La Cour Pénale Internationale n’existe-t-elle que pour les - TopicsExpress



          

La Cour Pénale Internationale n’existe-t-elle que pour les Africains? « La Cour Pénale Internationale a été créée pour les Africains ». Combien de fois n’avons-nous pas entendu ou lu de tels propos ? Que ce soit dans la presse, dans les discours politiques que dans des salons, bureaux, débits de boissons et autres lieux de rencontres, on entend de plus en plus des Africains se plaindre du fait que cette juridiction, depuis qu’elle existe, ne juge que des Africains. Je me suis intéressé à ce constat, qui est aussi réel qu’intrigant. Mais j’ai fait l’effort de résister à la tentation de tomber dans cette faiblesse qui porte bien des gens à partager les opinions des autres sans discernement. Dans ma démarche, une question m’est apparue essentielle : Est-il anormal que les Africains soient les seuls à rendre des comptes à la justice internationale depuis qu’elle a été instituée ? Pour répondre à cette interrogation, je me suis livré, avec soin et sans passion, à une analyse qui m’autorise à dire qu’en vérité, c’est un mauvais procès qui est fait à la Cour Pénale Internationale. Cette haute juridiction est née de la volonté de la communauté internationale de mettre fin à l’impunité qui régnait dans le monde et qui a encore de beaux jours devant elle. Des arrivistes, pour avoir le bonheur d’accéder ou de se maintenir au pouvoir, se payent le luxe de commettre toutes sortes d’atrocités sans qu’on puisse ni leur faire entendre raison, ni les amener à répondre de leurs actes. Le Statut de Rome, traité qui institue la Cour Pénale Internationale, définit clairement les actes criminels dont les auteurs peuvent être traduits devant elle. Il s’agit notamment : - du génocide ; - des crimes contre l’humanité ; - des crimes de guerre ; - du crime d’agression. Quiconque se rend coupable de l’un de ces crimes a des comptes à rendre à la Cour Pénale Internationale, quels que soient sa race, sa nationalité et son statut social. Partant de ce principe, la question que nous devons nous poser quand une personne est traduite devant cette juridiction, c’est celle de savoir si les faits qui lui sont reprochés constituent bien l’un des crimes qui viennent d’être énumérés. Si nous y répondons par l’affirmative, nous ne devons pas nous préoccuper de ses origines. Ce qui doit nous intéresser, c’est la manière dont le procès sera conduit. A ma connaissance, ce n’est pas sans raison que les Africains auxquels la Cour Pénale Internationale s’est jusqu’ici intéressée ont été traduits devant elle. Tous ont été indexés dans la commission de crimes extrêmement graves que nous avons eu à dénoncer avec force. Devant les horreurs orchestrés ou cautionnées par ces personnes, il nous est arrivé de trépigner, de vociférer et d’appeler la communauté internationale au secours. Je trouve inconséquent, ridicule et irresponsable que nous reprochions à la Cour Pénale Internationale de ne juger que des Africains pour la simple raison que des Occidentaux n’ont jamais comparu devant elle. Un tel raisonnement relève de l’enfantillage. En quoi est-il anormal que les Africains soient les seuls à être jugés par la Cour Pénale Internationale si ce sont eux qui commettent les crimes prévus et punis par le Statut de Rome ? Pourquoi voulons-nous que des Européens, des Asiatiques et des Américains soient jugés par cette juridiction s’ils ne se sont pas rendus coupables de ces crimes ? Si les Africains en ont assez d’être les seuls à se retrouver toujours dans le boxe des accusés de la Cour Pénale Internationale, ils savent ce qu’ils ont à faire : arrêter de faire ce qui peut les conduire devant cette juridiction ! Mais ils ne peuvent pas être les seuls à endeuiller tout le temps l’humanité au nom de leurs ambitions politiques et ne pas vouloir être les seuls à rendre des comptes à la justice internationale. Il importe que nous les Africains nous sachions ce que nous voulons. Nous sommes conscients des difficultés que nous avons à lutter contre l’impunité qui règne sur notre continent. Jusqu’à une époque récente, des auteurs de violations graves et massives des droits de