted on: Sat, 28 Sep 2013 11:01:33 +0000

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