Les musulmans dAfrique du Nord, dans larmée française qui - TopicsExpress



          

Les musulmans dAfrique du Nord, dans larmée française qui débarqua en Provence par Belkacem Recham Jessaierai daborder pour ma part dans cette contribution trois points qui me paraissent importants. Le premier est celui lié à la part ou à la proportion des musulmans dAfrique du Nord dans cette armée française, celle qui débarqua sur les côtes de Provence en août 1944 pour participer à la libération de la France aux côtés des armées alliées. Le deuxième, souvent méconnu et occulté, est relatif à lemploi, voire le suremploi de toute ces masses de combattants ; un suremploi qui a eu des conséquences graves notamment sur le moral. Le troisième, enfin sera consacré à des éléments dexplication sur les causes de la non reconnaissance, et de loubli de ces combattants. Les soldats nord-africains débarqués ici en août 1944 appartenaient à ce que les historiens appellent les Grandes unités françaises, reconstituées et instruites en Afrique du Nord après le débarquement allié en novembre 1942. On peut les citer : la 3-ème D.I.A. (Division dInfanterie algérienne), 2-ème D.I.M. (Division dInfanterie marocaine), 4-ème D.M.M. (Division marocaine de montagne) et la 1-ère D.M.I. (Division motorisée dinfanterie ex : D.F.L.) auxquelles sajoutent les tabors marocains (les goums). Toutes ces unités, appelées détachement darmée A, constituaient le C.E.F.(Corps Expéditionnaire français) qui avait participé aux côtés des armées anglo-américaines à la campagne dItalie. Elles rejoignirent le détachement darmée B venant dAfrique du Nord et composé de la 9-ème D.I.C. (Division dInfanterie coloniale), 1-ère D.B. (Division blindée) et 5-ème D.B. Le tout formant la 1-ère armée française sous les ordres du général De Lattre de Tassigny. Quelle était la part des indigènes nord-africains dans cette armée ? Comme vous le savez, larmée française, celle de 1939, est prisonnière dans les camps du grand Reich. Suite à la défaite de 1940, la France est occupée dabord partiellement, puis complètement à partir de novembre 1942. Il incombait alors à lEmpire colonial français, épargné par loccupation, de fournir le plus grand effort pour reconstituer cette armée. Cette donnée imposa aux Européens dAlgérie un très fort taux de mobilisation, 14% selon le général De Gaulle, 16% selon le général Juin commandant du C.E.F. en Italie. Le taux de mobilisation des musulmans atteignit 1,6%. Les Européens dAfrique du Nord fournirent la majorité des cadres et les musulmans la majorité des fantassins. Les estimations du nombre de combattants musulmans dans cette armée de 1944 se situent entre 230.000 et 250.000 hommes dans une armée française estimée à 500.000 hommes - soit en gros 50%. Le colonel Nivelle, pour citer quelques études sur la question, donne le chiffre de 246.000 hommes. 139.000 engagés (militaires de carrière) et 107.000 appelés, le gros des appelés venaient dAlgérie. Le général Juin donne le chiffre de 230.000 hommes dont 134.000 musulmans algériens. Un document du C.F.L.N. (Comité français de Libération nationale) précise que larmée régulière de 1944 comprenait 23,2% de musulmans algériens. Toute cette masse dindigènes formait comme nous lavons souligné, le gros de la troupe. Durant la libération de la France un régiment de tirailleurs pouvait encore compter jusquà 66% de musulmans. En revanche un groupe de D.C.A. atteignait difficilement 25%. Dans une division comme la 3-ème DIA par exemple, on comptait en juin 1943, 554 officiers européens contre 15 musulmans (soit moins de 3%), 1520 sous-officier européens contre 273 musulmans (en gros 15%) et 7415 fantassins (plus de 61%). Cette vocation de fantassin leur a valu une participation et une sollicitation constantes de la part du commandement. Engagés dès la reprise des combats en Tunisie puis dans léprouvante campagne dItalie les régiments de tirailleurs subirent des pertes très élevées, notamment lors de la libération. Une note du 2-ème bureau de décembre 1944 précise que depuis le 15 août 1944, les pertes de la 1-ère armée française sélevaient à 30% pour les goums marocains, 50% pour la 2-ème D.I.M. et la 9-ème D.I.C. Et 109,3% pour la 3-ème D.I.A. Les chiffres donnés par le S.H.A.T. (Service historique de larmée de terre) font état de 9237 tués dont 3620 musulmans nord-africains et 34 714 blessés dont 18531 musulmans nord-africains, auxquelles il faut ajouter les pertes