l’homme ne risquaient qu’un exil doré et, le cas échéant, un bref séjour dans une résidence surveillée d’où ils ressortaient triomphalement à la faveur de lois d’amnistie ou de mesures de grâce. Les victimes, directes ou indirectes, de leurs atrocités n’avaient que leurs yeux pour pleurer : elles ne savaient pas à quel saint se vouer pour que justice leur soit rendue. A partir des années 90, celles d’entre elles, au demeurant très rares, qui disposaient d’un peu de moyens avaient recours à des pays occidentaux tel que la Belgique, dont la justice a une compétence universelle. Nous étions très nombreux à crier au scandale et à dénoncer le néocolonialisme sans craindre d’encourager ainsi l’impunité. Depuis quelques années, la communauté internationale s’est dotée d’une justice à travers le Statut de Rome, que de nombreux pays africains ont ratifié avec empressement et sans contrainte. Du coup, ils se sont dûment engagés, sous peine de poursuites pénales, à ne pas commettre les crimes prévus et réprimés par ce traité. Des Africains ont été les premiers et demeurent les seuls, pour l’instant, à se rendre coupables de ces crimes. En quoi, dans ces conditions, est-il anormal qu’ils soient aussi les premiers et les seuls, pour l’instant, à s’expliquer devant la Cour Pénale Internationale ? Au nom de quelle logique faut-il attendre que des Occidentaux aussi commettent de graves violations des droits de l’homme pour songer à poursuivre les Africains qui les ont précédés en la matière ? Et que comptons nous faire, dans l’attente de cette éventualité qui n’est certainement pas pour demain, pour lutter contre l’impunité ? Des Africains continuent de s’illustrer par des atrocités et de s’en glorifier parce qu’ils se disent que de toutes les façons l’impunité leur sera assurée d’une manière ou d’une autre. S’ils sont poursuivis pénalement dans leurs pays, ils sont assurés de recouvrer très vite la liberté à la faveur de pressions faites au nom de l’apaisement et de la réconciliation nationale. Tout, dans leur attitude, porte à croire que dans l’état actuel des choses, la seule juridiction qui peut les inquiéter de façon effective et durable, c’est la Cour Pénale Internationale. Le sachant bien, ils multiplient des déclarations et artifices pour discréditer cette juridiction en espérant se rallier des soutiens pour ne pas avoir à se retrouver devant elle. En vertu du principe de la complémentarité, il revient d’abord aux juridictions des Etats qui ont été le théâtre de génocides, de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de crimes d’agression d’en juger les auteurs et complices. La Cour Pénale Internationale n’intervient que lorsque ces juridictions n’ont pas la capacité ou la volonté de faire juger. Dans certains pays, cette volonté et cette capacité sont réelles. Les autorités de ces Etats, au lieu d’être harcelées et accusées de vouloir faire la justice des vainqueurs, méritent d’être plutôt encouragées, l’impartialité ou la partialité de la justice ne pouvant être appréciée qu’aux termes des processus judiciaires engagés. Dans les pays qui, manifestement, n’ont pas la capacité ou la volonté de juger les auteurs et complices avérés de ces crimes, la Cour Pénale Internationale doit pouvoir jouer son rôle et compter sur la pleine coopération des Etats Parties au Statut de Rome. Toute tentative visant à soustraire aux poursuites devant cette juridiction par solidarité ou pour des considérations idéologiques est une fuite en avant. La Cour Pénale Internationale n’a pas été créée pour les Africains. Elle existe pour toutes les personnes, quelles que soient leurs races et leurs nationalités. Nul ne peut être appelé à lui rendre des comptes s’il n’a rien fait. Mais celui qui, de façon délibérée et pour satisfaire ses ambitions personnelles, se rend coupable de crimes internationaux doit être traduit devant elle sans calculs ni ménagement. C’est à ce prix que nous mettrons fin aux violations des droits de l’homme qui font tant de veuves et d’orphelins à travers le monde. Fodjo Kadjo ABO Sources: Léandre Sahiri
Posted on: Wed, 02 Oct 2013 02:32:32 +0000

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