La Cour des Comptes française a rendu public, le 24 juillet 2013, - TopicsExpress



          

La Cour des Comptes française a rendu public, le 24 juillet 2013, un rapport sur les relations entre l’État et les sociétés concessionnaires d’autoroutes commandé par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale en application de l’article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances. Ce rapport a fait l’objet ce jour d’une présentation à la commission des finances. Des rapports déséquilibrés au bénéfice des sociétés concessionnaires Pour financer le développement du réseau autoroutier, le choix a été fait de déroger au principe de la gratuité des voies de circulation en mettant en place un système de concessions. Les péages prélevés sur les usagers devaient couvrir à la fois l’amortissement des investissements, l’exploitation et l’entretien des autoroutes ainsi que leur extension. L’ouverture du capital puis la privatisation (en 2006) des sociétés concessionnaires d’autoroutes ont modifié la relation entre l’État et ces sociétés. Sept sociétés historiques se sont regroupées au sein de trois groupes : • le groupe Vinci Autoroutes (Cofiroute, ASF, Escota) ; • le groupe APRR, qui réunit APRR – détenue à 95% par Eiffage – et Area. • le groupe Sanef, qui réunit Sanef et SAPN, et est détenu par un consortium formé par le groupe espagnol Abertis et des partenaires financiers (notamment Axa et la CDC). Ce réseau concédé, sur lequel a porté l’enquête, représente les trois quarts du réseau autoroutier et 95 % du chiffre d’affaires du secteur. Ces trois groupes ont perçu 7,6 Md€ de péages en 2011 : 4,28 Md€ pour Vinci, 1,96 Md€ pour APRR et 1,38 Md€ pour Sanef. La Cour constate que la négociation des avenants aux contrats de concession (notamment les contrats de plan) et le suivi par le concédant (assuré par le seul ministère chargé des transports) des obligations des concessionnaires se caractérisent par un déséquilibre au bénéfice des sociétés autoroutières. Le ministère de l’économie et des finances n’est généralement pas associé aux négociations. Or, le gouvernement doit traiter avec des sociétés puissantes, adossées à de grands groupes, de BTP en particulier. Dans ces conditions, la Cour constate que l’administration a des difficultés à collecter les données nécessaires auprès des concessionnaires et à exercer les contrôles qui lui incombent. Des hausses des tarifs des péages nettement supérieures à l’inflation Les contrats de plan, qui fixent pour cinq ans la tarification des péages, devaient être l’exception par rapport au dispositif mis en place par le décret de 1995, mais sont devenus la règle et ont conduit à des augmentations tarifaires supérieures à l’inflation, contrairement à la règle originelle de la concession. Si la pratique du « foisonnement » (augmentation des tarifs plus élevées sur les tronçons les plus fréquentés) a cessé, conformément à la recommandation formulée par la Cour en 2008, les tarifs des péages ont néanmoins connu une progression soutenue. Pendant la période 2009-2012, pour la classe 1 (véhicules légers), la progression des tarifs a été particulièrement importante chez SAPN, ASF et Escota (2,2 % par an), Cofiroute (1,9 % par an), APRR et Area (1,8 %), et supérieure à l’inflation, qui n’a été que de 1,6 % par an. C’est principalement la conséquence de la mise en œuvre des contrats de plan signés depuis 2009, qui prévoient des hausses tarifaires destinées à financer des investissements supplémentaires pour environ 1,2 Md€. Ces hausses ont été telles qu’en 2012, alors que le trafic a chuté fortement, le chiffre d’affaires péages s’est légèrement accru pour ASF, Escota, APRR et Area. Le chiffre d’affaires des sept sociétés concessionnaires historiques a augmenté en moyenne de 4 % par an entre 2006 et 2011. Le caractère contestable des hausses tarifaires issues des contrats de plan Le modèle économique des contrats de plan, qui ne sont pas publics, est construit de telle sorte que tout investissement est compensé par une hausse de tarifs. Ainsi, les bénéfices des sociétés concessionnaires n’ont pas à être réinvestis dans des investissements nouveaux ou dans des diminutions de tarifs. Ce modèle ne peut donc qu’aboutir à une hausse constante et continue des tarifs. Les grands projets autoroutiers étant devenus plus rares, la dernière génération de contrats de plan se caractérise par la juxtaposition d’investissements d’ampleur beaucoup plus limitée. Alors que la compensation tarifaire des investissements lourds (élargissements, sections nouvelles) ne pose pas de problème de principe, la compensation tarifaire des investissements d’exploitation ne peut se justifier qu’à deux conditions : que le rapport entre hausse de tarif et utilité de ces investissements pour l’usager soit favorable et que ces investissements ne relèvent pas des obligations contractuelles du concessionnaire. Or ces investissements ont été davantage proposés par les concessionnaires que par le concédant et la légitimité de leur compensation est contestable, comme pour le télépéage sans arrêt. Un nouveau cadre réglementaire nécessaire L’examen des négociations relatives aux contrats de plan et de leurs résultats met en évidence l’insuffisance du cadre réglementaire et contractuel actuel. Ceci conduit à ce que tout puisse être négocié, non seulement les opérations d’investissements faisant l’objet d’une compensation tarifaire, mais aussi les hypothèses macroéconomiques et les taux d’actualisation, dans des conditions qui ne sont connues que du ministère chargé des transports. Ce contexte place les pouvoirs publics dans une situation qui ne permet pas de garantir que les intérêts des usagers et de l’État soient suffisamment pris en compte. Seule une évolution du cadre juridique et des modalités de négociations permettrait de mieux les prendre en compte. Les péages d’autoroutes participent des coûts de production de l’économie et donc pèsent sur la compétitivité. Maintenant que le réseau autoroutier est largement développé, la politique tarifaire qui le régit devrait en tenir compte et privilégier désormais l’intérêt des utilisateurs et, à terme, de l’État. Recommandations La Cour formule huit recommandations, parmi lesquelles : • formaliser une procédure interministérielle de négociation et de décision pour les contrats de plan et les autres avenants prévoyant la compensation d’un montant significatif de travaux ; • mettre en œuvre, si nécessaire, les dispositions contraignantes prévues par les cahiers des charges en cas de non-respect par les concessionnaires de leurs obligations contractuelles ; • réaliser systématiquement une contre-expertise, formalisée et documentée, de tous les coûts prévisionnels des investissements ainsi que le bilan des contrats de plan précédents ; • revoir le décret de 1995 afin de définir un plafond d’évolution des hausses de tarifs, qui s’appliquerait également aux contrats de plan.
Posted on: Thu, 01 Aug 2013 12:09:49 +0000

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