de la 2-ème D.B. sélevant à 1224 tués dont 96 musulmans nord-africains et 5257 blessés dont 584 musulmans nord-africains. Lemploi intensif des régiments de tirailleurs a eu des répercussions néfastes sur leur moral. Dès octobre 1944 les officiers du 2-ème bureau notamment ceux des affaires militaires musulmanes (A.M.M.) commencèrent à sen inquiéter. Ils deviennent alarmant après la bataille de Belfort qui sest achevée le 28 novembre 1944. Le moral subit lusure du corps souligne lun des rapports en insistant sur les causes : manque total de repos depuis le débarquement, combat en montagne par temps pluvieux et froid, défaut déquipement, nourriture déficiente, le moral est indubitablement en baisse, conclut lofficiers des A.M.M. Le général de Lattre de Tassigny lui-même reconnaissait en novembre 1944 à propos des soldats indigènes de la 1-ère armée que ses hommes ont limpression naissante quils sont abusivement exploités par la métropole, sentiment terriblement dangereux… Un autre rapport de décembre précise que le tirailleur combat toujours mais avec un mordant diminués. La crise du moral ne sestompa quaprès larrivée dunité FFI à partir de janvier février 1945, FFI accueillis parfois avec des remarques désobligeantes. Cette crise semble avoir affecté particulièrement des unités stationnées à larrière où on notait un fort mouvement dhumeur. Et plus sérieux, une mutinerie se produisit les 12, 13 et 14 décembre 1944 à Versailles au sein dunités de soldats nord-africains en instance de rapatriement, heureusement sans graves conséquences. Quelle place dans la mémoire collective des Français ? Ces faits et ces situations de lhistoire des tirailleurs sont souvent méconnus et occultés. Mais plus que les chiffres, les souffrances, les pertes, les inquiétudes de lÉtat major ce qui importe le plus aujourdhui cest ce que la mémoire collective des Français a gardé de cette participation à la libération de France au moment où nous nous apprêtons à célébrer le soixantième anniversaire de la Libération de la France. Lorsquon demande aux Français à qui ils doivent leur libération ? La réponse est presque spontanée : les américains et les Français libres . Comment sest construit ce mythe ? Dabord par le général De Gaulle lui-même qui a toujours privilégié le rôle de la 2-ème D.B. au détriment de larmée dAfrique. A chaque commémoration de la Libération la place accordée au rôle de la 2-ème D.B. et du débarquement américain en Normandie notamment par les médias na rien de comparable avec celui réservé au débarquement de Provence et des unités africaines . Une autre explication, et non des moindres, est que cette participation représente à bien des égards un épisode à contre-courant de lévolution historique des colonies. Les révoltes suivies de la décolonisation remirent en cause un mythe longtemps entretenu, celui de la loyauté des colonies vis-à-vis de la mère patrie . Dans limmédiat après guerre la fidélité des colonies fut célébrée en grande pompe par des expositions, des conférences et par toute sorte de manifestation démontrant leffort militaire et la part prise par lEmpire à la libération de la Métropole. Ainsi les indépendances des colonies, acquises parfois aux termes de conflits longs et sanglants, précipitèrent dans loubli cette participation à la libération. Cette union sacrée du colonisateur et du colonisé contre un totalitarisme européen, pour le rétablissement de la souveraineté nationale apparaît comme une parenthèse quil convient de fermer. En effet qui, dans la classe politique française, a intérêt aujourdhui à rappeler à des dizaines de milliers des jeunes de banlieues que leurs arrière-grands-pères nétaient pas seulement des ouvriers des usines Renault ou des éboueurs de Paris, mais aussi des libérateurs de la France ? Autre signe de cette amnésie, combien de rues et de places dans les villes françaises portent le nom dunités de larmée dAfrique et combien portent le nom dun combattant indigène, pourtant tombés par milliers sur le sol de France lors de la libération de la France en 1944-45, ou lors de la guerre 1914-1918, ou encore lors de la guerre de 1870, sans parler des guerres coloniales. Quoi quil soit, ce lien entre la mémoire et la citoyenneté nous parait aujourdhui indispensable pour plus de cohésion et de paix sociales dans ce pays. source felina.pagesperso-orange.fr
Posted on: Fri, 08 Nov 2013 21:36:46 +0000

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